Responsabilité partagée

Responsabilité partagée

Six mois après la catastrophe des boues rouges

 

6 milliards de forints d’indemnisation sont réclamés à l’entreprise à l’origine de la terrible coulée de boue rouge, MAL Zrt., par les victimes de cette tragédie. Cependant, d’après les informations fournies par trois rapports rendus publics, la responsabilité des autorités publiques peut aussi très largement être mise en cause.

Un procès sans précedent vient de commencer visant l’indemnisation des victimes des boues toxiques. En plus d’une indemnisation conséquente, elles demandent au tribunal d’ordonner au propriétaire de l’usine d’aluminium, MAL Zrt., de vider le réservoir à l’origine de la catastrophe pour le remplir d’argil et y cultiver des plantes. Au total, plus de 30 procès d’indemnisation sont déjà en cours. 6 milliards de forints d’indemnisation sont demandés à l’entreprise par les victimes En octobre dernier, près de la ville d'Ajka, un énorme réservoir rempli de déchets toxiques en provenance d’une usine d’aluminium explose et laisse s’échapper 700 000 m3 de boue toxique, issue de l'extraction de bauxite à forte concentration en alumine. Une vague de boue rouge se répand et submerge les villes de Kolontár et Devecser, détruisant au passage tout l’écosystème de cette région. Le bilan humain est lourd : 10 morts et 120 blessés.

 

Fautes multiples

Au fur et à mesure des procès qui apportent des éclaircissements sur cette catastrophe, la question de la responsabilité reste posée. Trois rapports rendus public récemment prouvent qu’au-delà de la responsabilité évidente de l’entreprise, les autorités publiques ont également commis des fautes multiples. Le fonctionnement du réservoir à l’origine de la terrible coulée de boue rouge n’aurait pas dû être autorisé.

L’enquête du médiateur des générations de l’avenir a conclu qu’au moment de la construction du réservoir, en 1985, plusieurs autorités administratives se sont repassées le dossier litigieux qui visait à autoriser le site de stockage. Finalement c’est l’Agence de l’eau qui l’a pris en main, l’administration chargée d’autoriser les installations classées refusant d’assumer toute responsabilité dans cette affaire. Six ans après sa construction, en 1991, la digue s’est rompue en déversant 43. 000 m3 de liquides toxiques dans la rivière Torna, provoquant également des dégâts dans la Rába.

L’analyse commune du parti Lehet Más a Politika (LMP) et de plusieurs ONG et experts condamne l’absence de vigilence aussi bien de la part des responsables de l’usine que des autorités publiques : des images satellite montraient que les murs du réservoir bougaient d’un centimètre chaque année. La MAL Zrt. particulièrement aurait du s’en apercevoir en effectuant les mesures et analyses ordinaires.

Les rapports mettent en évidence les raisons pour lesquelles les boues n’étaient pas classées comme matières toxiques. C’est sur ce point que la Commission européenne a porté ses critiques : “Nous considérons que les boues rouges ont été incorrectement classées au moment de l’autorisation de construire. Elles auraient dû être classées à risque mais ont été classées à l’époque comme non-dangereuses”, a expliqué un porte-parole de la Commission. L’UE souligne également que la règlementation européenne ne vaut que si elle est mise en application par les pays membres. Pourtant le Secrétaire d’État chargé de l’environnement, Zoltán Illés, et le député du Fidesz, János Áder, ont accusé l’Europe en justifiant ce drame par des règles européennes trop laxistes.

 

Conséquences permanentes

La région touchée par le déversement de boue rouge souffre toujours, et pour longtemps, des conséquences de cette catastrophe. L'état d'urgence reste en vigueur dans la région, afin notamment de faciliter l'accès aux chantiers d'assainissement et de reconstruction. Le nettoyage du fonds des rivières, aujourd’hui polluées par les sédimentations toxiques, est toujours en cours.

21 maisons à Kolontár et 85 bâtiments à Devecser sont actuellement en construction afin de remplacer les immeubles détruits par la vague de boue toxique. Le coût de ces nouvelles constructions ne sera pas imputé aux habitants de ces deux villages qui ont dû quitter précipitamment leurs foyers. La majorité d’entre eux pourront emménager dans ces nouvelles maisons dès l’été prochain. Ils sont aujourd’hui logés dans des logements mis à leur disposition. La prise en charge des victimes ne vaut toutefois que si elles ont accepté d’être relogées immédiatement par les pouvoir publics après le drame. Tous ces habitants demandent également qu’on améliore aujourd’hui leur qualité de vie extrêment dégradée.

L'association WWF, le Fonds mondial pour la nature, déclare que la faune ne s’est pas reconstituée dans cette région. Elle a précisé que "les différentes races d’animaux, et particulièrement les poissons, ont été soit complètement anéanties, soit ont migré vers d’autres régions. Six mois plus tard, les bords des rivières Marcal et Torna sont toujours rouges". Les promesses financières ainsi que les interventions pour dépolluer le site tardent à arriver et la situation reste problématique. Le ministère en charge des questions environnementales a déjà ordonné le versement de compost sur les terres polluées afin de renouveler les sols.

Des infrastructures similaires sont toujours en état de fonctionnement en Europe de l'Est, en Roumanie, Bulgarie et dans les Balkans malgré leur état critique. WWF alerte donc l’opinion public sur le fait qu’un accident comme celui de Kolontar pourrait se reproduire avec les mêmes conséquences dramatiques sur l’environnement et les hommes.

Judit Zeisler

 

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