Rentrée européenne : l’avenir de l’UE entre les mains de la CIG
Après la très médiatisée sortie de crise de juin dernier, lorsque les 27 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne sont parvenus à un accord politique sur l’adoption d’un futur traité simplifié, le temps est désormais à l’élaboration juridique du texte qui réformera les traités européens existants.
Un nouveau traité avant la fin de l’année
C’est à la Conférence intergouvernementale (CIG) qui a repris ses travaux après une pause estivale, qu’incombe la mission de rédiger le texte du futur traité, conformément au mandat qui lui a été donné par les 27 lors du sommet de Bruxelles. Le texte est désormais entre les mains des experts juridiques. Sa rédaction devrait durer un peu plus de deux mois afin que le futur traité puisse être adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement lors du Sommet de Lisbonne des 18 et 19 octobre. C’est en tout cas ce que souhaite vivement la présidence portugaise de l’UE. On peut cependant émettre quelques réserves quant au respect de ce calendrier, de nombreux experts estimant qu’il sera impossible de s’y tenir. Un accord sur le nouveau texte est donc plus probable au sommet de Bruxelles de décembre. Cela dit, aussi bien du côté des Institutions européennes que des Etats membres, une réelle volonté politique est affichée afin de parvenir à un mini traité avant la fin de l'année.
Polémique sur le référendum
Mais la CIG n’est pas seulement une affaire juridique. Son mandat ne fait pas l’unanimité. De ce fait, certains pays estiment donc que le futur texte devra être soumis à référendum, c’est notamment le cas des conservateurs britanniques qui jugent que les changements induits par le nouveau traité seront trop importants pour passer outre la consultation du peuple. En France également, la question de la ratification par référendum ou voie parlementaire du nouveau traité divise. Plusieurs partis (les socialistes, les communistes, le mouvement pour la France et l'extrême droite) ont réclamé un référendum pour ratifier le traité simplifié, alors que Nicolas Sarkozy, président de la République française, a réitéré qu'il le serait par la voie parlementaire. Actuellement, seule l’Irlande est tenue par sa Constitution d’organiser une consultation populaire. Les autres pays membres choisiront ultérieurement, en fonction du texte final.
Blocage polonais ?
Autre enjeu de la CIG : l’attitude polonaise. On se souvient combien les négociations avec la Pologne avaient été tendues au Sommet de Bruxelles, opposée qu’elle était à toute réforme du système de prise de décision au Conseil. Les 27 avaient finalement trouvé un compromis : le futur traité reprendrait le système de vote à la double majorité (55 % des Etats et 65 % de la population) proposé par le traité constitutionnel mais cette règle n'entrerait en vigueur qu'en 2014, au lieu de 2009. Par ailleurs, jusqu’au 31 mars 2017, un État membre aurait le droit de demander de calculer la majorité selon les anciennes règles s’il est mis en minorité et s’il ne l’accepte pas. Et bien ce compromis pourrait ne plus satisfaire la Pologne ! Lors d’une réunion de la CIG, le 23 juillet dernier, la ministre polonaise des Affaires étrangères, Anna Fotyga, a demandé des clarifications sur le mécanisme mis au point pour la Pologne, arguant que, selon elle, il devrait être possible de prolonger de deux ans les négociations, tandis que la majorité des Etats membres avait envisagé seulement quelques mois.
Le gouvernement polonais pourrait également demander, comme le Royaume-Uni, une dérogation sur l’application de la Charte des droits fondamentaux afin de lui ôter toute portée juridique. Et comment refuser à la Pologne ce que l’on a accordé au Royaume-Uni ? Cette Charte, qui réunit les droits fondamentaux des Européens tels que la dignité, la liberté, l’égalité, la solidarité, la citoyenneté et la justice, est pourtant l’une des avancées essentielles du nouveau traité, et nombreux sont ceux qui regrettent déjà l’« opt-out » britannique dans ce domaine.
Enfin, l’annonce par le Premier ministre Jaroslaw Kaczynski d’élections législatives anticipées à l’automne prochain complique l’agenda des négociations européennes. Dans son blog Les Coulisses de Bruxelles, Jean Quatremer, correspondant à Bruxelles du quotidien français Libération estime que ces élections « risquent de faire une victime collatérale : le «traité simplifié» alias «traité modificatif» alias «traité réformateur. » Il analyse : « On ne voit pas pourquoi les jumeaux Kaczynski, dont le parti Droit et Justice (PiS) n’est crédité que de 22 % des intentions de vote contre 33 % aux libéraux de la Plate-forme civique, se priveraient de prendre le « traité simplifié » en otage. Une belle crise européenne au nom de la défense des intérêts polonais, quel meilleur argument de campagne ? » L’incertitude autour de ces élections pourrait donc sérieusement compromettre le calendrier portugais.
Carine Palacci
Développements récents et prochaines étapes :
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21 et 22 juin : Les chefs d’Etat et de gouvernement parviennent à un accord de principe sur l’élaboration et l’adoption d’un futur traité simplifié. Ils convoquent une CIG qui doit préparer une rédaction définitive du texte.
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23 juillet 2007 : Ouverture de la CIG.
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18 et 19 octobre 2007 : Sommet de Lisbonne, négociations sur un texte et accord souhaité par la présidence portugaise.
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13 et 14 décembre 2007 : Sommet de Bruxelles.
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31 décembre 2007 : Fin des travaux de la CIG.
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Juin 2009 : Elections du Parlement européen. Tous les Etats membres doivent avoir ratifié le nouveau traité.