Sur la route de Budaörs

Sur la route de Budaörs

Budapest Parcours

Par Emmanuelle Sacchet et l’oeil regarde

Image retirée.

Finalement la ville est comme un livre, on reprend toujours là où on l’avait laissée. Reprise de notre histoire donc, dans le XIe arrondissement, dans l’idée de se rendre à Budaörs. Et tous les chemins n’y mènent pas à qui veut éviter le bras tentaculaire de la Budaörsi út déguisée en autoroute. C’est d’ailleurs saugrenu que de penser y aller en longeant l’avenue Bartok qui se jette à la gare de Kelenföld, au pied des gigantesques ponts roulants qui extraient sans fin une belle terre brune de la percée du métro 4. Mais c’est un bien étrange lieu à 6 heures du matin, qui mérite de s’y poser un instant. La gare abrite sur des pauvres bancs des gens qui le sont d’autant plus, bercés sans plus les entendre par les cliquetis des destinations où ils n’iront jamais, doublés aux haut-parleurs de cette voix désabusée et monocorde. Une marchande d’avant-guerre de jouets & bibelots a bouclé sous barreaux toute sa marchandise poussiéreuse. Le buffet distribue par une lucarne cafés et tartines grasses. Les guichets trop petits emprisonnent leurs fonctionnaires dans un capharnaüm de paperasserie. L’homme pipi a personnalisé ses locaux éloignés le long des rails pour les rendre plus respirables…

Nul doute que ces endroits à la froide description en repousseraient plus d’un ; et pourtant, ces antres populaires reflètent tout un pan de la Hongrie en passe de disparaître. Il va sans dire que pas l’espace d’une seconde on guette la mauvaise rencontre, y compris dans l’immense couloir souterrain qui traverse les rails rejoignant la voie express qui mène à Budaörs. Le grondement des voitures s’élève depuis très loin et nous guidera jusqu’à la passerelle où nous les regardons passer. Le jour nous y surprendra. Habituellement dessous sur quatre roues, les visages de ceux qui la traversent sont soudain devant nous. On voit aussi toutes sortes de détails, comme cette bâtisse au 92/a qui a dû connaître son heure de gloire et déchoir le jour où elle s’est retrouvée littéralement accolée à l’autoroute ; ou encore cet enclos tout proche où un collectionneur entasse des engins militaires sous la publicité rose bien connue “Mindig veled” : toujours avec toi. Et impossible de louper les fleurs outrageuses qui suggèrent à une HLM la vie côté Coke.

Allez, Budaörs n’est plus très loin, balafrée de cette même M0/M7 qui la coupe singulièrement en deux. C’est le prix à payer de son emplacement côté ouest. Comme deux villes, Buda et Örs, on est soit d’un côté soit de l’autre. Au sud de l’autoroute, les grandes enseignes de la distribution, les entrepôts témoins de logistique, le vieil aéroport où planeurs et mini avions donnent cette étrange sensation d’atterrir sur le parking de Tesco, sans oublier les jardins ouvriers limitrophes à Törökbálint où nos compères hongrois s’adonnent à la cueillette depuis la nuit des temps. Côté Nord se trouvent d’autres grands noms de distributeurs de déco et de sport sous l’œil de l’oiseau rouge. C’est aussi le côté de la vieille ville qui n’en revient pas de toutes ces fraîches taxes professionnelles lui permettant de se farder d’infrastructures rêvées, mairie stalinienne incluse. La Grand rue, comme on dirait, s’est incroyablement transformée en une décennie alors que les gens vivent singulièrement de la même façon. Sauf ceux qui ont fait surgir des villas pompeuses de la nouvelle économie des années 2000. Elles alternent avec les baraquements des vergers d’antan. Ces derniers vendus par lots à prix d’or vont permettre à lotissements et condominiums de surgir de terre. Les autorisations ayant été trouvées, le changement du paysage y est radical. Je me rappelle il y a 9 ans cueillir des fleurs sur un chemin de poussière là où, aujourd’hui, les voitures incessantes (voulant contourner la circulation de la M7) se font de fausses politesses pour passer. La maigre bande de terre se réduit à vue d’œil et l’on comprend pourquoi Budapest lorgne Budaörs comme un vingt-quatrième arrondissement.

Soyons francs, la vraie beauté de Budaörs se situe dans son relief, dans ces petits monts pelés qui nous rappellent la Grèce. Ceux-là mêmes qui nous accueillent magnifiquement quand on arrive à Budapest par la route occidentale. Des balades étonnantes en vue pour ceux qui n’y ont jamais hissé leurs godillots, avec vue imprenable sur le développement de la ville. On peut aussi décider de lui tourner le dos pour bénéficier d’une sensation façon hauts plateaux mongols. L’endroit idéal pour y refaire le monde. D’ailleurs, chacun de nos débats sera gravé dans le souvenir de ce paysage venteux. De la Magyar Gárda à la religion en passant par Sarkozy, la problématique de la ultra haute température, les amibes d’Arménie, nos origines italiennes, nos prochains lieux de vie, la ultimate fight K-1 de Sportaréna ou le courage d’un reporter italien au Kenya... Vous ne le croirez plus, il y a pourtant beaucoup de silence dans nos balades, à l’écoute de la ville. D’ailleurs, haute trahison au format papier en vue, ce serait une excellente idée de ne faire des balades que de sons. Mais nous en reparlerons…

Epilogue…

Le lendemain matin, je n’ai pu résister d’attaquer Budaörs par sa face Nord, depuis les collines du XII ème arrondissement, par les sentiers de la forêt de Normafa. Presque un vol d’oiseau de six kilomètres qui rapproche soudain le bout du monde, il suffit de suivre la croix rouge sur carré blanc. La traversée du parc naturel de Pilis croise dans un vallon d’arbrisseaux un large chemin de gravier menant à une carrière ou Dieu sait où. De nouveau sur les sommets de Budaörs, sans âme qui vive, le nez au vent, je me fais l’effet d’un pèlerin de Saint-Jacques-de-Compostelle en plein paysage Lozérien. Ici, une aile d’avion en zinc a été plantée comme un lieu de recueillement. Là, deux arches romaines sont le support de tous les prénoms gravés et amoureux. Ces monts érodés à la beauté saisissante sont la promesse spirituelle d’une harmonie sans tache avec la ville.

Pourrait-on y inclure une pause gourmande aux restaurants Adler ou Rózsakert où il n’est pas rare d’entendre parler l’allemand de ses lointaines origines Schwab.

Et miracle des miracles si vous tapez le code secret suivant, vous pourrez suivre les méandres de notre balade : www.geoguide.fr/poi.aspx?UF=-850550 la carte satellite de Budaörs vue du ciel…

www.loeilregarde.com

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