Réfugiés en Hongrie : une réalité souvent ignorée...

Réfugiés en Hongrie : une réalité souvent ignorée...

Bien que la Hongrie soit historiquement un pays d’émigration, elle est aussi et depuis longtemps une terre d’asile : durant les années de guerre froide, elle a été le lieu de refuge d’exilés communistes grecs et chiliens. En 1989, elle prend part à la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés. Près de 30.000 Roumains, pour la plupart d’origine hongroise, fuyant le régime de Ceausescu arrivent alors en Hongrie. Les guerres des Balkans ont ensuite amené des vagues très importantes de réfugiés au point qu’en 1999 plus de 11.500 demandes d’asile ont été reçues par les autorités hongroises. La situation est cependant bien différente aujourd’hui. Le nombre des demandes d'asile est en constante régression depuis plusieurs années. Ainsi, en 2002 on pouvait en recenser 1.600 et en 2005, une légère hausse a fait monter le nombre des demandes à 2.117. Pourquoi un tel écart ? Surtout après que la Hongrie a intégré l’Union européenne, ce qui aurait pu théoriquement favoriser l’afflux de réfugiés.

 

Plusieurs raisons semblent pouvoir expliquer cet écart. D'une part le changement des parcours migratoires : les passeurs éviteraient la frontière hongroise où le renforcement des contrôles et la surveillance policière seraient devenus trop importants depuis l’accession à l’UE. La Pologne ainsi que la Slovaquie resteraient des itinéraires privilégiés par ces derniers. Par ailleurs, il y a la multiplication des accords de réadmission signés par la Hongrie avec ses pays voisins (Ukraine, Roumanie, Serbie). Ces accords bilatéraux permettent à la Hongrie d’expulser des étrangers arrivés sur son territoire de manière illégale (ce qui est souvent le cas des demandeurs d’asile dépourvus de papiers ou de visas d’entrée...) vers les pays qui ont servi de “point de passage”. Enfin, le manque d’opportunité en Hongrie au regard de la situation économique, et la difficulté d’intégration (la langue hongroise notamment) pousseraient les demandeurs d’asile à ne faire que transiter par la Hongrie.

Aucune étude ne permet cependant de confirmer que les demandeurs d’asile ont de réelles difficultés à entrer sur le territoire hongrois. Difficile de savoir également combien y parviennent mais ne font que traverser le pays pour aller plus à l’Ouest. Ce qui est sûr, c’est que les trois centres de réception pour réfugiés de Hongrie situés respectivement à Bicske (près de Budapest), Debrecen et Békéscsaba (aux frontières de la Roumanie), sont maintenant beaucoup moins peuplés qu’ils ne l’étaient auparavant (le plus important, celui de Debrecen, en compte plusieurs centaines). Il y a également une plus grande diversité des origines des réfugiés, les taux de reconnaissance les plus importants étant accordés aux Somaliens, aux Irakiens, aux Afghans, aux Kurdes et aux Nigérians.

 

Malgré des conditions assez favorables observées dans les centres (trois repas par jours, prise en charge des soins médicaux de base, espace des chambres d’habitation, autonomie importante, personnel réellement investi dans l’accompagnement des réfugiés), le quotidien des demandeurs d’asile reste difficile et les conséquences sur le moral de ces derniers sont perceptibles.

