Pour mettre fin à une analyse politique ethnocentriste

Pour mettre fin à une analyse politique ethnocentriste

Un des problèmes les plus préoccupants dans la perception qu’ont les Français de la Hongrie réside dans la volonté que nous avons de calquer notre spectre politique sur celui d’un pays qui n’a ni la même histoire, ni les mêmes traditions. Les journalistes et intellectuels qui transcrivent la situation politique sont souvent partisans et il est difficile d’échapper aux clichés faciles. Pour éviter ce piège, le JFB a décidé de demander à deux fervents  acteurs de la politique hongroise de vous présenter la vision politique des deux partis qui font le plus parler d’eux en termes d’idées : La Fidesz-MPSz (Alliance des jeunes démocrates-Union civique hongroise), parti au gouvernement et le LMP (Une autre politique est possible), parti d’opposition membre du parti vert européen depuis 2011.

 

 

Fidesz-MPSz

(Fiatal Demokraták Szövetsége- Magyar Polgári Szövetség)

Mihály Balla

Président de la Commission des Affaires étrangères du Parlement hongrois, Député du groupe Fidesz

Que répondriez-vous à ceux qui doutent que le Fidesz soit un parti pro-européen ?

Le Fidesz est un des partis au gouvernement en Europe centrale et un membre du Parti Populaire Européen. Il est partie prenante dans la recherche européenne d’une solution à la crise économique et financière qui touche toute l’Europe. Toutes les décisions européennes ont un effet sur notre pays.

Je suis sûr que les lecteurs français n’ont pas besoin qu’on leur souligne l’importance de la représentation et de la défense des intérêts nationaux.

Il est vrai que parfois la défense de ces intérêts peut produire des débats animés au cours desquels il est nécessaire d'essayer de trouver des compromis. Aujourd’hui, en Europe, dans le même temps, on assiste aussi à un débat sur les valeurs. Le Fidesz,  membre du Parti Populaire Européen, attache une grande importance aux valeurs chrétiennes, á l’aide aux familles et aux jeunes, au soutien des petites et moyennes entreprises pour pouvoir créer plus d’emplois et assurer des moyens de subsistance au plus grand nombre possible. La situation de l’emploi est préoccupante dans notre pays et dans le contexte européen actuel. C’est une chose naturelle, dans une société démocratique que des débats, des discussions se produisent pour que l’on puisse résoudre les problèmes. Aujourd’hui le principal objectif du Fidesz, en tant que parti au gouvernement, est de diriger la Hongrie à travers les difficultés que crée cette crise profonde, de réduire la dette publique et maintenir le déficit budgétaire sous la barre des 3%. Á la fin de la période de gouvernance socialiste la dette publique était autour de 82-83% du PIB, aujourd’hui nous avons réussi à la réduire á 75% du PIB. Évidemment cela est encore beaucoup par rapport á la puissance économique du pays, c’est pourquoi, il est nécessaire de la réduire encore dans une plus grande mesure. En outre, le problème est rendu plus complexe par le fait que la Hongrie n’est pas encore membre de la zone euro.  Tous les changements qui affectent cette zone ont des effets sur les monnaies situées en dehors de cette zone, d’où les fluctuations sur le forint.

 

Comment expliquez-vous que vos actions soient souvent mal représentées, voire déformées dans la presse étrangère ?

J’espère que ces opinions critiques ne sont pas dirigées par la malveillance. Il est remarquable que ceux qui rédigent des opinions critiques concernant certaines affaires ou lois ne connaissent pas exactement les textes originaux, détaillés. C’est ce que l’on a constaté aussi lors des discussions au Parlement européen. On peut aussi remarquer que lors des discussions dans les forums européens, divers points de vue sont formulés et représentent des opinions tout-á-fait différentes sur la même question. Récemment la Hongrie, le gouvernement hongrois, ont vécu de nombreuses discussions de ce type. Vous pouvez également voir que, du fait de la gestion de la crise, certaines décisions, qui n’ont pas été habituelles jusqu’ici dans l’Union européenne, s’imposent. Les crises précédentes n’avaient pas cette ampleur, de telles solutions n’étaient donc pas en discussion. De nos jours, de nombreux pays doivent prendre des décisions qui n’étaient pas envisageables auparavant pour que ces charges nouvelles créées par la crise puissent être réparties plus largement sur un plus grand nombre de secteurs. Mais il y a du vrai dans l’opinion selon laquelle, il y aurait dû y avoir une meilleure communication, plus claire.

