Place Vörösmarty
La culture c’est comme la confiture
De dîners en vernissage vous manquez parfois d’aplomb. Ingurgitez ces quelques dates et noms, puis usez avec parcimonie de votre culture toute fraîche.
Située en dehors des remparts du Budapest médiéval, on la baptise d’abord Place de la Promenade. Puis, on la convertit en Place du Trentième puisque c’est à cet endroit que se trouve le bureau où l’on perçoit la taxe du même nom. Elle devient ensuite la Place du Théâtre, car en 1812 on y inaugure le Théâtre Allemand. Mais lorsqu’il sombre dans les flammes en 1847, elle se transforme en Place de l’Ancien Théâtre ! De 1874 à 1918 elle porte le prénom de la fille aînée de François-Joseph: Gisèle. Après la Première Guerre mondiale, c’est le politicien Mihály Károly qui lui donne son nom puisque c’est à cet endroit que ses sympatisants se réunissent lorqu’il leur parle de la fenêtre du Cercle des Indépendants. Mais depuis 1919, son nom reste inchangé, c’est celui du poète romantique du XIXe siècle, Vörösmarty. Pourtant, sa statue y fut élevée dès 1908. Au centre de l’ensemble réalisé en marbre de Carare, Mihály Vörösmarty est entouré de Hongrois représentant toutes les régions et toutes les classes sociales. A l’unisson, ils récitent son célèbre poème mis en musique, qui encourage les Hongrois à toujours rester fidèles à leur patrie. Réalisée grâce à une collecte nationale, la statue porte encore les traces d’un des donateurs: une pièce de monnaie à l’effigie de la Vierge, aujourd’hui un peu noircie, remise par un mendiant qui l’avait héritée de sa mère.
Une place en pleine mutation
Si à la fin du XVIII ème siècle elle est l’une des principales stations de fiacres de la capitale, elle doit surtout sa renommée européenne à la pâtisserie d’Emile Gerbeaud. Ce confiseur-pâtissier suisse qui rachète, en 1884, une affaire existante, démocratise le salon de thé en cassant ses prix. Créateur de la griotte au Cognac, il en fait une véritable institution. Aujourd’hui, les avis sont partagés, mais les Budapestois restent en grande majorité très fiers de “leur” Gerbeaud.
En sera-t-il de même pour le nouveau bâtiment de verre en construction depuis plus de deux ans ? Bientôt achevée, l’oeuvre de György Fazékas se dresse à la place d’un immeuble de bureaux très controversé que les Hongrois avaient baptisé “le palais mal fichu”, édifié dans les années 70. Maison des Musiciens et sièges de plusieurs maisons d’édition, il est démoli en 2004. A l’endroit même où le Théâtre Allemand avait été érigé. Le nouvel ensemble abritera bureaux, penthouses ainsi que magasins aux enseignes internationales. Si de nombreux habitants du Vème arrondissement regrettent que la mairie n’ait pas préféré y implanter un immense parc plutôt qu’un énième bâtiment, que diront-ils lorsqu’ils apprendront que l’emblématique boutique Luxus juste en face a vendu son âme à la chaîne Zara ?
O.E