Semaine du Film Hongrois : Cinéma de l’extrême
Le succès mondial du Fils de Saul (Grand Prix du Jury à Cannes, Golden Globe, Oscar) va de pair avec un véritable renouveau du cinéma hongrois, unissant fées déchues et corps immortels.
La Semaine du Film Hongrois, début mars, a passé en revue la foisonnante production cinématographique magyare : des courts métrages aux longs-métrages, en passant par les documentaires. Les cinéastes sont d’autant plus prolixes et proliférant qu’après l’arrivée du Fidesz au pouvoir, il n’y avait, pendant des années, ni films de produit ni festival d’organisé. Centralisé, comme tout dans le pays d’Orbán, le nouveau système n’opprime heureusement pas tous les talents. C’est ce qu’a prouvé cette deuxième édition de la Semaine du Film Hongrois (Magyar Filmhét).
Il n’est évidemment pas question ici de regrouper tous ces films sous un même label, il n’en demeure pas moins que les plus grands succès et les films les plus réussis interrogent l’expérience humaine dans ce qu’elle a de plus extrême. Le Fils de Saul (Saul fia) est même allé au-delà : non seulement il est entré dans l’univers concentrationnaire, tout jusqu’à la porte des chambres à gaz, en faisant sortir un visage du noir de l’oubli, mais il a poussé la représentation, elle aussi, jusqu’à l’extrême : en ouvrant au hors-champ et au flou un horizon de significations incommensurable. Le réalisateur László Nemes Jeles, son chef opérateur Mátyás Erdély et son acteur principal, le poète Géza Röhrig ont révolutionné la représentation de l’Holocauste.
C’est le film du réalisateur Ujj Mészáros Károly intitulé « Liza, la fée renard » (Liza, a rókatündér) qui a raflé la plupart des prix de la Semaine, après avoir été couronné à travers le monde, du Festival de Seattle au Festival du Cinéma Européen en Essonne. Conte pour adulte, il réussit son improbable pari de marier un décor du 8e arrondissement de Budapest (le Józsefváros rétro des années 70, qui brille par son délabrement sublime) avec le pop japonais et un grotesque film policier, le tout sur fond d’amour, bien sûr.
Les cinéphiles ont pu revoir le film de György Pálfi « Chute libre » (Szabadesés) qui, lui aussi, interroge l’expérience extrême : celle des corps transfigurés. La vielle dame qui se jette du toit de son immeuble sans se faire de mal, l’élève du cours de yoga qui traverse le mur, ainsi que ces amants qui ont la phobie de la saleté et qui, pendant l’acte sexuel, au lieu de se déshabiller s’habillent mutuellement de ruban adhésif.
Enfin, le cinéma hongrois, et pas seulement les documentaires, mais aussi certains courts-métrages ont suivi l’actualité du plus près, tout en lui donnant une dimension universelle. C’était le cas du Sigthseeing de David Borbás mettant en scène une réfugiée Kosovare, fée déchue, elle aussi, qui tombe sur un voleur de taxi budapestois – ils finiront par traverser ensemble la frontière autrichienne, à la recherche de la liberté et de la dignité humaine qu’ils n’auront pas trouvée dans nos contrées.
Gábor Erőss
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