Que cache l’innovation financière?

Que cache l’innovation financière?

Conférence sur la crise économique, suite...

Le 3e volet du cycle de conférences sur la crise économique organisé par l’institut français aura pour thème «Que cache l’innovation financière?» et sera animé par le professeur Bernard Guerrien, docteur en mathématiques et en sciences économiques et Maître de conférences à l’université Paris I.

 

 

Une origine systémique amplifiée par l’innovation financière

Pour cet éminent partisan de l’hétérodoxie, l’origine de la crise se situe dans la surproduction inhérente au capitalisme. D’une façon très simplifiée, les couches les plus aisées de la population prêtent l’excédent de leurs revenus aux populations aux moyens plus limités afin d’écouler cette surproduction. Si ce système a fonctionné depuis des décennies, l’innovation financière a amplifié ce phénomène. En effet, les banques ont eu comme objectif de déplacer le risque du créancier de départ vers d’autres spéculateurs en pratiquant la titrisation par le regroupement de créances de nature similaires. Partant du principe que tous les débiteurs ne sont pas en cessation de paiement en même temps, le produit financier protège du risque et les banques peuvent concourir à éponger la surproduction immobilière en permettant à presque tous de vivre à crédit quelque soit leur situation financière. Utilisant des analyses de l’économie quantitative et prétendant s’appuyer sur des «techniques financières», notamment mathématiques, les banques ont oublié le facteur humain selon lequel les investisseurs ont tendance à orienter leurs décisions en se fondant principalement sur le comportement de leurs pairs plutôt que sur l’étude des fondamentaux, rendus de toute façon très difficile par la complexité des produits financiers. Cette qualification de "produit" pour des contrats et titres s'inscrit par ailleurs dans une volonté d’utiliser des marchés sans régulation ni contrôle. Or il s'est avéré depuis quelques mois qu'une très large part de ces produits était "toxiques", que les affirmations concernant le niveau des risques étaient inexactes et que celles concernant les techniques de protection étaient trompeuses. Les banques n’avaient pas prévu une situation où l’ensemble des ménages américains ne pourraient plus faire face au service de leur dette. La crise des subprimes commençait alors et l’économie réelle rejoignait l’économie virtuelle, la récession s’installait…

 

Passage de la récession à la dépression par l’action des "effets pervers de la main invisible"

Le professeur Bernard Guerrien voit dans le passage de la récession actuelle à une dépression la résultante de trois effets pervers de "la main invisible" du marché. Le premier effet touche les consommateurs qui tentent vainement de réduire leur endettement au profit d’une épargne plus importante. Leurs revenus baissant parallèlement (baisse des rémunérations du travail et du capital), leurs efforts pour renforcer leur épargne sont inefficaces. Cet effet pervers a été particulièrement fort en Hongrie du fait d’un endettement en devises très important qui a fait exploser les remboursements d’emprunts des particuliers comme des entreprises.

Second effet, la volonté de chacun de se débarrasser d’une partie importante de ses titres pour augmenter sa solvabilité. Là encore la Hongrie en tant que pays émergeant et en grande difficulté financière a subi des désengagements massifs des investisseurs provoquant l’effondrement du forint et des cours de la bourse de Budapest. Ainsi en voulant augmenter leur solvabilité les investisseurs sont parvenus au résultat complètement opposé, asphyxiant progressivement le crédit.

Enfin le dernier effet survient lorsque les entreprises, afin de conserver leur marché, baissent leur prix ce qui par une spirale à tendance déflationniste augmente le poids de la dette et diffère les achats (c'est le cas avec la chute des transactions immobilières).

Ainsi pour lutter contre ces effets malveillants qui risquent d’aboutir à une crise incontrôlée, une intervention étatique est devenue indispensable puisque la "main invisible" qui était censé réguler les marchés semble vouloir tout détruire. Les Etats doivent accepter de remplacer l’investissement et donc la dette privée, désormais en panne, par une dette publique plus forte afin de maintenir autant que possible l’économie réelle à flots et de limiter la casse sociale. Pour autant et parallèlement il faudra bien finir par repenser la finance internationale. Mais les Etats-Unis, à l’origine de cet effondrement, sauront-ils dépasser leur logique ultralibérale pour accoucher d’un autre système plus réel?

Frédéric Humbert

 

Conférence donnée lé 3 avril à 18h à l’Institut Français

(Ier arrt. Fô utca 17)

Programme sur du cycle de conférence sur www.ambafrance.hu

 

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