Sarkozy n’est pas hongrois...

Sarkozy n’est pas hongrois...

Sarkozy n’est pas hongrois

... mais bien français. Malgré l’évidence, les origines magyares du président de la République, fraîchement élu, méritent réflexion, puisque la presse hongroise, de même que les médias français, se sont largement penchés sur la question, sans parler de la communication de Sarkozy lui-même, qui évoque fréquemment son statut «d’immigré réussi».

On se souvient du ministre de l’intérieur du premier gouvernement Raffarin se vanter de ses origines au moment où la politique d’immigration de la France, noble terre d’accueil, prenait des airs de protectionnisme national. Nicolas Sarkozy, entre 2002 et 2004, ne s’est pas privé de se montrer en exemple, ce qui est tout à fait louable venant d’un homme politique: lui, dont le papa était un immigré hongrois, a réussi l’école de la République, a épousé les valeurs qui sont celles de la France et a démontré, par son remarquable parcours, qu’il est loin d’être impossible, venant d’ailleurs, de réussir en France. Bravo. Il faut néanmoins noter au passage un petit détail : l’ancien locataire de la place Beauvau s’adressait alors aux immigrés du tiers-monde, tandis que lui était d’origine noble en Europe centrale. Nous avons tous une pensée pour les difficultés que son papa a dû traverser en fuyant le communisme en 1944, mais cela n’empêche pas que ces difficultés ne sont pas celles des hommes et des femmes qui risquent leur vie en traversant la Méditerranée aujourd’hui.

Les Français connaissent plutôt mal la Hongrie, mais Nicolas Sarkozy a réussi, au-delà de son intégration exemplaire à la société française, à répandre le mot «hongrois» dans les médias de l’Hexagone. Ce terme apparaît le plus souvent, depuis 2002, aux côtés du nom de Sarkozy. Charlie Hebdo ne s’est d’ailleurs pas privé de la plaisanterie : au moment où les médias français se décidaient enfin à faire appel à un présentateur de couleur au JT de 20 heures (TF1), on a pu voir le président Chirac en caricature devant une douzaine d’écrans montrant le visage de Sarkozy en gros plan dire : « des étrangers oui, mais pas les Hongrois ». (Notons toutefois que Harry Roselmack est, non pas étranger, mais d'ascendance martiniquaise).

Voilà ce que veut dire «Hongrois» aujourd’hui dans la vie publique française. Entrez prendre un verre au bar du coin à Paris, dites que vous êtes hongrois, et hop, le zinc se lance dans le débat sur le président de la France. Alors il faut s’expliquer. Et il faut expliquer aussi que celui à qui tout le monde pense n’a pas de rapport avec la langue et la culture hongroises. Qu’il est né dans le XVIIe arrondissement de Paris. Que son père avait francisé son nom avant la naissance du futur président. Que ce dernier est né citoyen français.

La presse hongroise et Sarkozy

Pendant longtemps, la presse hongroise a systématiquement évoqué le candidat Sarkozy en tant que «politicien français d’origine hongroise». Ce qui est tout à la fois compréhensible et inacceptable. Il est certes compréhensible que la Hongrie, petit pays qui manque de reconnaissance sur la scène internationale (notamment à cause de son incapacité diplomatique à communiquer à l’aise avec le monde extérieur), s’agrippe à ses “enfants” qui font carrière dans le vaste monde. Nous avons en effet tendance à nous accrocher avec fierté aux noms à consonnance hongroise qui jaillissent dans la sphère internationale.

Il reste toutefois inacceptable que la presse hongroise n’ait jamais fait le point sur ce que représente Nicolas Sarkozy. Les origines l’emportent sur le politique. Ainsi on aura vu des libéraux de gauche flatter le candidat de l’UMP à la présidentielle, lui-même grand libéral, sans prendre le temps de se poser la question si le nouveau président du «peuple français» avait des affinités avec ce que l’on nomme “libéralisme” en Hongrie. A Budapest, «libéral» signifie un rejet du conservatisme radical et du nationalisme.

Et qu’est-ce qui intéresse les Hongrois aujourd’hui ? Si les origines magyares de Sarkozy vont permettre, à l’image du CDU-CSU allemand, un rapprochement entre l’UMP et le Fidesz hongrois, grand parti d’union de droite, qui n’a pourtant pas la verve du conservatisme acceptable et représentable en Europe.

Mais revenons à l’évidence : le président de la France est un Français. Ses origines vont tout au plus permettre, au cours d’une éventuelle rencontre avec les dirigeants hongrois, un bon mot médiatique pour lancer la communication diplomatique («ah, nous voici entre Hongrois !»). Mais cela s’arrêtera là, car si le nouveau président de la République francaise est français, sa politique s’inspire assez clairement des républicains américains (Nixon, Reagan). Et la question qu’il convient de se poser aujourd’hui au sujet de Nicolas Sarkozy n’est pas hongroise, mais européenne : que va désormais représenter la France en Europe et, à travers l’Europe, sur la scène mondiale ? Aux Français d’y répondre.

Pál Planicka

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