Pour sa saison 2017-2018, l’Orchestre du Festival de Budapest (BFZ) se diversifie davantage encore
S’il est un mot dont le chef Iván Fischer et les membres de son orchestre ne veulent à aucun prix entendre parler, c’est bien celui de routine. Bien au contraire, loin de se reposer sur leurs lauriers et de se contenter d’activités déjà bien variées, Fischer et ses musiciens réfléchissent sans cesse à élargir davantage encore la palette de leurs prestations. Telle, par exemple, la création au sein de l’Orchestre d’un ensemble baroque, dont quatre des membres nous interprétèrent, pour ouvrir la conférence de presse, une sonate de Telemann sur instruments anciens.
Qualifiant son orchestre de „plus beau pont de Budapest”, Iván Fischer rappela le lien étroit, le „pont”, que sa formation et lui-même s’emploient à tisser entre la Hongrie et l’Europe, entre les hommes, entre les hommes et la musique, entre l’Orchestre et son public. Pour ce faire, on connaît déjà les multiples activités déployées par la formation pour aller porter la musique aux tout jeunes („Concerts cacao”), aux enfants autistes, aux jeunes des discos („Midnight music”), aux familles (Pique-niques musicaux) ou encore aux plus âgés (maisons de retraite); également sur les différents lieux de culte (synagogues, temples, églises). Et la liste ne s’arrête pas là. Avec, pour cette saison, l’ouverture sur 25 écoles pour présenter la musique aux enfants. Une opération qui remporte toujours un vif succès: leur invitation à venir en salle de répétition où leur sont présentés les instruments qu’ils sont invités à essayer. Une façon ludique de les ouvrir au monde de la musique, de développer leur créativité, partant de favoriser indirectement une meilleure intégration dans la société. 500 enfants en auront profité.
Lors de la saison 2017-2018, seront ainsi montées trois semaines dites „des Communautés” (Közösségi Hetek) au cours desquelles des membres de l’orchestre, en formation de chambre, se rendront en province pour y donner des concerts gratuits dans des orphelinats, synagogues, églises, refuges, résidences pour personnes âgées, ce dans onze communes de par le pays. Sans oublier le temps fort que constitue chaque année en juin le grand Concert dansant (TérTánc) organisé sur la place des Héros de Budapest, où 500 enfants, en grande partie issus de milieux défavorisés, dansent devant plusieurs milliers d’assistants. Cette année (le 10 juin), ce sera sur une musique de Leonard Bernstein (Symphonie sur des thèmes de West Side Story).
Pour le programme proprement dit, on notera d’abord la production au Palais des Arts (Müpa, partenaire permanent de l’Orchestre) de deux opéras en version scénique: Don Juan (reprise d’une production donnée avec succès à New York en 2011, qui fera également l’objet d’une tournée à l’étranger, dont le Festival d’Edinburg) et le Falsatff de Verdi (avec Nicola Alaimo dans le rôle-titre). Une originalité (déjà évoquée plus haut): la présence d’un ensemble baroque au sein de la formation. Un orchestre qui, par ailleurs, interprètera des œuvres jouées successivement sur des instruments de diverses époques. A noter la venue pour deux de ces concerts baroques du chef catalan Jordi Savall (Bach, Rameau, Muffat, Haendel). Bach qui sera également cette année à l’honneur avec ses Suites et Concertos brandebourgeois. Sans oublier la reprise, après une année d’interruption, d’une série consacrée à Haydn et Mozart, dirigée par le Hongrois Gábor Takács-Nagy. Reprise également des concerts de musique de chambre (concerts du dimanche, séries „Retour à la Nature” et „Musique de chambre contemporaine”).
Les musiques du XXème siècle et contemporaine n’étant pas en reste avec, pour la musique contemporaine, deux œuvres du compositeur allemand Jörg Widmann. Côté solistes, on notera entre autres la venue des pianistes Radu Lupu, Piotr Anderszewski et Lilya Zilberstein. Parmi les chefs invités, outre Jordi Savall, l’Américaine Marin Alsop, le Russe Dmitri Kitaïenko (concert de musique russe), le Polonais Marek Janowski et le Finlandais Jukka-Pekka Saraste. Pour terminer la saison, Mahler sera à l’affiche avec sa 2ème symphonie. Quant au marathon donné en chaque début d’année, il sera consacré cette fois-ci à Leonard Bernstein (ce qui nous sortira un peu de sentiers battus).
Telles sont, de façon résumée, quelques-unes des grandes lignes du programme 2017-2018. Ceci pour la seule activité déployée „à domicile”. Car les musiciens d’Iván Fischer devront aussi compter avec des tournées dans douze pays, dont la France où l’Orchestre du Festival se produira à la Philharmonie de Paris le 17 octobre et à Grenoble le 8 décembre.
Mais le plus important est probablement ce concert qu’Iván Fischer et ses musiciens vont donner au Centre des Congrès de Budapest le 8 mai prochain. Car il s’agira alors de récolter des fonds pour combler la réduction drastique de sa subvention par la Municipalité de Budapest. Un concert pour la survie d’une formation qui, pourtant, se fait le meilleur ambassadeur du pays et de la ville - dont elle porte le nom - de par le monde... Certes, l’Etat - représenté lors de la conférence par la sous-secrétaitre d’Etat à la Culture - continue à assurer sa subvention, mais cela ne suffit pas.
Une formation largement reconnue par la presse internationale qui, non seulement contribue grandement à promouvoir l’image de la Hongrie et de Budapest aux quatre coins du monde, mais offre aussi un exemple unique, sans égal, par la diversité et l’originalité de ses initiatives. Ceci dans un esprit de solidarité et de plein engagement de la part de ses musiciens. Des musiciens parmi lesquels nous découvrons au demeurant de plus en plus de jeunes visages. Depuis deux ans, l’Orchestre a passé un accord avec deux formations de jeunes Européens. Celles-ci lui envoient des jeunes instrumentistes pour effectuer un stage dans les rangs de l’Orchestre dont les meilleurs se voient proposer un poste au sein de la formation. Entreprise pour l’instant à titre expérimental, bien sympathique et faisant preuve d’ouverture, de recruter dans un ensemble qui fête cette année ses 25 ans. Souhaitons-lui longue vie... pour notre plus grand plaisir.
Pierre Waline
- 1 vue