Opéra de Budapest : une saison 2020-2021 placée sous le signe de la France
Le lieu, tout d´abord. Pour nous présenter la prochaine saison, Szilveszter Ókovács, Directeur général de l´ Opéra, a choisi son dernier né, l´Atelier Eiffel qu’il semble particulièrement chérir, à juste titre, Déjà présenté dans ces colonnes, ce nouvel espace constitue un troisième site, aux côtés de la salle classique de l´avenue Andrássy (en rénovation) et du Théâtre Erkel. Un vaste hall décoré pour l´occasion par un habile jeu de lumières aux couleurs de la France. Car c´est sous le signe de la France que sera placée cette nouvelle saison 2020-2021.
Le Directeur de l´Opéra laissant, pour commencer, la parole à l´ambassadeur de France Pascale Andreani. Qui nous rappelle la longue tradition de l´opéra français, qui remonte au siècle de Louis XIV, mais aussi sa grande diversité. Des œuvres, certes, dues en grande partie à des compatriotes, mais pas seulement, tels Lully, Gluck ou même Verdi (sans parler de Rossini ou d´un Offenbach, né à Cologne). Ce qui le hisse au niveau européen. Citant à cet égard une phrase attribuée à Jean Monet : ”Si c´était à refaire, je commencerais par la culture”. Voilà qui est vrai, car, même s´il ne l´a pas dit, c´est bien d´abord par la culture que se fait l´Europe. L´ambassadrice évoquant à titre d´exemple la profonde amitié qui liait Liszt et Berlioz. Le premier coqueluche des salons parisiens, le second chaleureusement accueilli à Pesth (1). Amitié prolongée par la parfaite entente qui marque aujourd´hui la relation entre l´Ambassade et l´Opéra d´État hongrois.
Puisque nous avons évoqué les différentes salles rattachées à sa maison, Szilveszter Ókovács cite Paris en exemple. Avec ces deux lieux prestigieux que sont le Palais Garnier et l´Opéra Bastille. Un exemple que Budapest aimerait suivre pour se hisser au niveau des grandes scènes européennes. Ce à quoi contribuera sans nul doute, du moins est-ce son ambition, cette saison française. Rejoignant le constat formulé par l´ambassadrice d´une identité européenne entre autres illustrée par l´opéra, Szilveszter Ókovács nous présente cette saison comme offrant des œuvres non exclusivement composées par des Français, mais se rattachant d´une façon ou d´une autre à la France. Un exemple flagrant : Beaumarchais et Mozart. Mais il en est mille autres.
Une „saison française”, donc, à prendre au sens large du terme, à laquelle aura également sa part le ballet. Pour ce qui concerne l´opéra proprement dit, au-delà du grand opéra et des grands classiques, dont plusieurs, tels Werther ou les Huguenots, déjà donnés sur cette scène, l´accent sera également mis sur l´opéra baroque.
Plutôt que d´en livrer ici une liste qui serait longue et fastidieuse - que l´on trouvera sur le site de l´Opéra (2) - nous nous bornerons à citer quelques exemples qui illustrent l´étroite interaction entre la France et ses voisins européens ou encore entre l´ancien et le moderne. Puisque nous avons évoqué Beaumarchais, nous commencerons par sa trilogie avec une production combinant le Barbier et le Mariage avec „La mère coupable” mise en musique par Darius Mlhaud dans un arrangement conçu par un Hongrois (András Vinnai). Autre exemple, la création d´un opéra contemporain du Hongrois János Vajda : „Le Malade imaginaire ou le comédien de Sa majesté”, en partie inspiré d´une pièce de Boulgakov sur la vie de Molière sur fond du Malade imaginaire. Pour en rester avec Molière, Le Bourgeois gentilhomme avec chant et ballet, sur la musique bien connue de Lully dans la conception et mise en scène d´un jeune Hongrois (Jakab Tarnóczi). Mais avec également des grands classiques, tels les Contes d´Hoffmann ou Andrea Chénier, Samson et Dalila, la Princesse jaune de Saint-Saëns, Fantasio et Fortunio d´après Musset ou encore, plus près de nous, Pélleas et Mélisande, Le Dialogue des Carmélites ou Les Enfants terribles de Philp Glass d´après Cocteau. A noter encore l´opéra-ballet Don Juan de Gluck directement inspiré de Molière. Tout cela cité au hasard, car, encore une fois, la liste serait trop longue à dresser ici.
Comme l´on voit, une saison qui, au-delà du nombre (3), promet d´être riche, originale et variée. Sans délaisser pour autant les productions, disons „universelles, telle la Tosca. ...Encore qu´elle soit inspirée d´une pièce française (Victorien Sardou). Également mis à l´honneur, le répertoire hongrois. Sans oublier les traditionnels concerts (près d´une quarantaine au programme desquels figurent entre autres Berlioz, Chapentier, Chausson, Debussy et Ravel), oratorios (Le Messie), musique religieuse (Requiem de Verdi) et tournées en province ou dans les pays voisins.
Un programme ambitieux par lequel les responsables de l´Opéra de Budapest contribueront de façon exemplaire à promouvoir le patrimoine culturel de la France auprès du public hongrois. Ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Souhaitons leur franc succès.
Pierre Waline
Crédit photos: Magyar Állami Opera
(1): un bel exemple: la fameuse Marche de Rákóczi, arrangée par Berlioz (Marche hongroise) dans sa Damnation de Faust.
(2): www.opera.hu, également disponible en anglais,
(3): 56 opéras donnés sur 190 représentations, dont 16 premières, 35 ballets sur 136 représentations, dont 3 premières.
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