Santé: la pilule ne passe pas

Santé: la pilule ne passe pas

La nouvelle loi se fait attendre 
 

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Les négociations concernant la nouvelle loi sur la santé publique sont en cours depuis plusieurs mois. Bien que la loi ait été acceptée par l’Assemblée le 17 décembre, le président de la République a refusé de la faire entrer en vigueur sous sa forme actuelle et l’a renvoyée au Parlement en demandant aux députés de la soumettre à une « révision ».

Le but de la loi rejetée par le Président est de réformer le système sanitaire hongrois, actuellement centralisé. L’unique caisse d’assurance maladie, aujourd’hui propriété de l’État, devrait céder la place à cinq, voire sept, sociétés d’assurance privées. Ce qui n’empêcherait pas que l’État hongrois en soit l’actionnaire majoritaire avec 51% des parts. D’après les premières prévisions, les sociétés d’assurance auraient dû être enregistrées au cours du mois de janvier 2008 et auraient dû payer 10 milliards de forints par comitat (à peu près l’équivalent des départements français) pour leur présence sur le marché de la santé. D’après ce procédé, tous les citoyens assurés auraient pu choisir parmi ces sociétés. Cependant, le SzDSz (Alliance des Démocrates Libres), parti membre de la coalition gouvernementale, et le ministère des finances sont toujours en conflit à propos de la distribution de cette somme. Alors que le SzDSz l’utiliserait pour améliorer la situation de la santé publique en général en réinvestissant cette somme dans le secteur sanitaire, le ministère des finances préférerait la regrouper dans le budget pour la liquidation du déficit. Ce qui paraît sûr en ce moment, c’est que la tâche extrêmement urgente de la modernisation des hôpitaux sera financée avant tout à partir des ressources versées par l’Union européenne.

Toujours selon les prévisions initiales, les droits de gestion par les sociétés d’assurance seraient divisés d’après la proportion du capital des propriétaires, ce qui constituerait aussi la base des prises de décision. Naturellement, cette solution déplaît aux sociétés privées puisque pour elles le marché sanitaire doit avant tout représenter une affaire rentable. C’est la raison pour laquelle le SzDSz désire que les sociétés privées puissent prendre des décisions effectives dans les affaires du jour qui les concernent autant que les assurés. Sans cela, le parti est persuadé qu’il sera difficile de motiver le secteur privé.

L’opposition ainsi que la chambre des médecins et certaines ligues civiles s’opposent radicalement au projet de loi actuel, affirmant que les sociétés d’assurance n’accepteront que les malades dont le traitement leur coûte moins cher. Rhétorique diamétralement opposée, le gouvernement affirme que la concurrence entre les sociétés d’assurance entraînera l’amélioration du niveau des services sanitaires.

En 2007, plusieurs refontes sanitaires ont été introduites en Hongrie, dont les plus importantes sont l’introduction des frais de visite (Vizitdíj), le prix journalier dans les hôpitaux (Kórházi napidíj), la fermeture et l’unification de nombreux établissements hospitaliers. Or, il est évident qu’au-delà de ces changements mineurs, une réforme globale est nécessaire car durant les six dernières années le Fonds sanitaire a connu un déficit record de 300 milliards de HUF (excepté l’année 2007 qui, grâce aux mesures dito, ne fut pas déficitaire), sans mentionner le fait que le niveau des services sanitaires est tout simplement catastrophique.

Indépendamment de la mise en vigueur de la nouvelle loi sanitaire, il paraît inévitable, pour des raisons démographiques, que les impôts sanitaires augmentent à l’avenir. En effet, moins de contribuables payeront l’assurance maladie pour un nombre de plus en plus élevé de malades. De plus, ceux qui seront en état de payer devront également financer la pension de la part croissante des retraités dans la société, ce qui est un problème commun aux pays développés. Si l’on n’augmente pas les cotisations, certains services médicaux ne seront plus financés par l’assurance maladie (faute de moyens), ce qui aura pour conséquence que les citoyens qui pourront se le permettre payeront eux-mêmes pour cette assistance. Logiquement, cela entraînerait l’effondrement de la solidarité sociale : les gens moins aisés seraient fortement désavantagés.

Même si, après des négociations prolongées, la majorité des députés a voté pour la loi le 17 décembre 2007 dernier, le chef de l’Etat, László Sólyom, a refusé de la signer et l’a renvoyée à l’Assemblée afin que les députés reprennent le dialogue, et ce même s’il ne l’a pas trouvée anticonstitutionnelle. Selon lui, le fait que les organisations professionnelles et civiles n’aient pas donné leur accord, voire qu’elles aient été tenues à l’écart lors de la création du projet de loi, est en soi une grande lacune. Il reproche aussi l’absence d’une étude d’effets réels. De plus, il doute qu’il se forme une véritable situation de concurrence entre les sociétés d’assurance dans le pays.

Mais tout compte fait, Sólyom reconnaît la nécessité d’une réforme de la santé publique. Le 11 février, les députés devront voter de nouveau et si cette fois elle est acceptée, le président de la République se verra obligé de la signer. Jusque-là, les députés auront la possibilité de proposer des modifications s’ils les jugent nécessaires, mais cela n’oblige pas le ministre à modifier le texte de la proposition de loi lors du deuxième vote. C’est pourquoi l’opposition et les organisations professionnelles craignent que le gouvernement n’essaye de faire accepter la loi originale.

La situation des sociétés d’assurance privées sera certainement difficile car le plus grand parti d’opposition, le Fidesz (Alliance des Jeunes démocrates) a déclaré que si le gouvernement échouait aux élections de 2010, le Fidesz rétablirait le système centralisé. Cette menace rend le secteur privé incertain et ce dernier va probablement introduire les risques politiques dans ses calculs. En même temps, les sociétés d’assurance devront vite faire le point car si elles ne bénéficient pas de la réforme dès maintenant, il se peut qu’elles doivent attendre 10 à 15 ans pour avoir une nouvelle chance de gagner un accès au marché sanitaire hongrois.

Le modèle pluriel des sociétés d’assurance marche très bien en Slovaquie : en 2006 leur bénéfice atteignait presque les 14 milliards de HUF. Ce n’est en revanche pas le cas aux Pays-Bas où le système ne produit pas de profit, et où l’amélioration du niveau des services n’est pas particulièrement signifiante.

Tímea Ocskai

 

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