Voici par exemple une situation qui est loin d’être anecdotique dans les camps : deux jeunes Camerounais âgés d’une vingtaine d’années sont arrivés à Bicske il y a plus de quatre mois. Ils présentent des symptômes plus ou moins graves de PTSD (Post Traumatic Stress Disorder) causés par les évènements traumatisants qu’ils ont vécus avant de fuir leur pays. Leur voyage a duré plus d’un mois et ils se sont retrouvés à Bicske sans même savoir qu’ils étaient en Hongrie. Cela s'explique par le fait que les passeurs font souvent croire à leurs “clients” qu’ils les emmènent en Allemagne. Une fois le premier effet de surprise passé, tout le travail des psychologues et travailleurs sociaux a consisté à rassurer ces jeunes, à leur faire accepter également que demander l’asile en Hongrie signifie qu’ils vont devoir rester dans ce pays, apprendre le hongrois et s’intégrer au sein de cette société. En effet, depuis le règlement européen «Dublin II», les étrangers cherchant à obtenir l’asile en Europe sont obligés de déposer leur demande dans le premier pays de l’Union par lequel ils transitent. Cette situation a parfois suscité un sentiment de résignation chez ces jeunes adultes venant d’Afrique qui, parlant tous le français ou l’anglais, se demandent ce qu’ils vont bien pouvoir faire dans ce pays dont ils ne connaissent rien, dont ils ne parlent pas la langue et où ils n’ont que peu de chances de pouvoir rapidement se débrouiller seuls.

Même si l’apprentissage du hongrois est possible dans le centre de réfugiés, les nouveaux arrivants se déclarent souvent déçus. A Bicske, en raison d’un cours par semaine où sont mélangées toutes les personnes de différents niveaux, il est difficile de ne pas se sentir perdu et courant de vouloir abandonner.

 

La majeure partie des personnes vivant dans les centres de réfugiés est une population adulte, jeune (entre 20 et 40 ans), de sexe masculin, dont le problème commun est avant tout un besoin désespéré d’occupation. Il n’y a effectivement rien à faire dans ces centres. Les quelques travailleurs sociaux en poste dans les camps disposent de faibles moyens pour les maintenir actifs et motivés. Un terrain de foot, quelques heures d’accès à Internet par jour, des formations professionnelles dispensées dans les domaines tels que la coiffure et le jardinage sont les rares activités gratuites proposées à l’intérieur des centres de réception. Les possibilités pour trouver du travail «en dehors» sont réduites, d’autant plus quand les réfugiés se trouvent dans des villes telles que Debrecen ou Békéscsaba (villes «moyennes» dont le marché de l’emploi est loin d’offrir les mêmes possibilités qu’à Budapest; réticence des employeurs au regard de la situation instable des demandeurs d’asile qui peuvent être déboutés et ne pas rester...). A cela s’ajoute d’autres problèmes : une loi restrictive qui interdit l’accès au travail pendant un an aux personnes sous le coup d’une procédure de demande d’asile; la maîtrise insuffisante du hongrois et le manque de qualification professionnelle qui rendent difficile toute intégration effective.

 

Ces quelques exemples permettent de montrer à quel point il serait important de sensibiliser davantage la population et les pouvoirs publics à la situation des personnes réfugiées et des demandeurs d’asile en Hongrie. Peu de choses et peu de moyens suffiraient à améliorer considérablement leur quotidien dans les centres de réception. Mais sans aide plus significative de l’Etat ni soutien de la population locale, ils resteront les nouveaux exclus de la société hongroise, ou finiront par quitter le pays, dans les conditions précaires que l’on peut imaginer, pour tenter leur chance ailleurs dans une Europe de plus en plus sourde à la détresse de ces étrangers...

 

Magdeleine Walger

 

 

 

En Hongrie, on peut distinguer trois types

d’établissements où sont placés les étrangers au moment de leur entrée et de leur renvoi du pays :

 

1) Les centre de détention. Y sont placés les étrangers qui sont sous le coup d’un ordre d’expulsion. Les demandeurs d’asile ne sont théoriquement pas concernés. On en compte huit en Hongrie :

Balassagyarmat, Budapest-Ferihegy (l’aéroport), Gyôr, Kiskunhalas, Nagykanizsa, Nyírbátor, Orosháza, Szombathely

 

2) Les “abris communautaires” (centres ouverts mais soumis à des règles strictes). Y sont placés les étrangers qui sont sous le coup d’une restriction de liberté (personnes qui ne peuvent pas être expulsées, ni maintenues en détention…). Il en existe trois en Hongrie:

Nyírbátor, Gyôr etNagykanizsa.

 

3) Les Centres de réception. Réservés à l’accueil des demandeurs d’asile.

Il y en a 3 : Békéscsaba, Debrecen, Bicske.

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