Projets suspendus

Projets suspendus

En Hongrie de nombreux projets de constructions et d’investissements immobiliers ont dû être suspendus à cause de la crise économique, mais pas seulement. C’est bien souvent le financement qui pose problème. Le slogan est bien connu: “c’est ainsi que bâtissent les Hongrois”. En voici quelques exemples.

Le Balaton Ring

Un rêve hongrois semble se disperser: les passionnés de moto rêvaient depuis des années de voir la Hongrie dotée d’une piste professionnelle pouvant organiser des Grands Prix. Un investisseur espagnol s'est même présenté pour assurer le financement du projet. La construction de la piste a été lancée en novembre 2008 pour un coût total de 80 millions d’euros. Mais, selon le projet originel, la piste aurait dû être terminée pour septembre 2009 et le premier Grand Prix aurait dû être organisé dès l'automne 2009. Les travaux auraient dû durer de 8 à 10 mois et devaient donner du travail à 800 personnes.

Quand elle verra finalement le jour, la piste, d'une longueur de 4650 m, permettra d'atteindre une vitesse de plus de 300 km/h sur la dernière ligne droite. Elle aura une capacité d’accueil de 100 000 spectateurs et des Grands Prix pourront être diffusés dans quelque 200 pays. Outre les Grands Prix de moto, d’autres types de compétitions et des tests de voitures et de motos pourront y être organisés.

Mais il est désormais certain que la piste ne sera pas prête à temps et, par conséquent, le Grand Prix hongrois ne pourra pas y être organisé. La société espagnole se défend en évoquant la crise économique qui a causé le ralentissement et l’arrêt temporaire des travaux. Le ministre des sports hongrois propose d’organiser le Grand Prix hongrois de moto sur le Hungaroring, où se déroule le Grand Prix de Formule 1. Des négociations à ce propos sont en cours. Si le Grand Prix hongrois figure encore dans le calendrier des compétitions prévues pour cette année, il n’est pourtant pas certain que les organisateurs acceptent ce changement de lieu.

L'île Hajógyári

En 2004 un important contrat a été signé entre la ville de Budapest et un investisseur immobilier israélien. Le projet a reçu le nom d'Álomsziget (Ile des rêves) et le lieu privilégié du projet était l'île Hajógyári qui, depuis des années, connaît une réputation internationale notamment grâce au festival Sziget qui y est organisé chaque été. Ce projet multifonctionnel, établi pour un budget de 1,5 milliards d'euros, comprend la construction d'hôtels de 3-4 étoiles d'une capacité d'accueil de 3 000 chambres (160 000 m2) et d’un ensemble d'appartements (75 000 m2). La vedette des attractions est le casino (35 000 m2), sans oublier un centre de conférence et d'exposition (25 000 m2). Un espace commercial (15 000 m2) sera par ailleurs réservé aux commerces et comprendra des salles d'exposition, des boutiques de prêt-à-porter haut de gamme, des restaurants, des bars et des discotèques. Sur un espace de 32 hectares, un parking, pouvant accueillir 5 000 voitures, et un port, d'une capacité d'accueil de 300 yachts, seront réalisés.

Tout cela est bien beau mais, depuis 2004, ce gigantesque projet n'avance guère. Il y a quelques semaines, les autorités locales ont effectué une analyse d'impact afin d'examiner les effets du projet sur l'environnement et la qualité de l'eau. Mais outre ce petit pas, rien de concret n'a été réalisé depuis des années. La question se pose: pourquoi ?

Pécs – Capitale culturelle de l’Europe en 2010

Par sa situation géographique et son métissage de cultures, de langues et de religions, Pécs incarne le message d'ouverture vers les Balkans que l'UE souhaite envoyer. András Mészáros, directeur du projet, précise que «lorsque la Hongrie a été choisie par l'UE pour désigner une capitale culturelle européenne en 2010, Pécs s'est très vite imposée comme une évidence». Malgré sa taille moyenne et sa faible popularité en Europe, Pécs compte jouer sur son régionalisme et ses atouts de “ville sans frontières” pour s'affirmer à côté d'Istanbul et de Essen, les deux autres capitales culturelles de l'Europe en 2010.

