Syndicats hongrois le bras long ?

Syndicats hongrois le bras long ?

Le 1er février dernier, pour la troisième fois en six mois, le VDSZSZ (Syndicat libre des employés des chemins de fer) a décidé de faire grève. En réclamant une augmentation de salaire de 10%, qui s’ajouteraient aux 6,9% initialement prévus, et une répartition des revenus obtenus par la privatisation de MÁV-Cargo, le syndicat a de nouveau fait la une des journaux. Même si le Tribunal du travail a conclu que la première des revendications était illégale, István Gaskó, chef de VDSZSZ et dirigeant de la Liga (Ligue démocratique des sydicats indépendants - dont le VDSZSZ fait partie) a réussi à attirer l’attention sur les intérêts des employés. Les actions des syndicats se sont multipliées en 2007, mais leur poids est resté faible. Cependant, dans l’engagement actuel du VDSZSZ, beaucoup voient la possibilité d’une collaboration entre la Liga et le Fidesz (Fédération des jeunes démocrates).

Depuis la chute du régime socialiste, les syndicats hongrois peuvent être classés en trois groupes. Dans le premier l’on trouve ceux qui ont, en grande partie, hérité leur fortune et leur personnel de l’époque communiste, mais qui n’ont pas rejoint l’union regroupant plusieurs des anciens syndicats. Par exemple, la Fédération nationale des syndicats autonomes (ASZSZ) dont le Syndicat des ingénieurs et des techniciens est membre. Cette organisation a participé aux grèves des chemins de fer en décembre 2007, mais a refusé de participer aux grèves actuelles. Selon leur chef, István Borsik, les revendications du VDSZSZ/Liga sont sans fondement. Récemment, on a pu constater l’émiettement de la représentation des intérêts des cheminots, leurs dirigeants ayant souvent des points de vue très différents.

Le deuxième groupe de syndicats réunit l’autre partie des héritiers de l’époque communiste et plus exactement ceux qui sont liés à la gauche. Ils forment la Fédération nationale des syndicats hongrois (MSZOSZ) qui s’est alliée au Parti socialiste pour les élections législatives.

En général, ces syndicats sont beaucoup moins organisés qu’avant 1989 et n’ont pas su garder leurs anciens membres. Puisque les secteurs où le syndicalisme était une tradition (comme la production charbonnière ou la sidérurgie) ont perdu de leur importance, les grands établissements d’État étant privatisés ou fragmentés, les anciens syndicats ont vu leur rôle politique diminuer.

Les nouveaux syndicats, créés après le changement de régime, forment le troisième groupe. Eux aussi comptent relativement peu de syndiqués. Ils sont plutôt liés au parti libéral (SZDSZ) et aux partis de droite (FIDESZ, MDF). L’un de ses membres emblématiques est Liga, à l’origi-ne des grèves récentes. Nombreux sont ceux qui pensent que, derrière leurs revendications, une collaboration avec l’opposition est en train de s’échafauder. Au fur et à mesure que le référendum approche, le FIDESZ chercherait à maintenir la pression et à souligner le mécontentement à l’égard du gouvernement. Le syndicat a pourtant nié ces suppositions en expliquant que si la reprise du travail avait tardé c’est parce que la direction de la MÁV avait refusé tout accord avec le syndicat.

Si les grèves s’achevaient sans que les dirigeants de la MÁV ne changent d’avis, la popularité de Liga/VDSZSZ serait probablement mise à mal. D’une part, parce que leur action a causé de nombreux problèmes aux citoyens et a généré un certain mécontentement dans la population, et, d’autre part, parce que l’action du VDSZSZ a été contre-productive: la majorité des voyageurs privés de trains sont arrivés à destination en prenant le car… ce qui prouve que la fermeture de quelques lignes de chemin de fer peut être gérée sans difficulté, projet contre lequel le VDSZSZ avait justement manifesté…

La Liga a également rejoint les initiatives de Zsolt Albert et de son épouse concernant les nouvelles réformes de la santé. Ils collectent des signatures pour l’organisation d’un autre référendum au cours duquel les citoyens pourraient dire s’ils sont d’accord avec le nouveau système de santé. L’intention du gouvernement d’introduire plusieurs caisses maladie (voir article sur la réforme de la santé, JFB n°256) a mobilisé les syndicats et les associations civiles. Parmi eux, le EDSZSZ (syndicat regroupant les employés de la santé) et leur dirigeante, Ágnes Cser, étaient souvent au centre des évènements. Elle se dit déterminée à défendre l’intérêt des citoyens, qui, selon elle, repose sur le maintien du système actuel.

Au cours des prochains mois, ces problèmes resteront au cœur de l’agenda politique et l’on peut s’attendre à ce que les confrontations entre gouvernement et syndicats continuent. Cependant, il faut savoir que la présence de ces organisations est beaucoup moins forte que dans d’autres pays européens, c’est pourquoi les employés hongrois se mettent rarement en grève. Ce phénomène s’explique aussi par la peur de perdre son poste. Même si la loi a légalisé l’arrêt du travail, les employés craignent souvent d’éventuels licenciements de la part de l’encadrement.

Anna Bajusz

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