Réferendum: une tendance hongroise
L'initiative de Mária Seres, qui réclame un référendum sur l'abolition du système actuel de remboursement des frais des députés, a rencontré un grand succès jusqu'à présent. Depuis octobre, près de 600 000 citoyens ont signé cette pétition, qui fera par conséquent l'objet d'un référendum dans quelques mois.
Mária Seres, dont très peu de personnes connaissaient le nom il y a un an encore, peut se targuer d’avoir mobilisé de nombreux citoyens pour mettre fin aux privilèges des parlementaires. Cette femme, qui a obtenu son diplôme d'architecte à l'Université technique de Budapest, vit aujourd'hui à Nyíregyháza. C'est là qu'elle a commencé, l'année dernière, à recueillir des signatures afin d'initier la réforme du système des remboursements des frais des députés. Ce système permet en effet aux députés de se voir compenser les frais de leurs déplacements et autres dépenses sans avoir à présenter les factures les justifiant. Donc, alors que les entreprises et professionnels du secteur privé risquent de payer des amendes très élevées s'ils ne justifient pas de leurs achats ou des services auxquels ils ont recours, il n'est pas rare que certains députés touchent plusieurs centaines de milliers de HUF par mois grâce à une simple déclaration du montant de leurs frais. L'initiative de Mária Seres vise donc à durcir les conditions de ces paiements. Cette question sera ainsi proposée lors d'un référendum: «Êtes-vous d'accord pour que les députés parlementaires ne puissent toucher des remboursements qu’à la condition qu'ils présentent des factures?».
Selon la loi, le Parlement doit décréter l'organisation d'un référendum si au moins 200 000 citoyens soutiennent une initiative. Le résultat du vote oblige ensuite le Parlement à mettre en place des mesures concrètes qui garantissent l’adoption du souhait des votants. Dès que le Comité national de vote (OVB) aura vérifié l'originalité des signatures, un délai de 8 jours permettra aux citoyens d'émettre des critiques quant au thème du référendum.
A l'heure actuelle, l'initiative de Mária Seres se trouve dans cette phase: la Cour constitutionnelle examine certains amendements mais, si elle les rejette, le président de la République devra annoncer la date du référendum. En outre, afin de diminuer les coûts de l'organisation de ce vote, Mária Seres avait proposé devant le Parlement la modification de certaines lois, modifications qui auraient permis d'organiser le référendum en même temps que les élections européennes. Ce changement nécessitait l'accord des deux tiers des députés, qu'elle n'est pas parvenue à convaincre. Ainsi, en conformité avec la loi actuelle, le référendum ne pourra avoir lieu qu'au moins 41 jours après les élections européennes. Son coût est estimé à 4 milliards de HUF – tandis que s'il avait été organisé en même temps que le scrutin européen, seuls 5 millions de HUF auraient été dépensés pour ce vote. Toutefois, les complications autour de l’organisation du référendum ne semblent pas avoir découragé Mária Seres à occuper un rôle politique. En avril dernier elle était co-fondatrice du Mouvement civil, dont les membres souhaitent «donner un nouveau sens à la démocratie hongroise». Ils proposent en particulier de mettre fin aux privilèges de la classe politique, de renforcer le contrôle des organisations civiles sur la vie politique et de diminuer la bureaucratie et la corruption.
Ces ambitions concordent sans doute avec les attentes des citoyens mais, à voir la faible mobilisation des Hongrois lors des votes et autres évenements politiques, ce n’est pas gagné d’avance pour ce nouveau parti. Pour les élections européennes par exemple, ils n’ont pas réussi à recueillir les 20 000 bulletins de recommandation requis pour pouvoir se présenter. En général, les électeurs hongrois ont une mauvaise opinion des forces politiques mais se mobilisent rarement pour exprimer leur mécontentement. Loin des traditions des pays occidentaux, où les citoyens n’hésitent pas à protester, les Hongrois choisissent plutôt de se détourner de la vie politique. Depuis le changement de régime, il y a eu six référendums en Hongrie, dont trois ont été organisés par les gouvernements en place comme celui sur l’adhésion de la Hongrie à l’OTAN en 1997 ou encore sur l’entrée du pays dans l’Union européenne en 2003. Seules quatre autres initiatives ont bénéficié d’un soutien assez large des électeurs pour pouvoir faire l’objet d’un référendum. L’initiative de Mária Seres est l’un des rares exemples où un civil parvient à mobiliser plus de 500 000 électeurs sur un sujet politique.
Anna Bajusz