PAC: bilan de santé
Bien que les agriculteurs ne représentent, en Hongrie, que 4 % des actifs et en moyenne 5% du PIB, on ne peut pas nier qu’ils savent se faire entendre. Comme il en va de même dans tous les pays de l’Union européenne, on ne saurait s’étonner du fait que la Politique Agricole Commune (la PAC) représente, si l’on inclut le développement rural, 45 % du budget des dépenses de l’Union. Mise en place en 1962, la PAC a fait l’objet de nombreuses réformes et suscité bien des polémiques. Depuis deux ans, la Commission européenne tente d’établir le cadre d’une évaluation des systèmes d’aides et de régulations en vigueur. Un thème particulièrement d’actualité au moment où la France prend la Présidence de l’Union.
Un problème qui semble insoluble
Avez-vous déjà rencontré un agriculteur satisfait ? Que les récoltes soient bonnes ou non, que les prix des produits agricoles soient en hausse ou en baisse, l’agriculteur manifeste son mécontentement. De fait, quels que soient le climat et la situation des marchés, il y a toujours des agriculteurs qui ne s’en sortent pas. Ainsi, ce jeudi 3 juillet, les producteurs de griottes ont offert une tonne de ces délicieuses cerises aux curieux qui flânaient sur la place Kossuth où se trouvent le Parlement et le ministère de l’agriculture. La distribution gratuite est la nouvelle communication des agriculteurs et des pêcheurs. Les nostalgiques de la protestation à l’ancienne ont tout de même déversé leur trop plein de fruits sur le parking pour faire bonne mesure. Une action impossible à Paris, en ce qui concerne l’Assemblée nationale, du fait de l’étroitesse des rues du septième arrondissement, mais qui doit faire sourire dans les campagnes françaises, où l’on aime bien aussi venir déverser des choses sous les lambris de la République !
Depuis 1962, le casse-tête agricole a traumatisé des générations d’énarques. Le problème principal est le même que pour les navires de gros tonnage : si vous ne manoeuvrez pas à l’avance vous n’avez plus le temps de tourner et vous allez droit dans le mur. Ce à quoi s’ajoutent les liens intrinsèques entre certains produits : diminuez le nombre de vaches pour lutter contre la surproduction de produits laitiers et très rapidement plus personne n’a les moyens de manger une escalope de veau. Ainsi, l’évolution de la situation du blé et du maïs en Hongrie ces dernières années n’est pas sans rappeler le mouvement du yo-yo. En 2006 la production était 30% inférieure à la moyenne décennale et les prix plutôt bas, les prévisions pour cette année indiquent que la récolte devrait être deux fois plus importante qu’en 2006, et les prix de vente plus élevés. Adam Smith vous aurait affirmé qu’apparemment ce type de situation ne requiert pas d’intervention extérieure, mais M. Smith ne fait plus recette. Et vu la spéculation moderne et la hausse des prix des carburants, c’est plutôt une bonne chose.
Il faut donc trouver une solution pour préserver l’agriculture en Europe, tout en tenant compte des intérêts individuels des 27 Etats membres, un objectif qui relevait déjà du voeu pieux lorsque nous n’étions que 15.
Les idées du moment
Pour la Commission, compte tenu de «l’expérience acquise lors de la mise en œuvre de la réforme de la PAC de 2003», il est nécessaire de simplifier le système des aides en uniformisant les taux. Il faut aussi «bien faire comprendre aux agriculteurs le lien qui existe entre les paiements qu'ils reçoivent et les obligations qui leur incombent dans les domaines de l'environnement, de la santé publique, de la santé des animaux et des plantes ainsi que du bien-être des animaux ». Faire comprendre quelque chose aux agriculteurs a toujours été un exercice de haute voltige politique, certains ministres se sont retrouvés au bord de la crise de nerfs pour moins que ça !
On note avec plaisir que «le système des jachères obligatoires est obsolète et sera supprimé» et que «le régime des quotas laitiers arrivera à échéance en 2015. En conséquence la Commission envisage d’augmenter les quotas et de trouver des mesures appropriées pour aider les producteurs de lait dans les régions de montagne.
Les difficultés que rencontrent nos paysans, comme «le besoin croissant de gérer les risques en matière de production, la lutte contre le changement climatique, la gestion plus efficace de l'eau, l'exploitation optimale des possibilités offertes par les bioénergies et la préservation de la biodiversité», viennent d’être découvertes et, nous prévient-on, adapter la PAC «a un prix», la solution est de «moduler» et de mettre l’accent sur le développement rural. Bref, la PAC est une «politique dynamique» faite pour «répondre aux attentes de la société».
Vu de Hongrie, la PAC devrait être assimilée à la manne céleste et, pourtant, personne n’est vraiment satisfait et tout un chacun de s’interroger sur la bonne formule à choisir d’ici 2013. Une chose est sûre : quelle que soit la solution choisie, tout le monde s’en plaindra.
Xavier Glangeaud