Succès en demi-teinte
Bilan à mi-parcours de la Présidence hongroise
Malgré les débuts «turbulents» de la présidence hongroise de l’Union Européenne, force est de constater que le Hongrie parvient à respecter le calendrier en vigueur et tient sa promesse d'être «une présidence amie du Parlement ». C'est ce qu'a déclaré le président du Parlement européen, Jerzi Buzek. La Hongrie doit malgré tout assumer un programme chargé, avec certains imprévus, dans un contexte institutionnel plus contraint.
Depuis le 1er janvier, la Hongrie assure la présidence tournante de l'Union Européenne, avec 4 priorités : la croissance et l'emploi pour sauvegarder le modèle social européen, une Europe plus forte, une Union proche du citoyen et l'élargissement ainsi que la politique de voisinage. Comment s'organise toutefois la gestion des grands dossiers durant cette présidence ?
Un cadre institutionnel plus contraint
Le traité de Lisbonne a transformé la capacité de décision et la visibilité du pays qui assure la présidence de l’Union Européenne. La présidence doit composer aujourd’hui avec deux nouveaux organes : le président stable du Conseil européen, Herman Van Rompuy qui fixe l’agenda de l’institution et la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton. La coopération avec le Parlement européen est également renforcée.
La présidence a aujourd'hui moins de marges de manoeuvre et la Hongrie a dû tenir compte d’équipes encore en cours de constitution à Bruxelles.
Un programme chargé
En 6 mois, cette présidence doit traiter un grand nombre de figures imposées: la gouvernance économique, le lancement de la révision de la politique agricole commune, la mise en place d’une politique énergétique et d'une politique de l’eau, le renforcement de la politique de recherche et d'innovation,...
Les réunions informelles sont nombreuses en Hongrie, permettant aux ministres de l’UE d'échanger très librement et de définir les grandes lignes de certaines politiques européennes, sans adopter de conclusions.
L’objectif est aussi de faire découvrir la Hongrie aux représentants des 26 autres pays membres, à travers les rencontres officielles, mais également à travers des événements culturels. 90% des réunions organisées en Hongrie se déroulent au château de Gödöllô, les autres sont réparties entre la capitale hongroise et d'autres lieux représentatifs (réunion informelle des ministres de l'agriculture à Debrecen). Bien entendu, les réunions formelles dans lesquelles des décisions sont attendues (le pacte pour l’euro par exemple) se tiennent toujours à Bruxelles et à Luxembourg.
Les dossiers stratégiques impulsés par la Hongrie
La Hongrie a réussi à avancer sur deux de ses dossiers prioritaires : l’intégration des Roms et la stratégie Danube. Les tensions en France autour de la problématique des Roms durant l’été 2010 ont accéléré une prise de conscience au niveau européen du besoin d’intégration des Roms. L’adoption d’un rapport de l’Eurodéputée hongroise, Lívia Járóka, fut un premier pas. Une stratégie cadre est actuellement en cours d’élaboration avec divers acteurs européens (Etats membres, ONG, associations de défense des droits de l’homme).
La stratégie Danube, initiative macro-régionale qui regroupe 8 pays membres de l’UE et 6 pays non membres, vise à mettre l’accent sur la question de l’eau, mais aussi sur le tourisme, l’environnement, les transports. Les Ministres des Affaires étrangères le 13 avril ont adopté le programme.
Concernant ces deux priorités, Viktor Orbán a déclaré espérer un «succès» lors du Conseil européen de juin, après mise au point des textes.
Retards et reports
Deux sujets jugés importants par la présidence hongroise, l'adhésion de la Croatie à l'UE et l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'espace Schengen, sont repoussés : pour la Croatie, les derniers chapitres de négociation posent problème. En entrant dans l’espace Schengen, la Bulgarie et la Roumanie devront assurer la sécurité des frontières communes de l’ensemble de l’UE ; or, la sécurisation des frontières n'est pas encore satisfaisante (corruption des douaniers).
Une autre raison en arrière-plan de ces retards tient au fait que la dynamique de l’élargissement s’épuise après les 10 adhésions de 2004 (dont celle de la Hongrie) et que l’UE est également confrontée aux problèmes de ressources budgétaires en cette période de crise.
Viktor Orbán a toutefois annoncé qu’il ferait tout pour accélérer les négociations d’adhésion avec la Croatie afin de les finaliser avant juillet. La situation de l’ancienne République yougoslave de Macédoine, candidate depuis 2005, sera aussi une priorité de la Hongrie. Il est effectivement dans l’intérêt de la Hongrie de stabiliser cette région des Balkans.
Le Sommet du Partenariat oriental, seul sommet au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement de la présidence, autre priorité de la présidence hongroise qui devait se tenir au mois de mai à Budapest, a malheureusement dû être reporté en septembre sous présidence polonaise, en raison notamment d’autres réunions internationales de haut niveau qui auront lieu au même moment (OCDE, G8)
Les imprévus
Plusieurs événements internationaux ont également marqué le début de cette présidence : d’une part le vent de révolte dans les pays arabes, la situation de la Libye et dernièrement de la Côte d’Ivoire. János Martonyi, le ministre des affaires étrangères a effectué plusieurs déplacements au sud de la Méditerranée pour représenter les intérêts européens. Un accord à l’unanimité a été conclu au sein du Conseil «Justice et Affaires intérieures» sur la gestion à court terme de la pression migratoire survenue suite aux révoltes arabes.
La tragédie nucléaire japonaise ouvre quant à elle de nouveaux débats sur la politique énergétique.
Messages ambigus
La présidence est un moment particulier pour un gouvernement : il se retrouve au coeur de la mécanique européenne et toute l’administration du pays vit au rythme des dossiers européens. Elle constitue donc une formidable occasion de pédagogie européenne. En même temps, cette attention médiatique s’est retournée contre la Hongrie en début de présidence en raison de sa loi très controversée sur les media.
Par ailleurs, Viktor Orbán nourrit un discours très distancié sur la place de l’Union Européenne, surtout lorsqu’il compare Bruxelles à Vienne et Moscou comme il l’a fait dans son discours du 15 mars.
Cette présidence reste toutefois un moyen de montrer les ambitions européennes de la Hongrie, d'utiliser le levier médiatique pour faire avancer ses priorités. A ce titre, les trois prochains mois seront déterminants.
Gwenaëlle Thomas
(Article réalisé sur la base d’échanges avec Anna Maros, Attachée de presse de l’Ambassade de France)