Temps reel
Budapest parcours par Emmanuelle Sacchet et l’œil regarde,
correspondants au JIFB, Journal Internet Francophone de Budapest
Fixer une date comme une promesse et s’y tenir. Tenir à un rendez-vous si lointain dans exactement l’âge de ma vie. Mais tout viendra plus vite qu’on ne le croit, encore plus avec le pouvoir incommensurable de l’écriture… Ici et maintenant :
Mardi 21 mai 2046, à la recherche du temps libre perdu.
Heure pile de notre rendez-vous bi-mensuel. Les photos de l’œil regarde et les mots de Budapest parcours sont devenus des balades de 55 minutes suivies en temps réel sur la toile par une flopée d’internautes avides de connaître d’autres lieux et d’autres vies. Prétexte indiscuté pour montrer qu’ils disposent de la valeur la plus forte du moment: le temps libre*. Nos parcours égrainés dans le monde s’inscrivent dans le Livre de la Disponibilité suivis de façon interactive grâce à nos Palp Pilot®, retransmettant images, sons et impressions à qui veut se joindre à la virée.
Nous nous sommes donc retrouvés à Budapest, ville que nous avions autrefois habitée, il y a 39 ans. Nous avons tiré au sort le quartier de Terézváros derrière la gare Nyugati. Les rails sont depuis longtemps souterrains et recouverts de bâtiments green high-tech prisés des people-centric, ces proches de la nature en zone urbaine. Il est vrai que les pulvérisateurs antiallergènes à aspirateur de pollen ont bouleversé la vie de plus d’un. Les plus aisés prennent le trois minutes, l’aérotrain qui relie le centrum à Törökbálint.
Ainsi, en longeant Podmaniczky utca, l’on constate avec plaisir que Budapest a gagné son pari de l’éclectisme. La politique d’urbanisation et d’uniformisation des gouvernements des cinq dernières décennies a longtemps considéré la diversité architecturale de Budapest comme un avatar du XXe siècle à bannir. Le Comité d’Embellissement de la Ville ayant fortement gagné en considération et en pouvoir a entériné le fait que Budapest devait rester cette capitale prônant l’éclectisme des néo tous genres, prenant enfin le pas sur le déconstructivisme américain qui s’était imposé jusque-là.
L’Europe des 33 ayant connecté toutes les villes et les pays entre eux, la Hongrie a trouvé sa place de centre géographique de l’Europe ; Budapest est devenue la pierre angulaire incontournable. L’architecture a ainsi retrouvé un essor qu’elle n’avait pas connu depuis les années 1900-1920, juste avant la chute de la double monarchie austro-hongroise, quand Budapest voulait se construire en rivale de Vienne. La vague post rideau de fer n’ayant pas réussi à imposer la personnalité de la capitale magyare. Le groupe ORCO a ainsi transformé les façades les plus en vue par les meilleurs architectes du monde. Des fonds privés internationaux ont achevé la réhabilitation de tous les palais méritants. Les promoteurs ont systématiquement surélevé d’un étage les toits des bâtiments, les dotant du même coup des plus beaux équipements et ravalements. Mentionnons que Budapest a réussi à implanter dans les rues son quota d’arbres obligatoires bien avant tous les autres pays d’Europe.
Ah ! C’est maintenant une petite pause pub : la charmante distributrice de tracts du “Zeusz könyvelôcentrum az Isteni segítség” (centre comptable de Zeus à l’aide de Dieu) propose tous les services à imaginer. Organisation de vos week-ends, éducation à la demande, montage de société, lecture d’un livre par voix réelle, apprentissage d’une langue par patch nocturne (les hôtels cinq étoiles sup ont fait revenir en force la langue russe qu’il convient de maîtriser à nouveau). Si vous êtes intéressés, veuillez frôler leur logo qui s’affiche sur votre Palp Pilot® pour une mise en relation.
Mais voilà que nous arrivons à un espace très émouvant, le trou d’un immeuble détruit nous rappelle les années 2000. Ces béances appelées “gödör” en hongrois étaient les lieux de toutes nos projections. Ce quartier oublié du XIIIe arrondissement relie Vaci út au bord du Danube par le Bulcsú, passage semi-souterrain aux parois d’images virtuelles. Un écran tactile permet de choisir l’ambiance de la traversée. Couleurs du temps est bien sûr ma préférée (fleurs naissantes, mer d’huile, feuilles craquantes et neige crissant) mais mon acolyte appuiera au dernier moment sur Tags à gogo pour me faire enrager. Nous débouchons sur le fleuve, en face de la réserve d’oiseaux du delta du Danube de l’Ile Margit. A propos du Danube, notons que la construction du Parlament Alagut a enfin dénoué la dichotomie autoroutière entre Buda et Pest grâce à un tunnel subaquatique. Autre problème réglé : mes 78 tours de cadran tournent toujours aussi rond grâce à ma gyro® la dernière génération de ces formidables trottinettes 2 roues à reconnaissance intelligente de mouvement.
Vive les années 50 !
Ndlr *En effet, le gouvernement Sarkozy (élu président de la Hongrie en 2029 et premier président de la République d’Europe en 2034) a réhabilité le ministère du temps libre et de l’intégration.
Photos Clément Saccomani
Allez, c’était pour rire 2046 ! Cosmos 1999 avait tellement le parfum du futur qu’on l’a rapidement dépassé, presque dépité que l’an 2000 ne soit rien de plus. Merci à vous d’inventer la vie qui ira avec.
(A Maé l’asticot qui aura 39 ans dans 39 ans)