Taxes de crise

Taxes de crise

Trois secteurs économiques taxés

La loi sur les impôts exceptionnels de crise, visant les entreprises de télécommunication, d’énergie et de grande distribution, a été adoptée par le Parlement lundi 18 octobre, devenant ainsi l’un des piliers les plus importants du deuxième paquet fiscal du gouvernement, et ce dans le but de maintenir le déficit public plafonné à 3,8% cette année.

S’ajoutant à la taxe sur les revenus des banques et autres entreprises financières, le nouvel impôt, qui vise les secteurs des télécoms, de l’énergie et de la grande distribution, soulagera grandement le budget central en y injectant environ 160 milliards de HUF en 2010. Les sociétés concernées critiquent les mesures et voient l’amoindrissement de leur profit, mais aussi, par conséquent, de leurs investissements et développements technologiques. En effet, même si cet impôt de crise, prévu pour rester en vigueur pendant 3 ans, est à court terme un outils de sauvetage efficace qui permettra au gouvernement de ne pas avoir recourt à de notables contractions des dépenses publiques, ni de mettre en en œuvre des réformes structurelles, à long terme il peut avoir des impacts négatifs sur l’emploi et les investissements étrangers, moteurs de l’économie hongroise.

La nouvelle taxe de crise touchera surtout les entreprises multinationales, réalisant 70% du chiffre d’affaire du PIB hongrois. Ce sont donc ces sociétés qui seront les plus affectées par ces mesures, en particulier la compagnie pétrolière et gazière hongroise MOL Zrt. qui capitalise un CA supérieur à 3000 milliards de HUF. MOL sera ainsi amenée à payer environ 34 milliards de HUF en 2010. Selon le PDG de MOL, Zsolt Hernádi, l’entreprise doit se résigner à payer ces taxes en gardant à l’esprit que, à long terme, un contexte macroéconomique négatif nuirait d’avantage aux actionnaires que ces taxes temporaires. En outre, les sociétés énergétiques doivent déjà s'acquitter d'une taxe extraordinaire, surnommée la taxe Robin-Hood, relevant leurs charges de 8%, soit au total de 70 milliards de HUF. Or ces sommes recueillies seront affectées non pas au budget central mais à l’ajustement des prix énergétiques. Proportionnellement, le secteur le plus touché sera celui de la grande distribution, dont les charges passeront ainsi au total de 1,5 à 28 milliards de HUF, soit une hausse de 186% pour Tesco, en tête du peloton, qui doit désormais reverser 12 milliards de HUF à l'État. L’autre société particulièrement concernée par cet impôt exceptionnel, l’entreprise de télécommunication Magyar Telekom, devra reverser 30 milliards de HUF au cours des trois prochaines années.

La plupart des entreprises concernées étant cotées en bourse, ces nouvelles charges pourraient affecter de façon négative le paiement des dividendes de leurs actionnaires et, éventuellement, provoquer la chute des cours des actions. Or, jusque là, le marché tient le coup car, à l’exeption des cours de Mtelekom, qui ont connu une chute de 4%, les valeurs des actions sont stables.

Le gouvernement justifie l’introduction de ces nouveaux impôts par son l’intention de taxer les secteurs hongrois les plus productifs. Pourtant, selon les estimations d’Opten Kft., société d’information juridique et commerciale, les secteurs économiques hongrois les plus lucratifs sont les jeux de hasard, le traitement des déchets et des matières polluantes, ainsi que les soins humains et animaliers, les télécommunications n’arrivant quant à elles qu’en 7e place, tandis que l’énergie et la distribution ne figurent même pas sur la liste des 10 premiers.

L’appréciation de ce nouveau paquet de secours est très variée, tant au niveau national qu’international. Alors que les sociétés touchées craignent la remise en question de leurs projets d’investissements et requiert un moratoire de paiement, les représentants de la Division de la CCIH (Chambre de Commerce et d'Industrie Hongroise), chargée des affaires des PME, manifestent leur contentement. Ils soulignent que la répartition des charges publiques était jusqu’à présent inéquitable, permettant aux grandes entreprises, réalisant des profits extraordinaires, de cotiser moins que leur pouvoir économique ne l’aurait justifié. La presse étrangère, quant à elle, reste plutôt optimiste sur la question. D’après le quotidien britannique Financial Times, l’impôt extraordinaire de crise aura sans doute des bénéfices à court terme, car le gouvernement sera ainsi capable de manier le déficit public et de faire remonter le moral en Hongrie. Alors qu’à long terme, sans l’élaboration d’un programme crédible basé sur les réformes structurelles du secteur social – celui de l’administration et de la santé en particulier – ces surcharges auront des impacts négatifs sur la croissance économique, touchée indirectement à travers l’augmentation des risques, des emplois, et des investissements. De plus, la mise en application de la nouvelle loi soulèverait des problèmes de conformité avec les directives européennes en vigueur. En effet, selon ces dernières, les taxes extraordinaires ne peuvent être instaurées qu’à la condition de faire usage de ces recettes pour financer des coûts de règlementation accrus dans le ou les secteurs concernés. Les objectifs hongrois visant à alléger le budget central, les mesures vont donc à l’encontre de la législation européenne. Tant que le gouvernement hongrois ne justifie pas ces mesures, la Commission Européenne ne souhaite toutefois pas les commenter. Il faut noter que l’exécutif européen a ouvert en septembre une procédure d’infraction pour des motifs similaires contre l’Espagne et la France.

Kata Bors

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