Potiche entourée de machistes
Rencontre avec François Ozon
Potiche est une comédie qui réunit de grands comédiens et qui met en scène une femme dans des situations inattendues, drôles et attendrissantes. Le récit remonte aux années 70 – mais Ozon s’inspire aussi d’événements plus récents. Le film est actuellement en salles en Hongrie.
JFB : Vous avez déjà à votre actif de nombreux films à succès, avec des castings remarquables. Dans le cas de Potiche, le choix des acteurs pour jouer les membres de cette famille spéciale et un peu compliquée revêt une importance particulière.
François Ozon : C’était très important effectivement. Catherine Deneuve a été mon premier choix et l’actrice phare de ce film. Si elle n’avait pas voulu y participer, j’aurais abandonné l’idée. J’avais du mal à imaginer une autre actrice dans le rôle de Suzanne Pujol ; cette femme qui vit à l’ombre de son mari et qui finit par entrer en politique. On avait déjà travaillé ensemble dans 8 femmes. Elle avait dit oui tout de suite. J’ai construit le casting autour d’elle : pour trouver son amant ce n’est peut-être pas très original, mais Gérard Depardieu était évident. Pour son mari, j’ai trouvé un acteur très différent d’elle : Fabrice Luchini. C’est important que le spectateur prenne plaisir dans cette distribution spéciale. Pour nous Français, Catherine Deneuve et Gérard Depardieu sont un couple très apprécié, mythique. Ils ont déjà joué ensemble dans le film très connu de François Truffaut Le dernier métro et plusieurs fois encore. C’est toujours émouvant pour les Français de les retrouver et pour moi, c’était un plaisir de les voir jouer devant ma caméra. Pour Fabrice Luchini, c’est un rôle compliqué – ce mari n’est pas sympathique et il fallait trouver la bonne nuance. Pour moi, c’était important de montrer comment pouvaient vivre des hommes dans les années 70, à quel point ils pouvaient être machistes, et même odieux avec les femmes. Fabrice est un très grand acteur, et il s’est beaucoup amusé dans ce rôle.
JFB : Vous présentez un vrai panorama de la société française des années 70 ainsi que les divisions au sein d’une même famille – de gauche à droite sur le plan politique, mais avec beaucoup de sensibilité sur le plan humain. Qu’est-ce qui a changé depuis les années 70 ?
F.O. : Je pense que beaucoup de choses ont changé pour les femmes et tant mieux. Il y a beaucoup plus d’égalité entre femmes et hommes aujourd’hui. Mais pour les femmes les différences persistent malheureusement, notamment sur la question des salaires. Le combat pour l’égalité hommes femmes n’est pas fini. Dans les années 70, la société était encore très paternaliste et la mère de famille restait souvent au foyer. J’ai voulu mettre en scène cette histoire de famille avec humour pour me moquer un peu de cette époque. Aujourd’hui, cela aboutirait à un drame ! En travaillant sur le scénario, je me suis inspiré de la campagne présidentielle entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal où on a pu constater beaucoup de machisme et de comportements ou de remarques misogynes contre Ségolène Royal.
JFB : Vous êtes un cinéaste connu, vous avez certainement des facilités pour réaliser vos films. Comment peut-on sortir un film aujourd’hui en France quand on est réalisateur ? Et comment se porte le cinéma français ?
F.O. : J’ai la chance d’avoir commencé à faire des films il y a de longues années et maintenant les gens me connaissent. Car au début ce n’est jamais facile. J’ai fait beaucoup de court-métrages – et là, ce n’est pas grave si l’on rate parce qu’il n’y a pas d’enjeux commerciaux. En ce moment, en France, le ministre de la culture considère que le cinéma est un art mais aussi une industrie. Dès que l’on gagne de l’argent, on le redistribue et l’on fait quelque chose pour que le cinéma national existe et que la France ne soit pas envahie par le cinéma américain. Je trouve ça très positif car cela permet de conserver une variété dans le cinéma – il y a des films grands publics et artistiques et je pense que c’est cela qui fait la richesse du cinéma français.
Éva Vámos