Roumanie : un envol économique soutenable ?

Roumanie : un envol économique soutenable ?

 

Après une décennie difficile ayant enregistré deux chocs de transition, dont le second, de 1997 à 1999, a porté la récession à 14% sur trois ans, la bonne santé du marché intérieur roumain entre 2000 et 2007 a permis à l’économie de maintenir un taux de croissance aux alentours de 5%, ce qui, même pour une économie en transition, est d’un niveau substantiel. Le record a été atteint en 2006 avec 7,8% de croissance qui ont compensé un certain essoufflement.

La demande n’en est pas moins restée importante tout au long de cette période, puisqu'elle a connu une hausse de 12% malgré des difficultés du secteur agricole en 2005 et 2006. Elle est compréhensible quand on sait que le pays est l’un des plus pauvres des nouveaux entrants européens. L’industrie, quant à elle, fluctue en dessous du taux de croissance de l’économie nationale. Quatre facteurs ont donc permis une politique de soutien à la demande : une politique salariale très active, une politique de crédit aux entreprises, l’influx financier de la diaspora roumaine ainsi qu’une stratégie générale procyclique (c'est-à-dire que la politique budgétaire du gouvernement suit la conjoncture).

En ce qui concerne le commerce, la Roumanie a une balance déficitaire qui, en 2005, a atteint 10,2% du produit intérieur brut (PIB) et participe au déficit courant du pays. Bucarest fait face à ces deux déficits à travers une double stratégie, d’un côté les investissements directs étrangers (IDE) dans le secteur privé sont favorisés autant que possible, qu’ils proviennent de la diaspora ou de multinationales, et de l’autre, la continuation des privatisations de grandes entreprises nationales, comme Romgaz, permet l’ajustement budgétaire. Ce dernier point inquiète pourtant, car il ne s’agit là que d’une variable d’ajustement et certainement pas d’un outil du bras budgétaire avec lequel l’Etat peut jouer à long terme. Les IDE constituent donc, en cas de continuation du déficit courant, le principal atout de la Roumanie. C’est là tout l’enjeu de l’ouverture économique du pays qui passe bien entendu par l’intégration du marché commun européen depuis début 2007.

Même dans le cas des privatisations d’ailleurs, il s’agit principalement de capitaux extérieurs, ce qui montre donc la double dépendance structurelle de l’économie roumaine dans le financement de l’économie. Ce qui permet en outre indirectement la forte croissance de la demande intérieure. Ainsi, pour un déficit commercial de 12,5 M€ en 2006, les investissements étrangers s’élevaient à 6,8 M€. Et l’impact est important sur la région : l’Organisation de la Coopération et du Développement Economique (OCDE) fait ainsi remarquer que la Roumanie draine 36% des IDE du sud-est européen. La raison en est que les réformes politiques et économiques (lutte contre la corruption, réforme fiscale abandonnant l’impôt unique) plaisent aux investisseurs qui misent sur la continuation de la croissance et le soutient des déficits commercial et courant.

Le gouvernement roumain maintient donc le cap, avec une politique résolument proactive. Le budget 2007 a connu un déficit de 2,8% du PIB, ce qui avoisine la limite du Pacte de Stabilité et de Croissance fixée par l’Union européenne (UE). Celle-ci, par ailleurs, soutient légèrement cette politique déficitaire en finançant le déficit à hauteur de 0,4% du PIB. Pourtant, il est peu probable que les bailleurs de fonds de l’UE comme les investisseurs continuent ex fine à financer le déficit roumain, soutenant ainsi la demande intérieure et par conséquent le taux de croissance.

Le Fonds Monétaire International (FMI) a ainsi jugé le pays hors-piste en 2006, selon l’Accord biannuel de Confirmation, en raison d’un déficit qui tend à être maintenu, ce qui entretient la dépendance du pays vis-à-vis de l’extérieur et son endettement. Le pays bénéficie heureusement de clauses de sauvegarde au sein de l'UE, adoptées avant son adhésion afin de permettre à l’économie roumaine de résister à la pression concurrentielle inhérente à ses partenaires dont les économies sont parmi les plus puissantes du monde. Afin de limiter la casse, les 27 ont ainsi décidé de porter le budget communautaire alloué à la Roumanie à 28M€ dans le budget 2007-2013, les deux tiers étant dans l’enveloppe des Fonds Structurels et de Cohésion et le reste allant au secteur de l’agriculture qui est moribond depuis quelques années. Donnée assez révélatrice, le soutien publique a atteint 27% des recettes agricoles brutes entre 2003 et 2005, la Chine étant, comparativement, à 8%.

La future refonte de la Politique Agricole Commune devrait prendre en considération le cas roumain, d’autant plus que les deux principaux investisseurs en Roumanie, l’Europe et les Etats-Unis, privilégient l’industrie (acier, industrie chimique, textile) et la construction à l’agriculture, qui se place tout de même avant le tourisme. Services et ressources naturelles sont également ciblés par les IDE. C'est le cas des services financiers, des télécommunications et des énergies fossiles. L’électricité d'origine nucléaire devrait apparaître comme un secteur majeur avec la construction, prévue en 2009, d’un câble sous-marin reliant la Turquie et la Roumanie, avec la parti-cipation financière de la Suède à hauteur de 50%.

Les IDE sont toutefois également le signe que l’économie roumaine se construit activement et qu’elle devient même un pays notablement exportateur. Mais la demande intérieure est trop importante pour que la production nationale puisse suivre. Reste qu’au sein du marché commun les économies nationales sont mêlées et que les perspectives d’ouverture sont intéressantes. Mais la balance commerciale est fondamentale dans la gestion du déficit, et si Bucarest veut compter sur la scène économique européenne, il est nécessaire que les comptes s’équilibrent car la transition ne dure qu’un temps et que les IDE suivent la croissance. Après le temps des réformes et de la forte demande, spécifiques des économies en transition, c’est la productivité, la compétitivité, et la stabilité d’une économie qui attirent les investissements. Et c’est ce que la Roumanie a commencé à dessiner en 2007, à travers son partenariat avec l’OCDE sur les bonnes pratiques de gouvernance économique.

Péter Kovács

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