Péter Korniss, mémoire vivante

Péter Korniss, mémoire vivante

Du 29 septembre au 8 janvier, la Galerie Nationale Hongroise accueille l’exposition “ Mémoire continue “. Celle-ci retrace le travail de Péter Korniss, maître de la photographie, du début des années 60 à nos jours.

Péter Korniss est un photographe accompli et reconnu. Pour ceux qui en douteraient, ses clichés exposés à la galerie Várfok (1) courant octobre le prouvent. Une seule galerie semble insuffisante pour contenir son génie.

De ses débuts dans le magazine féminin hebdomadaire “ Nők Lapja” (Le Journal des Femmes) à aujourd’hui, il a reçu de nombreuses récompenses dont notamment le prix Kossuth, considéré en Hongrie comme le plus prestigieux dans le domaine culturel. L’exposition est une sorte de cadeau, de don fait à la Galerie nationale. Nous sommes tous invités à aller admirer ce travail de toute une vie.

L’exposition est organisée en plusieurs sections. A travers celles-ci, nous sommes conviés à un voyage dans le temps, à un voyage de la campagne à la ville, à un voyage de la tradition à la modernité. Les premiers clichés nous emmènent en Transylvanie dans les années 60-70. Là, nous y découvrons le mode de vie des minorités paysannes hongroises traditionnelles. Le travail de la terre, les fêtes, les costumes...C’est une rencontre inédite avec un monde aujourd’hui presque disparu auquel Péter Korniss nous convie. De nombreuses photographies célèbres sont présentées comme celle de l’écolière ou encore celle de la fille fauchant le foin par exemple (certainement l’une des plus somptueuses de l’exposition).

Travailleurs ambulants et femmes de ménage

Ce voyage dans le temps se poursuit et nous voilà désormais dans la deuxième section consacrée aux “Guest Workers”, ces travailleurs ambulants forcés de partir la semaine dans les usines et revenir chez eux le week-end. De l’agriculture à l’usine, la transition est rapide. Un véritable travail d’enquête se dévoile alors sous nos yeux, une sorte de documentaire retraçant avec fidélité les conditions de vie de ces hongrois déracinés.

L’effet du temps sur ces personnes et ces sociétés s’avère tout aussi frappant pour le visiteur. La “modernité” s’invite depuis 1989 dans ces communautés. Nous observons dès lors un curieux mélange entre cette modernité et la tradition qui caractérise habituellement ces groupes. Le rapport entretenu entre ces deux concepts est intrinsèque au travail de Péter Korniss. Cette réflexion sur la coexistence de ces deux concepts est présente tout au long de l’exposition comme dans l’ensemble de son oeuvre. Cependant, cette problématique semble sous-entendue dans ces premiers clichés. Les dernières sections sont explicites. L’utilisation pour la première fois de la mise en scène dans ses photographies marque une volonté d’illustrer le mieux possible ce décalage entre l’ancien et le nouveau, entre la tradition et le présent. Ce contraste est saisissant lorsque nous posons notre regard sur les clichés de la section “ Nativity players”.  Des acteurs de pièces traditionnelles en costume photographiés dans un décor urbain et moderne interpellent et intriguent en même temps.

La dernière section présente des transylvaniennes venues à Budapest pour y travailler, souvent comme femmes de ménage. Ces images-ci n’ont jamais été exposées auparavant. Sont présentées devant nous les dernières pages d’un roman, un roman nous montrant la disparition progressive des modes de vie des communautés hongroises.

Les femmes photographiées l’avaient déjà été presque 50 années plus tôt,  pour certaines d’entre elles, par Péter Korniss. Elles sont la mémoire de ces traditions. En cela, l’exposition Korniss incarne un antidote contre l’oubli.

François Lalande

(1) http://www.varfok-gallery.eu/exhibitions/under-installation-peter-korniss-long-distance

 

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