Promotion des valeurs conservatrices

Promotion des valeurs conservatrices

La famille est un sujet prioritaire du gouvernement Fidesz-KDNP. Il souhaite inverser les tendances démographiques négatives avec cette stratégie. Cependant plusieurs mesures franchissent certaines limites en s’introduisant dans la vie privée des Hongrois.

«Je comprends bien que tu n'es pas encore prête pour moi…mais alors donne moi au service d’adoption, laisse moi vivre !», c’est le slogan que vous pouvez lire accompagnant l’image d’un foetus sur l’affiche de la campagne lancée par le ministère des Ressources Nationales. Le gouvernement souhaite ainsi diminuer le nombre d’interruptions volontaires de grossesse (IVG), puisque que comme l’a précisé le secrétaire d’État aux affaires sociales, Miklós Soltész „les Hongrois ne sont pas encore prêts à bânir complètement la question de l’avortement.” Un hongrois sur deux reconnaît que le foetus est un être vivant dès sa conception, toutefois la majorité des citoyens hongrois ne souhaitent pas qu’une loi plus stricte soit adoptée sur l’avortement. Cela constituerait à leurs yeux une entrave à un choix personnel – a révélé un sondage récent de l’Institut de recherche Szinapszis. L’organisation civile Patent, qui défend les droits des femmes, a déclaré que cette campagne est populiste, et vise à culpabiliser les femmes. Elle a ajouté que le gouvernement devrait d’abord renforcer la prévention par l’éducation sexuelle à l’école au lieu de dépenser les aides de l’Union européenne dans ce type de campagne.

Une autre campagne, lancée peu de temps avant cette dernière, porte quant à elle le slogan: «Équilibre familial + équilibre au travail = équilibre dans le monde». Le message du gouvernement là aussi est clair : le choix d’une vie privée et familiale équilibrée, qui va de pair avec un bien être professionnel, permet de résoudre la crise démographique européenne.

Priorité nationale et européenne

La famille est un sujet prioritaire pour le gouvernement Orbán, élu il y un an, mais aussi pour la présidence européenne hongroise qui a annoncé lors de la réunion ministérielle sur la démographie et la famille européenne, en avril dernier, que 2014 serait l’année de la famille en Europe. „Nos systèmes politiques n’ont pas favorisé jusqu’ici l’équilibre nécessaire entre vie de famille et travail, alors que le famille constitue une force fondamentale pour l’Europe. Il faut résoudre la question du déclin de la population. La Hongrie travaille à renforcer les bonnes pratiques au sein de l’Union européenne” – a déclaré le Premier Ministre, Viktor Orbán, lors de cette réunion.

Une reprise de la natalité devient urgente pour la Hongrie, un des huits pays-membres de l’UE où la population baisse de manière constante depuis 30 ans. En effet, alors que l’année 1970 a vu plus de 190 000 naissances en Hongrie, pour 2011 seulement 90 000 bébés devraient venir au monde. Parallèlement, la proportion des seniors augmente de façon continue. On peut donc légitimement se demander comment seront financées les retraites des générations futures. 

Pour relancer la natalité et conforter sa politique familiale, le gouvernement a mis en place un abattement sur l’impôt sur le revenu pour les foyers qui ont un ou plusieurs enfants, mais significatif à partir du 3ème enfant. Il a également augmenté à nouveau la durée de l’allocation pour congé maternité à trois ans, réduit à deux ans lors du gouvernement Bajnai. L’opposition s’interroge sur la portée de telles mesures. Le député socaliste, Zsolt Török, a rappelé, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue à l’occasion des journées dédiées aux enfants, que le gouvernement Orbán avait bloqué l’indexation des allocation familiales sur l’inflation. Il a indiqué que les mesures fiscales profitent aux familles les plus aisées et ne présentent pas d’avantages pour les couples qui disposent d’un salaire moyen ou bas.

La nouvelle Constitution accorde également un statut privilégié à la famille. Elle met en avant l’institution du mariage qui est, selon les termes utilisés, la source du développement économique et social de la nation, ou autrement dit la « survie » du pays, c’est ce qu’indiquent les premières lignes de ce texte. Plusieurs organisations civiles internationales, comme Amnesty International, contestent certains articles, reflet de valeurs conservatrices, inspirées du catholicisme. Une des clauses de la constitution implique par exemple l’exclusion des couples homosexuels et de leurs enfants de la notion de famille : «la Hongrie protège l'institution du mariage, qui résulte de l'union volontaire entre un homme et une femme, et la famille qui constitue la clé de voûte de la survie de la nation». La nouvelle Constitution revient également sur le droit à l'avortement, jusqu'ici très largement toléré en Hongrie, en stipulant que «depuis sa conception, la vie mérite d'être protégée comme un droit humain fondamental», et en ajoutant que «la vie et la dignité humaine sont inviolables». L’interprétation de cette clause pourrait aller à l’encontre de l’avortement.

Volonté de stabilité

La majorité des couples hongrois désire aujourd’hui avoir au moins deux enfants, voire plus. Ils changent toutefois d’avis lorsqu’ils fondent leur famille, au vu des contraintes que cela implique. Finalement le nombre d’enfants par famille (1,3) en Hongrie est plus bas que la moyenne européenne (1,45). Les spécialistes expliquent cette tendance d’une part par les changements fréquents en matière de politiques familiales (allocations), et d’autre part en raison de l’insécurité de l’emploi qui règne actuellement en Hongrie et le manque de travail à temps partiel pour les femmes. D’après la directrice du bureau des statiques nationaux (KSH), Gabriella Vukovich, une des clés pourqui permettrait d’inverser la tendance démographique négative est la capacité du gouvernement à mener une politique de la famille complexe et stable à la fois pendant une période de temps significative. Pour soutenir cette thèse, elle s’appuie sur l’exemple français qui présente les mêmes caractéristiques de base en matière de politique familiale depuis 65 ans.

Judit Zeisler

 

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