Réorganisation chaotique
Loi sur les média, suite...
Dès le début de la présidence hongroise de l'Union Européenne, le texte de loi sur la réforme des média avait déclenché une polémique. Le Parlement a donc effectué une révision de son texte à la demande de la commission européenne, et a atténué certains points controversés. En parallèle, une vague de restructuration s'accompagnant de licenciements en masse touche les média publics.
Le Parlement a apporté quelques modifications, notamment en matière de protection des sources. Dorénavant, l'organe de contrôle des média hongrois (NMHH) ne pourra plus forcer les journalistes à révéler leurs sources. Cette prérogative revient à "un tribunal ou une autorité d'investigation" et uniquement dans certains cas "de sécurité et d'ordre public".
Toutefois, c'est à présent au Conseil des média (MT), organe exécutif du NMHH composé de proches du Fidesz, que revient le droit de décider du nombre de chaînes de télévision et de stations de radio autorisées à émettre. Les radios et télévisions devront désormais consacrer 35% de leurs programmes à des artistes hongrois.
Enfin, le Parlement a décidé que les amendes pour infraction à la loi infligées par le NMHH relèveront de l'impôt public et pourront donc, en cas de défaut de paiement, faire l'objet de saisies sur les avoirs des entreprises du secteur des média.
Un service public au rabais?
Pendant les six mois où la Hongrie a présidé l’Union européenne, Viktor Orbán s'est montré prudent sur l'application de sa nouvelle législation sur les média. Ni perquisitions dans les rédactions, ni sanctions pour «atteinte à la morale» ou «informations partiales», juste un peu de ménage dans l’audiovisuel public, où l’on a nommé de nouveaux rédacteurs en chef proches du pouvoir.
Plus les média tournent leurs objectifs sur des célébrités et se mettent au pas par rapport à la nouvelle loi en pratiquant l'autocensure, plus le niveau des programmes baisse : l'information perd du terrain au profit de la télé réalité et des émissions de variété. C'est ce qu'a dénoncé l'écrivain public Enyedi Nagy Mihály dans le quotidien Népszabadság.
De plus, l'absence de mention dans la nouvelle Constitution de la mission éducative des services publics permet au gouvernement de transformer le contenu des programmes sans contrevenir à la loi. Les média publics se retrouvent dans une situation difficile, la première chaîne publique aurait perdu ainsi plusieurs milliers de téléspectateurs.
Les média privés ne sont pas en reste. La radio d'opposition Klub Rádió, qui accorde une large place à l’info et aux débats politiques, est par exemple prise pour cible par le gouvernement alors que sa licence vient d'expirer. La station connait de fortes difficultés financières depuis l'arrivée du Fidesz au pouvoir et la chute de 70% de ses recettes publicitaires. Le Conseil des médias vient de redéfinir ses programmes : elle devra désormais diffuser 60% de musique et des informations locales, ou comment museler la parole...
Comme les licences des deux chaînes privées les plus importantes, RTL Klub et TV2 (entre 35 et 40% d’audience), arrivent elles-aussi à échéance l’an prochain, mieux vaut encore éviter les sujets qui fâchent...
Un autre journal d'opposition, le Népszava, fait l'objet d'une enquête de la NMHH pour avoir diffusé sur son site internet des commentaires d'internautes jugés insultants suite à la parution d'un article sur la mort de l'ancien président de la République, Ferenc Mádl.
Des licenciementsmassifs
Le symbole est fort: le 13 juillet dernier, c'est autour du cercueil de la radio publique que se sont réunis environ 300 manifestants pour protester contre les licenciements annoncés. 550 employés du service public doivent en effet être licenciés cet été et environ 450 autres suivront à l'automne. Pour le gouvernement, il s'agit de rationaliser le fonctionnement des média publics, de les rendre plus rentables, sans qu'aucune précision ne soit apportée sur les motifs des licenciements et sur la façon dont va pouvoir s'engager la restructuration. Force est de constater cependant que 40% des victimes de ces licenciements sont des personnes protégées par le droit du travail : responsables syndicaux ou salariés de plus de 50 ans. A TV Duna, par exemple, les chefs de rédaction femmes de plus de 50 ans ont été remerciées. Au total, un tiers des effectifs des médias publics va disparaître en silence, puisque le contrat de travail de ces journalistes subordonne le versement des indemnités de licenciement au respect d'une clause de confidentialité.
Le parti de Viktor Orbán avait commencé dès l'époque socialiste à construire son empire médiatique (quotidien, radios), via des sociétés écrans, et vient d’acheter le gratuit Metro. On peut donc légitimement s'inquiéter sur le sort futur de la liberté des média.
Cécile Pollart