Prévisions politiques
Petit tour de l’horizon 2010
Si jusqu’à présent seuls les partis socialiste (MSZP) et Jobbik ont présenté leur programme officiel, les déclarations de plusieurs responsables des autres partis poltiques, en particulier du Fidesz, permettent d’avoir une idée des tendances de la campagne électorale qui dominera l’actualité politique du pays jusqu’aux élections législatives du mois d’avril.
Sauver ce qui peut encore l’être: la campagne du parti socialiste
Le MSZP, vainqueur des élections législatives en 2002 et 2006, devra mener une vaste campagne s’il veut tenter de minimiser l’ampleur de son échec annoncé cette année. La désignation, en novembre dernier, d’Attila Mesterházy (lire son portrait dans le JFB n° 304) et l’adoption d’un programme officiel le 12 décembre s’inscrivent dans cette logique: le parti n’a pas de temps à perdre.
Quatre priorités caractérisent leur programme: l’exigeance d’une protection contre les nouvelles inégalités dans l’économie, la nécessité de créer de nouveaux emplois, l’urgence de donner aux minorités du pays la possibilité de s’intégrer dans la société et le renforcement de l’Etat afin qu’il puisse s’adapter aux besoins des citoyens.
Confronté à une impopularité historique, le parti socialiste cherche à se redéfinir en se distinguant de la droite, qu’il considère comme un camp anti-démocratique, irresponsable et même dangereux du point de vue des habitants les plus pauvres du pays. De manière assez contradictoire, il martèle en même temps la nécessité de former un consensus avec les autres forces politiques.
La tâche sera toutefois malaisée pour son candidat au poste de Premier Ministre. Coincé entre Viktor Orbán, la deuxième personnalité politique préférée des Hongrois (après le président de la République László Sólyom), et Lajos Bokros, économiste de grande expérience, qui représentera le MDF, la course à la popularité s’annonce en effet très difficile pour Attila Mesterházy.
La stratégie de la prudence: le programme du Fidesz se fait attendre
Si l’on en croit les prévisions, le Fidesz, principal parti d’opposition, remportera les élections législatives haut la main. Or le parti se garde de dévoiler son programme. Il a déclaré vouloir attendre que László Sólyom fixe les dates des élections législatives pour le présenter.
Depuis l’affaire Suez à Pécs, dans laquelle le maire Zsolt Páva (Fidesz) a décidé de reprendre en main la distribution de l’eau dans la ville, les pricipales interrogations sur la future politique du Fidesz concernent leur stratégie vis-à-vis des investisseurs étrangers. Selon les informations de l’hebdomadaire Figyelô, le parti serait en train d’élaborer un projet de loi visant à imposer une réglementation plus stricte sur les sociétés étrangères présentes dans les secteurs stratégiques et à garantir la surveillance de leur activité par les mairies. Le fait de chercher à repenser les contrats de privatisation est un sujet important en Hongrie, la participation des entreprises étrangères dans certains secteurs stratégiques étant proche de 100%. Or l’Etat hongrois, qui, au moment du changement de régime, a dû faire face à une dette publique très élevée et au manque de financement de ses entreprises publiques, avait alors conclu des contrats qui ne sont plus avantageux pour lui aujourd’hui.
L’autre grande interrogation autour du Fidesz concerne ses intentions de changer les règles du jeu politique. Etant donné la grande popularité du parti, il n’est pas exclu que le Fidesz gagne une majorité de 2/3 au Parlement. Une majorité symbolique qui lui permettrait de modifier la Constitution du pays et les lois dites fondamentales, comme celle portant sur les médias, sur les collectivités locales ou encore sur la répartition du pouvoir entre le Président de la République et le Premier Ministre. Les partis MSZP et SZDSZ craignent notamment que le Fidesz ne cherche à établir un nouveau système politique, dans lequel le Président du pays, élu par la majorité de droite au Parlement, ait beaucoup plus de pouvoir que dans le système parlementaire actuel.
“Nouvelle force, nouveau radicalisme”: les priorités du Jobbik
Très confiant quant au résultat qu’il obtiendra lors des élections législatives, le parti nationaliste Jobbik présente un programme radical et cohérent sous le slogan “Nouvelle force, nouveau radicalisme”. Le Jobbik chercherait à former un nouveau modèle économique, basé sur l’agriculture. Il propose ainsi de réorganiser ce secteur en mettant fin aux achats fonciers par les étrangers et en réintroduisant le principe des collectivités afin de rendre l’agriculture hongroise plus compétitive sur le marché international. Cet aspect du programme du Jobbik figure parmi les propositions les plus populaires auprès des agriculteurs qui sont les grands perdants du changement de régime. Au moment de la nouvelle privatisation des terres en 1990, ils ont certes pu récupérer leurs propriétés foncières, mais la plupart d’entre eux n’ayant pas eu les moyens d’acheter de grands territoires, ils ne possèdent en général que quelques hectares, ce qui ne leur permet pas de produire de manière rentable.
Le Jobbik propose des solutions tout aussi radicales aux tensions sociales du pays en prenant, dit-il, les problèmes à leur racine. Il réorganiserait l’éducation des citoyens en introduisant la morale et la religion en tant que matière obligatoire dans les écoles primaires. A travers la création d’une gendarmerie censée éradiquer les crimes commis par les Tziganes, ils garantiraient ainsi une protection aux citoyens “décents”. Dans la situation actuelle du pays, où de plus en plus d’habitants stigmatisent la minorité Rrome, la campagne du Jobbik sera sans doute très populaire dans certaines couches de la société.
Du conservatisme des années 1990 aux idées libérales: le nouveau visage du MDF
Pour le parti MDF, la campagne électorale sera l’occasion de se forger une nouvelle identité. Le parti semble s’éloigner des valeurs traditionnelles qu’il cherchait à incarner jusqu’au printemps dernier lorsque Ibolya Dávid a désigné Lajos Bokros, ancien ministre des finances, en tête de liste du parti pour les élections européennes. Depuis, les membres du parti se sont réconciliés avec ce changement de cap (à l’exception de quelques députés qui ont préféré quitter le MDF) et ont désigné Lajos Bokros comme leur candidat au poste de Premier Ministre. Suite à ce choix, le parti n’aura probablement pas de peine à élaborer un programme, celui de Bokros contenant déjà des propositions très précises: redressement des finances publiques par la diminution des dépenses de l’Etat, introduction des frais médicaux et universitaires afin de lancer de véritables réformes structurelles, etc. La grande question de cette campagne sera de savoir si le MDF est capable de gagner la sympathie des électeurs libéraux et de former un groupe parlementaire en avril prochain.
Anna Bajusz