Rost et Frenak : rencontre exceptionnelle à Erkel

Rost et Frenak : rencontre exceptionnelle à Erkel

Alors que Paris subissait les pires attentats de son histoire, Andréa Rost et Pal Frenak présentaient leur premier spectacle commun au théâtre Erkel. Les chansons de Schuman, Berg et Kodály étaient portées avec brio par cette soprano magyare de renommée mondiale tandis que les danseurs du chorégraphe donnaient vie à une mise en scène très épurée dont l’on retient notamment la grande robe bleue de la première partie et le très sensuel duo de la dernière. Nous nous sommes entretenus avec les artistes avant leur entrée en scène.

JFB : Qu’est-ce qui vous a donné envie de collaborer ensemble pour ce spectacle ?

PF : Il s’agit d’abord d’un hasard. Nous nous connaissions déjà de réputation et Andréa est venue voir un de mes spectacles. Cette rencontre a été comme un coup de foudre artistique. Quand elle a eu une proposition pour créer quelque chose au théâtre Erkel, elle m’a demandé si je pouvais faire la mise en scène et la chorégraphie car elle voulait tester une approche différente de ce à quoi elle était habituée. Nous avons voulu essayer une forme plus abstraite et moins narrative avec une mise en scène qui ne cherche pas à coller aux paroles mais qui s’y associe librement. C’est l’ensemble qui permet au spectateur de s’y retrouver car dans une même séquence, nous ne parlons pas forcément du même sujet.

JFB : Quel effet souhaitez-vous transmettre aux spectateurs ?

PF : La chorégraphie est épurée. On veut créer du mouvement avec peu de choses et d’effets scéniques pour aboutir à une atmosphère et une tension maximales. Dans l’un des tableaux par exemple, il n’y a que le mouvement d’une structure métallique. Il ne s’agit même pas vraiment de danse en fin de compte car le but est surtout d'occuper l’espace. Malgré tout, il y a un morceau de danse assez concret sur Schuman mais en même temps qui cherche à garder une certaine distance. Le but n’est pas de raconter par la chorégraphie ce que la musique dit.

JFB : Qu'est-ce que cela apporte au chorégraphe et à la cantatrice ?

PF : Je pense que pour nous deux, c’est une ouverture. Nous ne savons pas exactement ce que ça pourra donner comme résultat car nous sommes actuellement dans l'expérimentation. Mais ça peut donner quelque chose de très bien car le nouvel espace que l’on crée change la perception de la chanson. Bien sûr, Andréa sait ce qu’elle chante et on ne va pas réinventer un texte mais en le plaçant simplement dans un contexte très inhabituel on lui donne une résonnance très différente.

AR : Pour moi, c’est vraiment quelque chose de très intéressant de tester cette forme de mise en scène nouvelle pour moi. Je découvre tout. Je ne danse pas, je suis une cantatrice. Je prononce les mots, je peins la musique avec ma voix et ma technique. Les danseurs professionnels qui m’accompagnent ressentent la musique et celle-ci résonne dans leur corps et les fait bouger. Ils travaillent dans l’espace. Cette rencontre est formidable pour ça.

JFB : Quelle musique avez-vous choisi pour le spectacle ?

AR : Je commence avec Alban Berg, Autrichien, et je poursuis avec Zoltán Kodály, Hongrois. C’était important pour moi par ce que je chante à Budapest et que le public puisse ainsi entendre de la musique qu’il comprend, connaît et aime Finalement, je chante Schuman dont j'apprécie beaucoup les compositions et l'univers tout comme le directeur de l’Opéra. Schuman, c’est intéressant car cela retrace la vie d’une femme de son mariage à sa mort. L'œuvre alterne les hauts et les bas. Par exemple, le mari meurt juste après qu’elle ait eu son enfant. Cette musique me touche particulièrement car je suis aussi une épouse et une mère. J'espère mettre toute mon émotion dans l'interprétation.

Propos recueillis par Elayïs Bandini

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