Propriétaire ou à la rue

Propriétaire ou à la rue

Aperçu sur la situation immobilière hongroise

 

Le logement, outre qu’il offre un foyer, est devenu un bien à valeur commerciale non négligeable. C’est encore plus vrai dans les pays d’Europe centrale et orientale où l’Etat s’est plus récemment retiré de la fourniture directe de logements et ainsi de son rôle de pourvoyeur de logements. La libéralisation – probablement inévitable, mais certainement trop brutale – menée en Hongrie n’a pas été sans conséquence sur la situation du parc immobilier.

Si celle-ci a en grande partie contribué à ce que 94% des logements soient occupés par leurs propriétaires, elle a aussi empêché qu’une spéculation féroce et une population importante de sans-logements ne se développent. La Hongrie est en effet connue pour être un des terrains de jeux favoris des investisseurs étrangers soucieux de gains à court terme. Ils ont un statut spécifique leur permettant de déduire des taxes les travaux de rénovation ou de réparation, le montant de l’assurance, l’intérêt de l’éventuel prêt, le prix de certains voyages, etc... A cela s’ajoute, l’avantage que constitue la création d’une société (coût : 600 euros), de type SARL française, pour effectuer l’achat d’un bien immobilier. Cette technique juridique permet à l’acquéreur de faire passer le taux de la taxe sur la plus-value de 20 à 16%. Ce régime montre la conception qu’ont eu et qu’ont les pouvoirs publics de la place du logement dans la société. Plus un bien économique qu’un foyer, plus facile d’accès pour une société commerciale que pour un individu, plus destiné aux investisseurs qu’aux demandeurs en difficulté, le logement a permis à une caste de spéculateurs de faire ses choux gras. A la spéculation s’ajoute la part trop importante de personnes n’ayant pas accès à un logement. La mission de « fourniture d’un logement aux personnes à faibles revenus et aux groupes sociaux vulnérables » (définition du logement social en Hongrie) apparaît anormalement sous-développée. Seulement 165 360 logements de ce type existent en Hongrie, c’est-à-dire 4% du parc total, 48% du parc locatif, ou encore 16 logements pour 1000 habitants. C’est en dressant ce constat alarmant que Bruxelles a conseillé au gouvernement hongrois de développer une offre privée de logement social, de soutenir les communes, de promouvoir l’accès à la propriété, ainsi que de réhabiliter d’anciens logements publics privatisés en copropriété. Tout cela, pour régler l’insuffisance de l’offre locative abordable. Bien que la question du logement social devrait être centrale en Hongrie, ce sont les problèmes suscités par les crédits en devises étrangères pour l’achat de biens immobiliers qui occupent le premier plan dans le débat sur le logement.

Les crédits en devises étrangères

Un plan de sauvetage aux surendettés (« Otthonmentés » : sauvetage de la maison) a été voté le 20 juin pour venir en aide aux personnes ayant subi les affres plus ou moins violentes de la dépréciation du forint par rapport au Franc suisse qui a eu pour conséquence de rendre impossible le remboursement du crédit dans les cas les plus critiques. Le gouvernement a décidé de fixer le taux de change forint/Franc suisse à 180, le forint/euro à 250 et le forint/yen à 200 jusqu’à fin 2014. Sauf si le cours du Franc suisse venait à baisser, cette décision est défavorable aux débiteurs, d’autant plus que le surplus par rapport au taux fixé devra être payé en 2015. Si un débiteur souscrit au plan de sauvetage, car celui-ci n’est pas obligatoire, il aura en quelque sorte non plus un crédit à rembourser mais deux : celui au taux fixé et plus tard le surplus. Le taux fixé pour le débiteur débouche sur une perte sèche de 20% pour le débiteur. Certains analystes sont même allés jusqu’à dire que ce taux fixe pourrait à terme, au vue des prévisions sur l’évolution des cours, augmenter le montant total à rembourser d’un tiers. En bref, une véritable catastrophe pour les débiteurs, et surtout pour les plus démunis. En effet, ce sont ces derniers qui ont cru voir en ces crédits en devises étrangères la possibilité d’acquérir enfin un logement. Les autres ont plus vu dans ces crédits le moyen d’acquérir une résidence secondaire, ou encore une opportunité de spéculation. Ils sont perdants, mais n’auront pas à souffrir sérieusement des conséquences du crédit. D’après le gouvernement, c’est précisément pour éviter que les banques ne contraignent les débiteurs défectueux à quitter leur logement et ainsi se retrouver dans la rue que le plan a été voté. Le slogan du Fidesz est donc devenu : « les banques ne jetteront personne dans la rue ». Sur ce point, le moratoire sur l’expulsion est maintenu jusqu’au premier octobre pour les personnes ayant contracté un crédit inférieur à 20 millions de forints actuels. Les autres peuvent être expulsés. En repoussant l’échéance de la fin du moratoire, le gouvernement n’apporte pas de réponse au problème qui se posera peut-être lorsque les débiteurs, dans leur immense majorité, seront les victimes de l’impatience des banques. Comment croire en la sincérité du gouvernement quand le droit au logement n’est pas consacré par la nouvelle Loi fondamentale ?

Yann Caspar

 

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