«Par la voix des rythmes»
Exposition de Joseph Nadj
Une exposition de photos de Josef Nadj présente « ses jeux avec le paysage » de sa terre natale la Vojvodine, à l’Institut français de Budapest.
Après les célèbres spectacles signés par le Centre chorégraphique d’Orléans, dont il est le directeur, c’est une très belle exposition de photos signées Josef Nadj que l’on présente à Budapest. Chorégraphe de sa mémoire sur scène, il se ravitaille pour ses prises de vue à Kanizsa et sa région. Nadj se ressource aussi dans la littérature de son pays, mais également dans des oeuvres de Borges, de Kafka ou de Michaux d’où la citation « Par la voix des rythmes » qui exprime bien cette série de photographies intimement liée à ses créations scéniques.
Ses passages au Festival d’Avignon, au Trafó de Budapest et dans le monde entier restent dans les mémoires. Entre deux spectacles il répond aux questions, rencontre son public et, cette fois, s’adresse à nous à travers ses photos. Les arts plastiques sont sa vocation première : il a fait les Beaux Arts à Budapest avant de découvrir le théâtre gestuel. Nous retrouvons d’ailleurs ses personnages recouverts d’argile sur ses photos où transparait son expérience théâtrale. Quels sont les gestes primordiaux ? Cette matière magnifique qu’est l’argile est vivante : il y a toute la mémoire de la terre dedans , trouve Josef Nadj. Le danseur et le peintre Miguel Barcelo, recouverts d’un demi-masque de la commedia dell’arte apparaissent dans une plaine où les perspectives s’étirent à l’infini. Parfois un paon ou un cheval est associé à ces personnages. Mais c’est surtout l’immense plaine presque désertique que nous longeons et pourtant il y a une richesse sur ces images.
On y voit de grandes étendues sous la neige et avec le fleuve Tisza; le blanc évoque toutes les forces qui nous traversent alors que la plaine en été fait revivre le paysage grâce à un seul coquelicot ou un arbre solitaire.
Il y a aussi les murs de maisons abandonnées - en ruine - présentées tantôt avec lyrisme et très colorées, tantôt avec une force dramatique en noir et blanc évoquant l’histoire et le passé tragique de la région qu’il évoque dans son spectacle Le dernier paysage . Il y a toute la symbolique de ce pays où sa caméra prend le chemin de la croix au bout du village. Il retrouve ses racines, son enfance aussi, dans les textes des auteurs issus de cette même région comme Géza Csáth et Ottó Tolnai. Il a été élevé dans l’amour des livres et dans un climat politique relativement libre en Vojvodine. Après tous ses vagabondages c’est dans sa ville natale qu’il présente ses nouvelles créations faisant ainsi la navette entre Orléans et Kanizsa.
Au sujet du spectacle de Saratov , percussionniste russe, et de Josef Nadj, l'écrivain Otto Tolnai, souvent co-auteur et ami de Nadj, a écrit de très belles pages qui sont à l’origine de ces photos :
« Josef sait qu’il doit travailler tant qu’il ne trouve pas, tant qu’il ne saisit pas la lumière de ce monde absolument délabré, usé et insupportablement pauvre, sa splendeur quasi négative, absolument vidée, ce dépôt qui fait place à l’absolu. Et même un peu au-delà. Jusqu’à ce qu’il puisse nous présenter et exposer assez d’images pour un opus. »
Éva Vámos
Institut français de Budapest,
1011 Fô utca 17
Jusqu’au 22 février