Sous contrôle?

Sous contrôle?

Responsabilités dans la tragédie des boues rouges

La réglementation actuelle sur le contrôle des usines à risque ainsi que l’attitude des autorités ont de quoi soulever les critiques, pourtant seuls les dirigeants de Mal Zrt sont actuellement inquiétés suite à l’inondation de boues toxiques survenue le 4 octobre dernier.

C’est moins d’une semaine après la tragédie de Kolontár que le directeur général de l’entreprise MAL Zrt, Zoltán Bakonyi, a été arrêté. Deux jours après son arrestation, le tribunal l’a pourtant laissé assurer sa défense en liberté. Outre Zoltán Bakonyi, le directeur technique, Józsefné F., et le responsable de l’environnement, József D., sont également soupçonné d’être responsables des causes qui ont conduit à la catastrophe. Le gouvernement a désigné le commissaire chargé de la protection contre les catastrophes, György Bakondi, à la tête de l'usine de bauxite-aluminium dont l’un des réservoirs de boue rouge toxique avait cédé, inondant les villages de Devecser et Kolontár le 4 octobre dernier. Outre ces poursuites judiciaires, il a également été décidé de confisquer la fortune privée de Zoltán Bakonyi et Józsefné F. pour couvrir les dégâts causés par cette catastrophe. Bakonyi et son père disposaient d'un tiers de l’entreprise.

Selon une modification de la réglementation, votée par le Parlement après cette catastrophe, toute entreprise mettant en danger l’environnement peut être mise sous tutelle publique. C’est désormais le cas avec Mal Zrt. Cette modification législative permet à l'État, au nom de la défense nationale, de prendre le contrôle d’une société sans justification et pour une durée non-définie. Dans le cas de Mal Zrt, l’État dispose ainsi du chiffre d’affaire de la société, soit 28 milliard de HUF, ce qui équivaut à 0,1% du PIB hongrois, et ce avant même que la culpabilité de sa direction n’ait été reconnue par les tribunaux.

La police a justifié l’arrestation de Bakonyi par le fait que le règlement interne de MAL Zrt ne contenait aucun plan pour faire face à un tel accident. Cependant les réservoirs en question ne figurent pas d’avantage dans la liste des sites à risque du service de lutte contre les catastrophes. La direction de ce service a justifié cette lacune auprès de l’hebdomadaire HVG en soulignant que l’Union européenne n’obligeait pas les services de lutte contre les catastrophe à protéger les dépôts de déchets toxiques.

Il est donc fort possible que l’entreprise ait rempli toute ses obligations, prescrites par la réglementation actuelle et dans ce cas, c’est la loi qui est insuffisamment rigoureuse. En effet, les boues rouges en question ne sont pas enregistrées en tant que matières dangereuses dans l'autorisation d'exercer leur activité détenu par MAL Zrt. Selon les directives européennes, il convient d’examiner les composants des boues rouges afin de pouvoir les catégoriser. Or, dans un document officiel publié en 2006, l’autorité de protection de l’environnement n’a pas qualifié les déchets de MAL Zrt de nocifs. Elle a en outre inspecté le réservoir fin septembre et n’a relevé aucune irrégularité. De plus, bien que cette autorité doive contrôler la composition du contenu des réservoirs, elle n’est pas chargée de surveiller l’état des murs d’enceinte du réservoir.

Dans ce cas, pourquoi personne n’a averti l’entreprise ou les autorités des dangers que représentaient ce réservoir, qui était cité en guise de mauvais exemple dans les cours de l’Université Technique de Budapest depuis les années 1990 ! Les étudiants ont ainsi pu apprendre que la digue était mal implantée, sur un sol argileux, et qu’elle pouvait glisser à tout moment. Alutröszt, le prédécesseur de MAL Zrt, avait même reçu un avis d’expert sur ce problème avant la privatisation de la société. «Ce mur ne s’est pas effondré en une minute. On cherche encore à comprendre pourquoi l’usine ou l’autorité ne s’est pas rendu compte des signes avant coureurs», a souligné le Premier Ministre Viktor Orbán lors de sa visite à Kolontár.

Le propriétaire majoritaire de l’entreprise, Lajos Tolnay, a promis, dans une interview accordée à l’hebdomadaire Figyelô, que sa société se chargerait de couvrir les dégâts causés par cette catastrophe au-delà de sa responsabilité. Cependant, Mal Zrt ne dispose que d’une assurance de 10 million de HUF et là encore, elle n’a pas violé la loi sur ce point. En effet, bien que la loi sur la protection de l’environnement, datant de 1995, permette de demander une garantie supplémentaire aux usines dangereuses, aucun gouvernement n’a insisté pour demander aux groupes industriels de prendre cette garantie supplémentaire. Le 19 octobre, la député européenne socialiste Edit Herczog a déclaré qu'elle souhaitait élaborer une réglementation plus stricte par rapport au traitement des déchets industriels afin d’obliger les entreprises à mesurer les risques de façon plus rigoureuse.

Judit Zeisler

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