Que de temps perdu!
BKV contre Alstom
La quatrième ligne du métro de Budapest est un projet qui a longuement retenu l’attention de l’opinion publique et a été également l'objet de débats mouvementés au sein du Parlement hongrois. C’est sous la houlette du Parti Socialiste que l’idée émergea et que le choix du fournisseur des rames de métro fut établi.
Entre temps, il a fallu s’attaquer au design du métro qui fut en fin de compte choisi par les habitants de Budapest. Le choix se fit par vote électronique et les budapestois privilégièrent un modèle inspiré du métro du Millenium, le premier métro électrifié d’Europe continentale, inauguré en 1986 à Budapest. Il fallut après cela entamer les négociations avec le futur fournisseur des rames qui n’était autre qu’Alstom Transport. C’est la BKV, opérateur des transports publics de Budapest, qui fut le meneur de jeu et qui choisit le „Budapest Metropolis Consortium” représenté par Alstom, dont le leadership mondial dans la fabrication de métros n'est plus à démontrer. Les données sont là pour le confirmer: 6 milliards de passagers empruntent un métro Alstom chaque année, 1 métro sur 4 dans le monde est construit par Alstom, plus de 40 villes dans le monde ont choisi ce constructeur qui capitalise plus de 70 ans d’expérience dans la conception et la fabrication de métros, avec plus de 26 000 salariés.
C’est ainsi que la Hongrie, par le biais de la BKV, conclua avec Alstom un contrat pour la livraison de 170 rames de métro de type Metropolis (fabriquées sur le site Alstom de Katowice, Pologne) : 110 destinées au remplacement des rames actuelles de la ligne M2 et 60 affectées à la nouvelle ligne M4. L’accord avec Alstom comprend aussi une garantie de maintenance des véhicules sur une période de trois ans et une option pour 28 rames supplémentaires. Le contrat fut signé en mai 2006 et la valeur totale de la commande s'éleva à 247 millions d’euros.
Premiers faux pas
Rien ne présageait un quelconque faux pas, ni financier ni technique, qui pourrait engendrer d'éventuels retards dans la livraison ou dans la réalisation du contrat de manière générale. D’ailleurs, pour István Kocsis, PDG de la BKV, sa compagnie avait payé une avance de 30 milliards de forints (110 millions d’euros) pour que les premières rames soient livrées en 2008 et que les essais puissent se faire en temps opportun. Malheureusement, le premier faux pas d’Alstom fut constaté en 2009 lorsqu'il livra avec presqu'un an de retard sur les prévisions les 22 premières rames et que, en outre, les essais révélèrent des problèmes de freinage. Prenant compte ces différents aspects défectueux, la commission technique refusa systématiquement d’octroyer à l’entreprise Alstom les permis nécessaires qui permettent de garantir la conformité des rames avec la réglementation hongroise.
La Hongrie résilie le contrat
La BKV annonça le 26 octobre 2010 qu’elle rompait définitivement son contrat avec le constructeur français, justifiant sa décision par plusieurs raisons : problèmes d’ordre technique, non respect des clauses du contrat par Alstom qui a généré des retards dans les livraisons de rames, attente trop longue pour la Société des Transports Publics de Budapest,... « Alstom n’a pas réussi à se conformer aux exigences de notre contrat et par conséquent nous n’avions pas d’autres choix que la résiliation de ce contrat » a ainsi déclaré la BKV dans un communiqué. « Le système de freinage utilisé par Alstom ne convient pas aux standards hongrois et n’est pas conforme à la réglementation hongroise. Par ailleurs, Alstom n’a pas pu prouver que ce système était sûr» a ajouté l’Autorité nationale des transports, la NHK. Il est à signaler que le 30 juillet 2010, la NHK avait déjà refusé une première fois les trains d’Alstom.
La BKV renvoie les rames et exige des pénalités
La première action de la BKV à l’encontre d’Alstom fut de récupérer la garantie bancaire de 108 millions d’euros qu'elle avait versée et d'exiger du constructeur français le paiement de pénalités en raison d’un retard évalué entre 3 et 5 ans. Le paiement de ces pénalités obligent désormais BKV à se concentrer sur la rénovation d'anciens trains soviétiques dépassant largement les 30 années de vie, dont le prix s'élève tout de même à 3 milliards de forints (11 millions d’euros).
L'entreprise Alstom, de son côté, s'est montrée choquée de l’attitude de ses partenaires hongrois qui ont retiré toutes les rames des dépôts de la BKV et ont exigé, sur le fondement de l’expertise de la NHK, le remboursement de l’avance de 30 milliards de forints effectuée en 2008.
Le Tribunal de Nanterre a jugé l'affaire en décembre 2010 et a rejeté la demande de la BKV. Les deux parties se retrouvent par conséquent dans une impasse où la BKV, en pleine faillite, persiste à réclamer ses 30 milliards de forints et conteste la décision du Tribunal. La BKV a en effet formé un pourvoi en cassation. Quant au métro et à son avenir, l’attente se poursuit et pour l'instant les habitants de Budapest doivent se contenter des vieilles rames de métro soviétiques rénovées.
Hamid Hammad
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