Père Tamás Papp, une personnalité francophone pas comme les autres…
La religion en Hongrie
Né en 1956, c’est à l’âge de 15 ans que le Père Tamás découvre sa vocation sa-cerdotale, après s’être destiné à l’exercice de la médecine, et décide d’entrer au séminaire d’Esztergom après le lycée. Comme tous les séminaristes catholiques ou protestants sous l’ère communiste, il doit intégrer pendant deux longues années un régiment disciplinaire composé essentiellement d’anciens prisonniers de droit commun. Suite à son ordination en 1982, il est envoyé à Strasbourg pour poursuivre ses études où il obtint un doctorat de théologie. De retour de France, il crée la paroisse francophone de Budapest en 1986 avec une poignée de fidèles. De 1992 à 2007 il est responsable des émissions catholiques de la radio nationale Kossuth. Depuis 2002 il dirige l’important groupe de presse «Új Ember» (créé en 1945) qui, outre cet hebdomadaire (50 000 exemplaires en Hongrie, Slovaquie et Transylvanie), édite de nombreux magazines et une quarantaine de livres par an.
JFB : Quel a été le rôle des églises chrétiennes dans l’histoire de la Hongrie et quelle est la place actuelle du catholicisme dans le pays?
Père Tamás : L’Eglise a été un facteur fondamental dans la construction de l’éveil de la Nation hongroise car les premiers moines venus d’Orient sont arrivés en même temps que les tribus magyares. Au XIe siècle, Saint István, le Clovis hongrois, a intégré son royaume dans l’Eglise catholique latine en même temps qu’il l’ancrait dans l’Occident avec l’aide des bénédictins (Pannonhalma, Tihany…). Parallèlement au développement des structures économiques et politiques, Saint István a créé 12 diocèses (comme les 12 apôtres ou les 12 tribus d’Israël) et institué l’établissement d’une paroisse pour 10 villages.
C’est à partir de l’invasion des Turcs que la Réforme s’est développée et que les pasteurs ont réévangélisé la Hongrie. Comme partout en Europe, cette arrivée a entraîné de fortes tensions interreligieuses qui ont heureusement disparu par la suite. L’arrivée des communistes à la fin de la seconde guerre mondiale a donné lieu à de grandes persécutions contre les Eglises. De nombreux prêtres et pasteurs furent emprisonnés et torturés, d’autres assassinés. Les 2300 institutions pédagogiques catholiques et les biens des Eglises furent nationalisés et les ordres religieux interdits (cela concernait 10 000 personnes !). A partir de 1990, la liberté de culte ayant été rétablie, les ordres ont pu revenir et les écoles réouvrir. On compte actuellement 310 établissements et une université catholiques. Notons également le rôle social des Eglises qui ne cesse de s’amplifier (hôpitaux, association Caritas, etc.). Aujourd’hui la population hongroise comprend 62% de catholiques, 18% de calvinistes, 7% d’évangélistes luthériens, 1 à 2% de juifs. Parmi les minorités il faut distinguer les orthodo-xes (russes, serbes ou grecs) et les Greco-catholiques (les Uniates) dans l’Est du pays. L’importance des mariages mixtes a facilité le dialogue interreligieux et nous avons de nombreux projets en commun (exemple en 2008 avec «l’année de la Bible»).
Le taux de pratique reste cependant très faible avec un taux de 8 à 10% et nous assistons à une baisse de recours aux sacrements (45 000 baptêmes en 2006). Par ailleurs, même si la situation semble meilleure qu’en Europe occidentale, la pénurie de prêtres commence à se faire sentir (environ 50 ordinations par an). Malgré tout, le développement de nouvelles communautés très actives (Béatitudes, l’Emmanuel) et celui des écoles chrétiennes nous donnent beaucoup d’espoir pour l’avenir du Christianisme en Hongrie.
JFB : Vous êtes le responsable de la paroisse francophone. Pouvez-vous nous donner ses caractéristiques principales ?
P.T.: La paroisse francophone a été créée il y a plus de 20 ans autour d’un petit noyau de fidèles et s’est développée avec la chute de l’ancien régime et l’arrivée massive d’expatriés. Depuis quelques années elle est accueillie par la paroisse de Remetekertvaros dans l’église du Saint-Esprit à proximité du lycée français.
Les activités paroissiales sont nombreuses car le dévouement des fidèles y est exemplaire. Parmi elles citons bien entendu le catéchisme qui accueille plus de 120 enfants, l’aumônerie, les servants d’autel, l’équipe d’animation… mais aussi les très nombreuses activités caritatives qui ont permis d’aider les Sœurs de Mère Teresa (préparation de la soupe populaire), le centre franciscain d’autistes, la maison de retraite des prêtres âgés…).
Par ailleurs, outre les sacrements, des conférences, des sorties paroissiales, des fêtes, etc. sont organisées tout au long de l’année. Bref comme vos le voyez c’est une communauté très vivante.
JFB : A l’approche de Pâques, pourriez-vous nous expliquer comment les Hongrois célèbrent cette grande fête ?
P.T. : Les célébrations des fêtes de Pâques débutent généralement par la veillée pascale suivie d’une procession dans le quartier pour annoncer en chantant la Bonne Nouvelle : le Christ est ressuscité ! Des bougies seront parfois mis à la fenêtre pour signifier qu’ «une Lumière s’est levée». Le lendemain, le dimanche de Pâques, la traditionnelle messe est suivie d’une grande chasse aux œufs dans les jardins des églises ou des particuliers. En revanche ce n’est pas les cloches de Rome qui les ont déposés mais de petits lapins, symboles de fécondité matérielle et spirituelle pour la nouvelle année liturgique. Le menu se compose généralement de gros jambons fumés accompagnés de raifort et d’œufs durs colorés préparés le Vendredi Saint. Enfin, le lundi de Pâques, une autre tradition populaire hongroise s’inspire de l’aspersion d’eau bénite par le prêtre. En effet il est d’usage pour les garçons d’arroser les filles avec de l’eau ou du parfum et parfois également d’offrir de petits bouquets ou cadeaux. En échange de ces fleurs les filles offrent de jolis œufs qu’elles ont affectueusement peints ou décorés.
JFB : Il ne me reste plus qu’à vous remercier et à vous souhaitez de bonnes fêtes de Pâques !
P.T. : J’étais très heureux de répondre à vos questions et je vous souhaite ainsi qu’à tous les lecteurs du JFB une joyeuse Pâques en famille…
Propos recueillis par Frédéric Humbert
Messe en français tous les dimanches 11h à l’église du saint Esprit, Mariaremetei ut 34, Budapest 1029.
Pour contacter le père Tamàs : pt@hcbc.hu
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