Sièges téléféériques

Sièges téléféériques

Budapest parcours

Par Emmanuelle Sacchet et l’œil Regarde

Image retirée.

 

A tous les lecteurs estivaliers de passage permettez-nous de présenter Budapest Parcours et l’œil regarde, colporteurs de rêves à Budapest depuis 2003, marchands d’amulettes, représentants en temps et en heures dans les rues en bitume, sur les chemins de terre, dans les chemins de fer.

Dans une grande boîte en fer nous avons 63 souvenirs de la ville hongroise gardant précieusement les phrases, les images, les rencontres et les ombres importantes. En exclusivité pour vous nous l’entrouvons une seconde grâce à la clé qui ouvre tout grand les yeux, les oreilles, la bouche et les bras.

Laissez-vous tenter Mesdames et Messieurs par ce billet gagnant pour un tour en tapis volant dans la plus exquise banalité de Budapest ! Voici un secret connu de peu car personne ne songe à regarder l’ordinaire extraordinaire : c’est dans la vie quotidienne que sont cachés les meilleurs moments et pour des heures et des heures et des heures et des heures et des heures et des heures et des heures et des heures et des heures et des heures et des heures… Voulez-vous essayer une petite promenade de rien du tout?

Ainsi par un très beau matin à 6h30 - ni plus ni moins- nous prenons le RER hongrois, petit train vert de banlieue communément appelé HÉV (Haut émetteur de Vérités). Il y a beaucoup de gens, même à cette heure indue, colportant les secrets de leur ville. Il suffit pour entendre les Histoires d’ouvrir la fenêtre, de laisser passer le vent (E pericoloso spogiersi) pour devenir aussi sensible qu’un papier photo tout blanc. En route !

N’oubliez pas d’acheter votre billet à la guichetière moustachue du Pont Margit ; elle vous répondra après avoir plongé le nez 45 secondes dans ses tablettes qu’il vous faudra SEVEN MINUTES pour arriver à Szentendre, au Saint des Saints des villages Serbes. Pourquoi s’embarrasser des 35 minutes réelles nécessaires ? De plus, elle rayera les 500 huf du ticket contre 480; si ce n’est pas de la magie ça…

L’œil de cyclope de notre cher photographe (mesdemoiselles le plus beau de la ville !) se dote d’un grand angle car la vision humaine parfois ne suffit pas. Plus rien alors n’échappera à son regard de poisson comme il est écrit dessus. Il guête le cadrage rayé d’un fil électrique, la rangée de fauteuils libres, l’attente du prochain train, ceux qui préfèrent marcher, le sourire furtif, les cabas trop lourds, le sapin poussé de travers dans l’indifférence, les grues qui tricotent de nouveaux paysages… Il lui faudra même une fenêtre dont le verre impacté dessine une grande toile d’araignée sur le panorama qui file derrière tout doux tout flou …

Défilent aussi les marchands de tout genre vendant en gros ou à la pièce des briques, des parpaings, des akumulator diszkount, des kayaks, du vin, des crêpes, des bonnes affaires vietnamiennes, des voitures, de l’hypermarché, des tuyaux métalliques, des pneus et des drapeaux. Notre wagon n’est pas non plus en manque de publicité, comme dans tous ceux de ce mois, un grand groupe pharmaceutique suisse vante l’arrêt immédiat et durable Mesdames et Messieurs de cette maladie courante attrapée lors des voyages où la nourriture se fait nouvelle. A partir de 698 forints. C’est dire si nous pouvons partir…

Image retirée.

 

C’est vrai que nous partons loin. Sentez comme déjà l’air se fait plus frais par ici. Dès la limite de Budapest franchie, une poinçonneuse apparaît pour trouer notre ticket de fortune. Accrochez-vous, nous entrons dans la Pannónia telep comme l’indiquera un arrêt. Un voyage dans le temps donc car ces terres truffées d’archéologie révèlent qu’elle sont habitées depuis l’âge de fer, 900 ans avant J.C. Puis, d’occupation éravisque, ces sites passèrent sous domination romaine dont la nouvelle ville d’AQUINCUM devint la capitale de la Pannonie inférieure. Notre brave RER taille son chemin de moins en moins droit le long des méandres du Danube. La route nationale de Szentendrei út que nous suivons aussi s’est inscrite sur le chemin des convoitises de l’Histoire. Ce tracé stratégique fut la ligne défensive souvent sanglante des empereurs romains contre les perpétuelles attaques barbares. Hadrien le premier a planté son palais de gouverneur sur l’île d’Obuda. Son nom est effacé du porche du Sziget depuis longtemps, la vitesse du train nous laisse lire les récents noms des kerts à la mode. Par contre, les ruines du camp militaire des légionnaires gardent à cœur cette partie de l’Histoire à laquelle l’assaut des Huns mit fin en 409. Les conquérants Árpád et Kurszán permirent en 896 l’établissement des sept tribus magyares pour former l’actuelle Hongrie.

Légendes urbaines et passé se lisent toujours dans ce sillage historique, jusque dans les tags des H.L.M aux géraniums fleuris. Aujourd’hui, les nouveaux programmes des promoteurs promettent un avenir luxueux à l’emplacement des anciens Római fürdô, jouxtant les jardins ouvriers. Les maisons hongroises standards à base carrée laissent place peu à peu à celles plus traditionnelles de la plaine Danubienne dont le long corridor englobe une cour intérieure. Adieu jaune Habsbourg, quelques huluberlus ont tenté un ravalement couleur sang de bœuf qui a lancé une nouvelle mode plutôt réussie. Mais côté architecture vos prunelles seront servies à Szentendre pour une journée bien remplie.

Déjà le retour ? Osez donc le bateau qui file dans le sens du courant et rejoint la capitale en un coup de vent. Visionnez en sens inverse les joyaux de la vie quotidienne et des choses en suspens. A l’instar des tourelles ensorcellantes du Gazomètre d’Óbuda dessiné par Kós Károly, cet architecte transylvain à qui l’on doit entre autre la cité jardin de Wekerle. Si un promoteur aussi avisé qu’inspiré pouvait en faire quelque chose à la hauteur, notre maison s’engage à lui offrir tous les tours en tapis volant qu’il voudra !

budapestparcours@yahoo.fr

Photos Clément Saccomani

www.loeilregarde.com

Catégorie