 

Dans cette difficile situation économique que traverse la Hongrie quelles mesures ou réactions attendriez-vous de l’Union européenne ?

Nous aurions besoin d’une plus grande solidarité de la part de l’Union européenne. La Hongrie cherche á résoudre ses problèmes avec ses capacités. Les intérêts nationaux exigent également que le pays n’augmente pas sa dette, mais qu’il renforce sa compétitivité et qu’il trouve de meilleures solutions aux problèmes sociaux profonds qui touchent sa population. Nous avons besoin de l’impact économique positif que représentent les nouveaux investissements que ce soit au niveau des entreprises, des municipalités ou de la création et de la stabilité de l’emploi. Ces défis sont aussi perceptibles dans les politiques économiques d’autres États membres de l’Union européenne. Peut-être qu’il serait bon que les lecteurs français sachent que notre revenu moyen national atteint á peine 1000 € alors que les coûts  sont peu éloignés de ceux des pays les plus riches que ce soit au niveau de l’agriculture, du développement de la  Hongrie rurale, de l’administration publique, de l’éducation ou de la vie quotidienne. Être mieux compris serait déjà une aide significative pour la mise en place des décisions et des changements qui s’imposent. Bien sûr que dans cette situation, il y a des gens qui sont plus ou moins pour ou contre nous. Ce sont les conflits créés par la façon dont certaines opinions sont présentées. Mais, comme le fermier français demande de l’aide à l’État dans les situations difficiles, le fermier hongrois aussi exige de l’État la défense de ses intérêts. Bien sûr, la culture, l’Art et surtout une  plus grande ouverture d’esprit peuvent nous aider á mieux nous comprendre. Mais il serait naïf de penser que sans aucune discussion et sans concession, on puisse tout résoudre. Néanmoins, je veux croire que les bonnes intentions et le respect mutuel renforceront encore les relations entre nos pays sur le chemin d’une plus large coopération et d’une meilleure compréhension mutuelle.

 

 

LMP

(Lehet Más a Politika)

Gábor Erőss

Sociologue, membre de la direction collégiale du LMP

 

Dans quelles circonstances le LMP a-t-il été créé ?

Gábor Erőss : Le LMP (littéralerment : une autre politique est possible) est né en 2009 de la volonté de divers acteurs de la société civile, des militants écologistes, des militants des droits de l’homme et des anonymes, beaucoup de jeunes, qui désiraient réformer la politique hongroise. Une grande partie des membres fondateurs sont issus de  Védegylet, András Schiffer et Benedek Jávor (NDLR : l’ancien et l’actuel chef du groupe parlementaire du LMP au Parlement hongrois), par exemple, une association  dont l’action était centrée sur la protection de l’Environnement mais dont les membres venaient, et c’est important pour l’histoire du LMP, d’horizons politiques différents.

D’ailleurs, notre seul et unique député ayant déjà siégé au Parlement, Lajos Mile, avait été un élu de droite au début des années 1990, tandis que d’autres se revendiquent de la gauche – mais pas au sens hongrois d’une gauche postcommuniste, corrompue et néolibérale.

 

Il semble que vous vous définissiez plus aujourd'hui comme un parti d'opposition au Fidesz que comme un parti vert classique, qu'en pensez-vous ?

