Panem et circenses
Revirement pour le cirque national
C’est à Budapest que le Festival international du cirque a eu lieu au mois de février. L’événement culturel de renom s’est déroulé comme prévu. Néanmoins, en coulisses, l’atmosphère était tendue. Parmi les juges et invités d’honneur, beaucoup ont décidé de boycotter la fête, en raison d’un changement inattendu de direction du Cirque National. István Kristóf, directeur du Cirque National, quant à lui s’est également absenté, sous prétexte de son état de santé.
Peu après la fin du Festival international du cirque, il est apparu que l’absence du directeur et de plusieurs membres du jury international n’était pas une simple coïncidence, et n’était que le dessus de l’iceberg. Les causes remontent au 5 novembre dernier, lorsque Miklós Réthelyi, ministre des Ressources nationales, mit fin au contrat de travail de M. Kristóf, directeur du Cirque National depuis 24 ans, et le remplaça par un commissaire du gouvernement, M. Zsigmond Kriza, juriste de formation. L’avalanche de reprises en main des établissements culturels a apparemment atteint le milieu du cirque, que l’on croyait marginal, protégé en quelque sorte, et sans la moindre signification politique. Selon les professionnels, c’est un secteur artistique spécifique, qui ne doit pas être géré par un directeur ciblant davantage la rentabilité que la qualité.
Le Cirque National était jusqu’alors dirigé par un duo père et fils, István Kristóf, acrobate réputé, directeur depuis 24 ans, et son fils Krisztián Kristóf, directeur artistique. Tous deux ont été écartés de la tête de l’établissement (les contrats n’ont pas été renouvelés), au même moment, sans explication ni motifs de la part du ministère. « Pas de soucis », a rassuré publiquement M. Kriza, lors d’une interview à la radio, « le répertoire sera enrichi de nombreuses nouveautés, selon la mode actuelle des scènes internationales de renom, et les spectacles habituels de clowns ne disparaîtront pas non plus. »
Les nouvelles déprimantes de Budapest sur ce changement de direction inattendu, ont très vite atteint les milieux internationaux. Plusieurs directeurs de cirque étrangers ont signalé, par solidarité, ne plus souhaiter participer au festival hongrois, événement de réputation égale à ceux de Monte Carlo ou Paris. Pour ne pas faire fuir, ni le public, ni les artistes performants, les Kristóf leur ont demandé de ne pas boycotter le festival, en soulignant que ce n’est pas la bonne manière d’afficher leur désaccord. D’autant plus que des tickets ont déjà été vendus, et qu’ils représentent un montant de 30 millions de HUF.
Le mouvement qui coordonne la direction des établissements culturels a jusque-là évité le secteur du cirque. « Il semble que le cirque, pour une raison particulière, qui reste cependant obscure, soit devenu un élément important de propagande du gouvernement. La politique pourtant nous avait épargné jusque-là », a dit l’ancien directeur. « J’ai énormément travaillé pour faire du Cirque National ce qu’il est aujourd’hui : un établissement de renom, de niveau exceptionnel à l’échelle internationale. J’espère de tout cœur que cela ne se dégradera pas » a-t-il ajouté.
Le Cirque National fonctionne pendant 10 mois chaque saison, avec environ 8 spectacles par semaine, attirant 600 à 800 spectateurs. Parallèlement aux 3 répertoires « maison », des troupes invitées et des festivals ont lieu dans le hall contenant 1430 places, offrant ainsi de la place à 230-250 mille spectateurs par an. Auparavant, les rémunérations des artistes étaient entièrement financées par les entrées vendues, les fonds provenant de l’Etat permettaient uniquement de régler les charges et les frais administratifs. Aujourd’hui, le cirque fait partie de la loi artistique, et bénéficie ainsi de plus grosses subventions publiques. Ce n’est pas une surprise, sachant que le gouvernement souhaite étouffer, de ses bras protecteurs, le monde du divertissement.
Pour ce qui est de l’avenir, M. Kristóf déclare, un brin ironique : « Après tout, le cirque c’est simple et avantageux : le rideau s’ouvre et, coûte que coûte, le public doit s’amuser ».
Kata Bors