Question stratégique
Focus sur les relations internationales de la Hongrie
«C’est un document concis et avisé, dont la Hongrie a besoin et qui peut, peut-être, conduire à un consensus». «Un document qui arrive en retard d’une part, qui ne contient ni faits concrets ni idées originales, et qui n’évoque pas les difficultés du présent et de l’avenir.» Voici deux commentaires que l’on peut entendre à propos du même document : La Stratégie des relations internationales, présentée en novembre par le ministère des affaires étrangères et qui détermine les priorités de la politique extérieure de la Hongrie jusqu’en 2020.
Huit ans après l’adhésion à l’OTAN et trois ans après l’adhésion à l’Union européenne, la stratégie de politique extérieure du gouvernement hongrois voit enfin le jour. Dans ce document de 23 pages, le gouvernement présente et soumet au débat ses priorités en matière de politique extérieure. Plusieurs experts soulignent qu’il est grand temps d’avoir une stratégie à long terme en matière de politique extérieure et de relations internationales car les trois “priorités” énoncées par le Premier ministre József Antall à l’époque du changement de régime ne sont plus d’actualité et encore moins satisfaisantes. (Ces trois priorités étaient : l’intégration euro-atlantique ; les bonnes relations avec les pays voisins ; et l’aide des Hongrois au-delà des frontières.)
Ce nouveau document, très court par rapport à son sujet, analyse brièvement la situation internationale (concernant les Etats-Unis, l’UE, les relations entre la Russie et l’Europe centrale), les conséquences présumées de la mondialisation, et le rôle international possible de la Hongrie. Il présente en outre trois priorités stratégiques, trois objectifs principaux à atteindre à moyen et long terme : une Hongrie compétitive en Europe ; une place importante en Europe centrale; la garantie d’acquis fondamentaux : le droit, la sécurité, la démocratie et le développement.
Comme l’écrivait récemment Kinga Göncz, ministre des affaires étrangères, dans Figyelô, dans l’énoncé de cette stratégie a été choisie l’expression «relations internationales» (külkapcsolati) plutôt que «politique extérieure» (külpolitikai), car «il faut comprendre qu’il n’existe pas une politique extérieure indépendante de celle de l’économie, de l’environnement, de l’énergie, de la migration». C’est-à-dire qu’il faut parler de l’ensemble des relations internationales de l’Etat. C’est pourquoi le gouvernement a souhaité soumettre ce document à un débat de fond. Ainsi, les opinions et propositions parues notamment dans les hebdomadaires Figyelô et Heti Válasz au cours des derniers mois vont-elles probablement modifier le contenu et le texte de cette stratégie.
C’est Péter Balázs qui a entamé la discussion dans les colonnes du Figyelô. Premier commissaire européen de la Hongrie, il a en outre participé au développement du texte en tant que membre du Comité consultatif du ministre et estime que les valeurs et les objectifs présentés par le document peuvent être acceptés par la plupart des Hongrois. Balázs remarque que La Stratégie contient beaucoup de priorités, mais en même temps beaucoup de conditions. «Il y a beaucoup d’exigences et peu d’actions. Par exemple dans la partie concernant la situation de l’Union européenne, on croise le verbe “devoir” sept fois, et, ce, seulement dans le premier alinéa.»
Bien que la création et les intentions de cette Stratégie soient sympathiques à ses yeux, le sociologue István Hegedûs souligne également le manque d’aspects concrets. Ainsi, selon le président d’une organisation civile, la Société européenne de Hongrie (Magyarországi Európa Társaság) : «La Stratégie ne répond pas à la question légitime “Que faire ?”. Les créateurs de ce document n’ont pas osé étudier profondément les problèmes et les dilemmes du pays et n’ont pas osé jeter sur le papier un plan d’action concret».
En lisant les commentaires des anciens ministres des affaires étrangères (de droite), on peut rencontrer en général beaucoup plus de critiques que d’éloges et d’encouragements. «Le document fourmille de lieux communs, de constatations vagues et insignifiantes», écrit János Martonyi, ministre des affaires étrangères du gouvernement Orbán entre 1998 et 2002. «La Stratégie reflète une situation d’autrefois, elle ne s’occupe pas des difficultés présumées de l’avenir». Selon Martonyi, le plus grand problème c’est que depuis quelques années la politique extérieure est déterminée par les improvisations du Premier ministre et par les intérêts actuels de politique intérieure, et il lui semble que cette Stratégie ne change pas cette pratique.
Un autre ancien ministre, Géza Jeszenszky, critique plus fermement encore ce document. Le ministre des affaires étrangères du gouvernement Antall déclare dans Heti Válasz que «bien que La Stratégie ne contienne pas de propositions inacceptables, on ne peut pas y trouver d’idées originales. Ce document ne répond pas du tout aux dilemmes actuels de la Hongrie. Quelques étudiants d’université auraient pu élaborer une bien meilleure stratégie».
Sur la base des différents commentaires, on peut constater que tout le monde tombe d’accord sur un point au moins : la Hongrie a besoin d’une stratégie de longue haleine en matière de politique extérieure, mais le contenu du document doit être encore modifié et concrétisé pour que La Stratégie établisse un véritable consensus. Kinga Göncz promet qu’elle proposera au gouvernement et aux comités compétents du Parlement une Stratégie qui reflète les opinions lues et entendues au cours des derniers mois.
Szabolcs Dull