Avec 138,4 millions d'euros, le budget estimé de Pécs 2010 est colossal pour une ville hongroise de province. 85% de cette somme est assurée par l'Union européenne et comprend une partie des fonds alloués au “programme de développement du sud transdanubien”. Etaient prévus des hôtels, des édifices, une bibliothèque régionale, des auditoriums et un palais des congrès à l'acoustique ultramoderne et qui serviraient bien au-delà de l'événement (à lui seul, ce projet du palais des congrès coûte plus de 6 milliards de HUF). Plus de 6 milliards de HUF ont par ailleurs été investis pour la rénovation et la construction de parcs publics. La bien-nommée rue des musées, en plein centre, aurait dû être reconstruite avec des passages pour piétons inspirés des zebras de Vasarely pour un budget de 1,4 milliards de HUF. Quant à l'ancienne usine Zsolnai, elle aurait dû être réhabilitée en un gigantesque centre culturel pour la somme de 9 milliards de HUF. Pour rendre Pécs plus accessible, l'autouroute M3 aurait dû être construite et la piste d'atterrissage de l'aéroport régional allongée, afin d'accueillir davantage de compagnies aériennes, notamment les low cost. Enfin, au moins trois hôtels de trois à quatre étoiles auraient dû être construits à proximité du centre-ville, car Pécs n'a pas actuellement un parc hôtelier digne d'une capitale culturelle européenne. L'UE subventionne ces projets à hauteur de 20 milliards de HUF, une somme qui couvre uniquement les coûts des constructions et non pas le coûts de fonctionnement.

Pourtant, en observant l’état des préparatifs engagés par la ville de Pécs en vue de cet événement, il y a vraiment lieu de s'inquiéter. Une chose est sûre: nous ne pouvons pas nous y réjouir de la vue de nouveaux bâtiments. Tout ce que l’on peut voir, ce sont des excavations partout. On se pose immédiatement la question: est-ce encore un effet de la crise financière mondiale ou est-ce une caractéristique de la mentalité hongroise? Il s’agit très certainement d’une combinaison des deux. On ne peut pas nier l’existence d’une crise, mais examinons un peu ce qui se cache derrière cette situation. «Une partie de la gestion du projet et des fonds fait partie d'un contrat entre la ville de Pécs et le gouvernement» a déclaré András Mészáros, le directeur du projet. Selon lui la centralisation à Budapest est une grande partie du problème. «Je comprends la volonté de contrôle du gouvernement, précise-t-il, mais il ne s'agit pas que d'un projet de la ville de Pécs, mais aussi un projet national. De plus, nous souffrons actuellement d'un certain désintérêt de la part des médias nationaux». A propos des influences locales qui pourraient brouiller le contrôle des opérations financières, il est très clair: «pour être viable auprès de l'UE et du gouvernement hongrois, le projet doit avant tout être d'une transparence irréprochable dans la gestion des fonds. Le respect des lois et des procédures, que ce soit vis à vis de l'UE ou vis à vis des Hongrois, est un point sur lequel je ne transigerai pas». A la lecture de ces propos, et sans connaître en profondeur les détails de l'affaire, une chose est claire: les dirigeants de la ville ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les projets et surtout sur leur financement. Un partenariat délicat avec le gouvernement et un manque de couverture médiatique ralentissent la construction. Or elle est tellement ralentie qu’elle a même été abandonnée faute de temps et d’accord. Ce qui peut sauver l’événement et corriger les dégâts causés par la politique et le monde des affaires: la culture elle-même, les artistes et les personnalités locales de la culture, ainsi que les programmes culturels et artistiques. Et une chose est certaine: ils ne nous décevront pas!

Bálint Seres

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