Sándor Márai :livraison de Noël

Sándor Márai :livraison de Noël

Les livres du JFB  

Une fois n’est pas coutume, mais presque… On va finir par s’habituer à la publication d’un roman de Sándor Márai pour la période de Noël !

L’année dernière, les éditions françaises avaient réuni deux ouvrages de cet auteur pour publier un excellent roman : Métamorphoses d’un mariage (cf. article dans le JFB). Cette année, Albin Michel a choisi de traduire une oeuvre totalement différente, mais qui présente tout autant d’intérêt. Il s’agit d’un roman écrit “à chaud” pour évoquer un épisode historique de la Hongrie.

Libération évoque les dernières semaines du siège de Budapest (janvier à février 1945) avant que la ville ne soit libérée par l’armée russe. Certes, Sándor Márai reprendra cet épisode de l’histoire de la Hongrie vingt-cinq ans plus tard dans ses Mémoires de Hongrie avec une plus grande qualité d’écriture (on regrette ici la rapidité avec laquelle l’auteur a rédigé son roman car on ne reconnaît pas toujours la qualité de son style).

Mais ce qui est particulièrement intéressant dans ce roman, c’est l’analyse des caractères de la centaine de réfugiés terrés dans les caves d’un immeuble. Vous serez très vite pris par l’atmosphère oppressante de ce huis clos. Les personnages sont attachants, notamment Elisabeth, le personnage central du roman, fille d’un savant renommé symbolisant la résistance au fascisme. Cette dernière refuse d’être évacuée avec les autres étudiants à l’approche des Russes, préférant rester pour aider son père.

C’est surtout quand le mutisme forcé laisse place à la parole que cela devient passionnant.

Il semblerait que les langues se délient au moment de la “libération”. Comme si chacun se mettait à parler, librement, sans réticence, parce que maintenant on peut, parce qu’on sent que quelque chose va se passer… Car cette libération de la cave et de la ville est, pour tous ces réfugiés, une délivrance telle qu’ils en deviennent euphoriques, comme par exemple cette jeune femme à moitié folle, assise dans la cave près d’Elisabeth, qui se met subitement à lui confesser, sur le ton d’une conversation banale et naturelle, l’horreur des camps d’extermination Quelques instants plus tard, elle s’exclamera quasiment en transe: “libération !” De même, la discussion quasi philosophique d’Elisabeth avec un vieux monsieur invalide, mathématicien juif qui a connu son père, sur les conséquences de la guerre et sur l’avenir que leur réserve la libération, ne laisse pas indifférent. Enfin, la confrontation entre Elisabeth et l’autre, le fameux libérateur russe tant attendu, est un moment saisissant.

A ce moment-là du roman, soit au terme d’une centaine de pages, le lecteur sera vraiment captivé et reconnaîtra en Sándor Márai ce qui caractérise les “grands” écrivains.

Bonne lecture et bonnes fêtes à tous !

Clémence Brière

Libération, de Sándor Márai; Editions Albin Michel,

223 pages, novembre 2007.

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