Si loin, si proche?
Les relations austro-hongroises mises à mal
Anna Bajusz
Puisant leur origine en 2007 avec le projet de fusion entre OMV et MOL, de nombreux différends opposent actuellement la Hongrie à l’Autriche tant sur le plan économique qu’environnemental.
Alors que le dossier des deux géants pétroliers semble se refermer, de nouveaux chapitres s’ouvrent dans celui de la rivière Rába ou de la Bourse de Budapest. Si certains considèrent que ces conflits sont à relativiser, d’autres estiment qu’ils pourraient se répercuter sur la vie politique, d’autant plus que l’hebdomadaire Heti Válasz vient de découvrir un étrange lien entre les partis de l’ex-coalition hongroise et l’entreprise autrichienne Strabag.
Lorsqu’en septembre 2007 les dirigeants d’OMV ont annoncé leur OPA sur l’entreprise pétrolière hongroise MOL, ils n’envisageaient probablement pas un tel conflit. Or leur offre, jugée dès le début hostile, a suscité un certain protectionnisme à Budapest. Suivant l’initiative de Zsolt Hernádi, le PDG de MOL, le Parlement a voté une loi qui permet aujourd’hui à l’Etat d’avoir un quasi-droit de veto en cas de tentative d’achat par une entreprise étrangère d’une part dominante dans les sociétés “des secteurs stratégiques de l’économie hongroise”. Cette fameuse loi, connue sous le nom de «Lex MOL», a tiré la sonnette d’alarme non seulement chez les dirigeants d’OMV, mais également à Bruxelles. A l’issue d’une enquête européenne menée au premier semestre 2008, les arguments hongrois selon lesquels la fusion entre OMV et MOL aurait nui à la concurrence régionale ont pris le dessus. Fin août, l’entreprise autrichienne a ainsi été contrainte de retirer son OPA, mais elle maintiendra sa participation de 20% dans MOL. Si, après un an de conflit, les différends initiaux semblent être surmontés, de nombreux doutes persistent sur l’avenir des deux entreprises. Elles sont actuellement en position concurrentielle pour l’achat d’intérêts dans l’entreprise pétrolière croate (INA), ce qui pourrait donner lieu à de nouvelles tensions. Reste à espérer que dans le projet communautaire Nabucco, auquel toutes deux participent, OMV et MOL se montreront plus coopératives.
Une action coordonnée entre l’Autriche et la Hongrie semble par ailleurs urgente sur le plan environnemental également, puisque les autorités hongroises ne constatent aucune amélioration dans la qualité de l’eau de la rivière Rába. Le 9 septembre dernier, vingt-cinq membres de l’association Greenpeace ont manifesté devant l’usine de cuir de Wollsdorf pour obtenir un changement de politique auprès de la direction. Joachim Haidacher, le directeur délégué de l’entreprise, s’est engagé à réduire considérablement la pollution au cours de l’été 2009 quand son usine adoptera une nouvelle technologie de production. Ce retard est toutefois inacceptable pour les autorités hongroises qui donnent en exemple les usines de Feldbach et Jennesdorf qui ont significativement réduit leur pollution depuis le début du conflit. Un autre projet autrichien est vivement critiqué à Szentgotthárd, une ville frontalière hongroise. Les autorités autrichiennes ont prévu de construire un incinérateur de déchets à Heiligenkreuz, à 500 mètres de la frontière. Sa capacité s’élèvera à 200 tonnes de déchets par an alors que, d’après les estimations des Verts, seulement 40 tonnessont produites dans la province de Burgenland. Probablement, des ordures venant d’autres provinces y seront-elles également brûlées, mais une telle sollicitation de l’incinérateur nuira sérieusement à la qualité de vie à Szentgotthárd. Si les habitants, qui sont directement touchés par ces conflits, voient d’un mauvais œil les intentions du voisin, la majorité de la population des deux pays serait plutôt optimiste quant à l’avenir des relations austro-hongroises. Plusieurs sondages ont récemment été réalisés pour mesurer toute tension éventuelle dans la vie quotidienne, mais les résultats font état de relations normales entre les deux pays. L’élite commerciale hongroise reste cependant suspicieuse vis-à-vis des intérêts autrichiens: les dirigeants des plus grandes entreprises cotées ont décidé de créer une «contre-bourse» à Budapest en signe de protestation contre la participation dominante de la Bourse viennoise dans celle de Budapest. Faut-il y voir une réaction démesurée d’une élite soucieuse de garder son influence ou les relations des deux pays tournent-elles vraiment au vinaigre ? Au lendemain des élections anticipées autrichiennes, qui ont été marquées par le renforcement de l’extrême droite, la question est plus que jamais actuelle. Si, au détriment du projet de coalition entre le parti social-démocrate (SPÖ) et le Parti populaire autrichien (ÖVP), ce dernier choisissait de s’allier aux deux partis de l’extrême droite, la politique étrangère de l’Autriche changerait sans doute de cap.
D’autre part, le parti socialiste hongrois (MSZP) et le parti libéral (SzDSz) semblent d’ores et déja impliqués dans un scandale électoral autrichien. Selon les documents que s’est procuré l’hebdomadaire hongrois Heti Válasz, l’entreprise Strabag aurait versé d’importantes sommes non seulement dans les caisses du parti libéral autrichien, mais aussi dans celles du MSZP et du SzDSz afin de remporter des appels d’offre pour la construction d’autoroutes… Une révélation qui fera l’objet d’une enquête par les autorités hongroises et qui pourrait peser lourd sur les liens entre la Hongrie et l’Autriche.
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