L’opposition parlementaire est formée de trois partis : l’extrême droite nationaliste et anti-Rom de Jobbik, les socialistes (dont je viens de parler) et nous, les écolos. Les socialistes sont plus grands que nous, mais après avoir gouverné pendant 8 ans, de 2002 à 2010, ils ont perdu à peu près toute crédibilité. Une chose à leur actif, toutefois : ils n’ont pas cherché à démanteler les institutions démocratiques comme le fait la droite actuellement. Toujours est-il que la droite ne se prive jamais de rappeler, à chaque critique socialiste, aussi justifiée soit-elle, qu’ils feraient mieux de se taire après leurs 8 années au gouvernement et leur défaite historique aux législatives de 2010. Du coup, nous sommes les seuls à représenter une opposition démocratique et crédible à la fois. Or, il y a de quoi être critique et c’est peu dire. D’ailleurs, un parti écologiste n’est pas un parti environnementaliste. Notre devise est triple : participation, justice sociale et développement durable.

En matière de participation, nous dénonçons le Fidesz qui supprime, met au pas ou inféode, tout ce qui pourrait constituer un contre-pouvoir : des médiateurs de la République indépendants pour les minorités, pour l’Environnement et la protection des données, au Conseil Constitutionnel, en passant par magistrature ou encore le Conseil supérieur de l’Audiovisuel. Sans parler des municipalités qui ont perdu les plus importantes de leurs prérogatives, dont la politique scolaire, culturelle et hospitalière locales. Mais ce n’est encore rien ! Car Fidesz a également passé une nouvelle loi électorale, qui, avec le redécoupage des circonscriptions, entre autres, leur permettra d’avoir une majorité, même s’ils sont mis en minorité par les électeurs ; sauf raz-de-marée de l’opposition. Certes, ce n’est pas la fin de la démocratie, mais une démocratie diminuée, affaiblie.

En matière de justice sociale, nous dénonçons avant tout la flat tax : l’imposition à taux unique qui a conduit à une double catastrophe : la baisse douloureuse des revenus modestes et  une hausse colossale des déficits qui, à son tour, provoque des coupes drastiques dans le budget de l’éducation et de la Santé, entre autres…

Enfin, en matière de développement durable, nous dénonçons la mise au pas des agences régionales de protection de l’Environnement, l’austérité qui frappe les transports en commun, l’inaction en matière de pollution de l’air, etc. Surtout : nous nous opposons à l’agrandissement de la centrale nucléaire de Paks qui est sur le point d’être décidé dans un manque de transparence total. Et ce, pour engager une sortie, que nous ne voulons pas brutale, du nucléaire.

 

Quels sont les grands points de votre programme ?

C’est le Green New Deal du Parti Vert Européen, adapté aux circonstances locales. Avant tout une relance par l’investissement et l’emploi verts : des renouvelables à l’isolation thermique des immeubles, en passant par les transports en commun, mais aussi, ce qui est au cœur de notre programme et de notre engagement pour l’égalité des chances : l’éducation. Le tout financé par une plus grande imposition des hauts revenus, diverses écotaxes, ainsi que la taxation des transactions financières, en particulier des flux spéculatifs.

Enfin : la corruption, déjà généralisée sous la précédente législature, se développe encore plus. Des oligarques règnent sur le pays, dont l’ancien trésorier du Fidesz, propriétaire d’une galaxie d’entreprises qui raflent les contrats publics les uns après les autres. Il faut y mettre un terme ; et pour cela, il faut une transparence totale, radicale en matière d’argent public.

 

Quelle place voyez-vous pour votre parti dans la politique hongroise de ces prochaines années ?

Nous avons décidé de ne pas nous allier aux autres partis au Parlement, mais d’ouvrir sur les nouveaux mouvements sociaux, de Szolidaritás (né de la protestation des policiers et soldats contre la fin de leur régime spécial de retraite) à Hallgatói Hálózat (issue du mouvement étudiant contre la casse de l’enseignement supérieur). Nous négocions actuellement une plateforme commune avec le parti extra-parlementaire 4K, un petit parti de gauche qui veut une nouvelle république, et dont nous nous sentons particulièrement proche. D’après des enquêtes représentatives pour une moitié de la population, celle qui s’informe régulièrement sur le Web, ce nouveau pôle, qui pourrait s’organiser autour du LMP, a potentiellement les faveurs de plus de 50% d’entre eux ! Il nous suffirait de franchir le fossé numérique pour devenir l’alliance qui pourra battre le Fidesz et créer une société plus démocratique, plus juste et plus respectueuse de l’Environnement.

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