Référendum sur la question de l’accueil des migrants en Hongrie
Orbán n’est pas de Gaulle...
Le 27 avril 1969, le général de Gaulle lançait un référendum sur la réforme du Sénat et la régionalisation. Le résultat: sur une participation de 80%, 52,5 % de „non” contre 47,5 de „oui”. Dès le lendemain, de Gaulle annonçait sa démission.
Le 2 octobre dernier, Viktor Orbán lançait un référendum proposant aux Hongrois le refus du quota d’accueil des réfugiés imposé par Bruxelles (*). Le résultat: 41,3% de participation, dont 98,2% de „non” (**) à la politique des quotas. Or, pour être valide, le scrutin devait recueillir 50% + 1 voix de participation. Un scrutin donc invalide. Les principaux partis d’opposition (hors extrême droite) avaient appelé les électeurs au boycott.
Malgré cela, le Premier ministre déclarait le soir même avoir remporté une immense victoire avec une „majorité écrasante”... Or, sur le total des inscrits, le résultat donne à peine 40% des électeurs en sa faveur (compte tenu des bulletins nuls). Un Premier ministre se félicitant même de voir ainsi s’être forgé une belle unité nationale, n’hésitant pas à qualifier le moment d’historique... Curieuse logique...
Par ailleurs, le commentateur d’une radio proche du pouvoir annonçait le lendemain matin: „Le référendum est invalide”, ajoutant aussitôt dans la foulée „Sur la base du référendum (!?), le Premier ministre va engager une réforme de la Loi fondamentale”. Là encore, curieuse logique....
Car la Loi fondamentale précise clairement la primauté des accords internationaux, ce qui rendait la question posée lors du référendum contraire à la Constitution. Une réforme que réclamait depuis longtemps le parti d’extrême droite, le Jobbik, également opposé à l’accueil des réfugiés, mais dont le Premier ministre pensait pouvoir se passer, misant sur un passage en force avec ce référendum dont il attendait un large soutien. Or, tel ne fut pas le cas... (***)
La question n’est pas ici de prendre position sur la question complexe et délicate de l’accueil ou du refus des migrants, mais d’observer la réaction du pouvoir en place face à une consultation nationale. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle est contestable (mais non surprenante). Bref, un mépris envers les 60% (5 millions) d’électeurs qui ne lui ont pas apporté leur soutien. Depuis son retour au pouvoir au printemps 2010, Viktor Orbán n’avait pas connu d’échec, du moins au plan électoral. Le résultat de cette dernière consultation constitue donc pour lui un camouflet d’autant plus sévère que, péchant par excès de confiance, il ne s’y attendait probablement pas.
Un coup de poker raté qui risque fortement d’entamer son aura. Et ce non seulement au plan national, mais aussi et surtout sur la scène internationale. A commencer par ce rôle de meneur qu’il avait brillamment rempli au sein des pays du groupe de Visegrád (Pologne, Tchéquie, Slovaquie). Mais aussi et surtout face à Bruxelles. Affaiblissement dont ne vont pas manquer de profiter ses adversaires, en tête desquels Jean-Claude Juncker et Martin Schulz. Mais il ne faudrait pas que ceux-ci crient trop vite victoire. Car ce rejet manifesté lors du référendum constitue avant tout un rejet de la politique d’Orbán, notamment contre la corruption et la situation catastrophique de secteur de la santé (deux sujets cités dans un récent sondage comme principale préoccupation des Hongrois, la question des migrants ne venant qu’en 3ème position). Et non un soutien à la politique de Bruxelles.
Autre danger: que le leaders de l’opposition démocratique (gauche, libéraux) crient trop vite victoire. Piège dans lequel s’est aussitôt engouffré l’ancien Premier ministre Gyurcsány, adversaire acharné de Viktor Orbán. Car là non plus, le rejet de la politique d’Orbán n’en signifie pas pour autant un soutien aux partis d’opposition, loin de là.
La question est de savoir ce que va nous réserver le proche avenir. Entre des conservateurs déçus par le Premier ministre et des partis d’opposition désunis et incapables d’offrir une alternative crédible, une grande majorité semble s’être détournée de la politique. Des voix à récupérer, non à gauche, mais peut-être au centre ? Bien malin est qui pourra prévoir la suite.
Pierre Waline
(*): un quota, contrairement aux centaines de milliers annoncés lors de la campagne, limité en l’état à 1 294 réfugiés. De plus, contrairement à ce qu’annonçait la campagne, imposant que soit prise en compte et jugée leur d’asile, donc sans préjuger du résultat de leur démarche. FR" xml:lang="FR">
(**): sur 8,2 millions d’électeurs, 3,2 millions de „non” (allant donc dans le sens du gouvernement) contre 5 millions d’abstention ou de votes nuls. FR" xml:lang="FR">
(***): une erreur qui aura fini par agacer les électeurs : cette campagne omniprésente, intempestive, voire agressive et coûteuse entreprise sur fonds publics (15 milliards HUF, plus onéreuse que la campagne du brexit au Royaume-Uni)