Silence radio
Le 18 novembre, les deux plus grandes radio commerciales diffusées à l’échelle nationale, Sláger et Danubius, fermeront leur antenne au profit des groupes FM1 et Advenio Zrt. qui ont remporté les droits d’émission sur ces ondes nationales lors d’un concours de concession.
La décision de l’ORTT (Autorité Nationale de Radio et de Télévision), prise unanimement du fait de l’abstention de László Majtényi, le président de cette institution, et de János Timár, député libéral, a choqué l’opinion publique. En effet, plus de 4 millions de personnes écoutent chaque jour ces deux grandes radios et devront désormais s’habituer à leur silence. Cette décision a déclenché un vaste scandale: la presse hongroise parle de pression et d’une décision exclusivement politique, László Majtényi a remis sa démission et les deux radios, Sláger et Danubius, envisagent de saisir la justice.
Au total 6 sociétés, chacune avec un projet commercial détaillant leurs stratégies économiques, ont soumis leurs dossiers lors de ce concours de concession pour l’obtention des droits d’émission pendant 7+5 ans sur les ondes nationales. L’appel d’offre a été élaboré par l’ORTT, une institution dont les membres sont par ailleurs députés, qui avait pour cela formuler un certain nombre de critères de candidature, comme des cotisations annuelles obligatoires de 200 millions de HUF pour l’utilisation des fréquences nationales ou encore des droits de concession de 150 millions de HUF minimum. Dès le premier tour, le grand favori, Zene Rádio Zrt., a été exclu de la compétition à cause de son plan de financement jugé hasardeux. Deux autres candidats, ceux-là même qui ont finalement remporté le concours, auraient pu être éliminés pour les mêmes raisons, notamment car ils s'engageaient sur des promesses de contributions de concession absolument irréelles et donc contraire aux termes de l’appel d’offre. Notons que les groupes FM1 et Advenio Zrt. possèdent des parts dans d’autres radios, comme Rádiocafe et Lánchíd Rádio, dont ils devront se séparer au nom de la libre concurrence, la loi imposant l'interdiction des monopoles privés et le maintien d'une concurrence loyale.
Pourtant, c’est une lecture plus souple de la loi sur les médias et des crières imposés par l’ORTT aui a permis à FM1 et Advenio Zrt. de rester en lice puis de remporter l’appel d’offre. Ces deux groupes proposent de verser respectivement 50% et 55% de leur CA en guise de droits de concession, des chiffres absoluments irréels puisqu’ils supposent des taux de rentabilité extrêmement élevés et quasiment impossibles à atteindre dans ce secteur, affirment les experts qui déclarent en outre avoir le sentiment que cette décision est avant tout politique. Par ailleurs, des zones d’ombres dans les termes de l’appel d’offre ont permis aux candidats d’échafauder des stratégies dites de «sales-house», dont FM1 et Advenio Zrt. ont tiré parti. Il s’agit d’un système de sous-traitance de la commercialisation des plages publicitaires à des sociétés indépendantes dans lesquelles les radios ont des parts. Cela permet ainsi d’obtenir des profits plus intéressants en évitant d’augmenter le CA net, base des paiements des droits de concession.
Lobby politique?
C’est donc ainsi que les fréquences de la radio Danubius, diffusée depuis 21 ans et accessible par 61% de la population hongroise, seront reprises par Advenio Zrt., détenue depuis septembre par le groupe Infocenter. Notons que, très récemment encore, Advenio Zrt. faisait partie du groupe qui contrôle Hír Tv. et Magyar Nemzet, médias proches des partis de droite. Quant à Sláger, captée par 81% des hongrois, elle sera remplacée par FM1 Zrt. appartenant au groupe Econet, célèbre pour sa proximité avec le parti socialiste. Il faut noter que Danubius et Sláger disposent eux aussi de relations politiques, dont ils ont profité dans le cadre d’une action de lobbying pour l’élaboration d’une loi sur la prolongation des contrats de concessions sans concours. Ce projet de loi, qui n’a finalement pas eu de suite puisqu’il allait à l’encontre du principe de la libre-concurrence, aurait pu renforcer le poids de ces deux radios nationales, en position de quasi-monopoles sur le marché. Depuis les privatisations des années 1990, la politique nationale se concentre sur la libéralisation du marché concurrentiel. Or certains segments, comme celui de la radio, fonctionnent avec très peu de producteurs qui doivent donc être soumis à un contrôle étroit, seul gage de la protection des consommateurs. L’Etat supervise l’évolution de ces segments avec l’émission de droits de concession, permettant de filtrer le marché et de retirer des recettes via des contributions obligatoires. Le problème de ce système est d’une part la très longue durée des concessions, 7 ans pour les radios, et l’intervention d’un contrôle politique, dont la “couleur” est déterminée par la composition de l’ORTT, autorité de supervisation et de contrôle des média.
Ainsi, à partir du 18 novembre, Danubius sera remplacé par Klassz Rádió et Sláger Rádió par Neo FM. Avant que ces nouvelles attributions ne soient rééxaminées par les tribunaux, il ne reste aux deux radios que les manifestations et concerts de sympathie, avec la participation de musiciens, d’acteurs populaires et plus de 2 millions d’auditeurs supporters.
Kata Bors
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