Opéra de Budapest : du Couronnement de Poppée au Roi Etienne, une saison 2019-2020 placée sous le signe de la chrétienté

Opéra de Budapest : du Couronnement de Poppée au Roi Etienne, une saison 2019-2020 placée sous le signe de la chrétienté

Image retirée.C´est dans le hall roman du Musée des Beaux-Arts que son directeur Szilveszter Ókovács nous a présenté la saison 2019-2020 de l’Opéra de Budapest. Un choix symbolique, Szilveszter Ókovács nous annonçant une prochaine saison placée sous le signe de la chrétienté. „Comme une sorte de prélude - nous dit-il - au 52ème Congrès Eucharistique international qui se tiendra à Budapest en septembre 2020”. La notion de chrétienté n´étant pas à prendre ici en son sens strictement religieux ou idéologique, mais dans son lien symbolique et thématique avec le monde de l´opéra. Du moins, comme nous le présente Szilveszter Ókovács. 

Autre caractéristique de cette nouvelle saison : le foisonnement d´œuvres nouvelles, encore jamais données sur la scène hongroise. Mais également quelques grands classiques présentés dans une approche entièrement revue : l´Enlèvement au Sérail, Don Carlos et Parsifal (donné, comme il se doit, un Vendredi saint...). Parmi les premières, deux autres classiques, mais encore jamais donnés sur la scène hongroise :  le Couronnement de Poppée de Monterverdi et Mathis le peintre de Paul Hindemith. Pour le reste des premières, la part belle est donnée à des œuvres méconnues ou peu connues du public, en majorité dues à des Hongrois. Tels „Le violoniste de Crémone” (A cremonai hegedűs) de Jenő Hubay et „Tante Simona” (Simona néni), opéra-comique d´Ernő Dohnányi, présentés en un même spectacle. En création hongroise, „A walking deadman” (Ments meg, Uram!) de l´Américain Jake Heggie d´après le roman de sœur Helen Prejean, et le volet  „Fantasio/Fortunio” de l´Italien Giampolo Testoni (comédies lyriques d´après Musset). Également en création „Le Maître et Marguerite” de Levente Gyöngyösi. Le clou : un dialogue jadis écrit par le futur pape Karol Wojtyła sur le sacrement du mariage, drame musical recomposé avec le concours de Krzysztof Penderecki : „L´échoppe de l´orfèvre” („Az aranyműves boltja”). Autre originalité : la reprise en version opéra et formation symphonique d´un music-hall à succès des années quatre-vingt, „Le Roi Étienne” (István a király), en quelque sorte un „musicalopera”. A signaler encore une version scénique du Messie de Haendel. Et „Cantates en croix” (Keresztkantáták), monodrame pour voix de basse (dans le rôle du Christ) sur une musique de Bach. Côté ballets, sept créations, dont une autour du thème de la Misa criola, adapté par László Velekei.

Beaucoup de nouveautés, donc. Voire des productions encore jamais vues sur une scène d´opéra. Sans pour autant négliger le grand répertoire, de Carmen à la Bohême en passant par les Noces et Rigoletto, de Gisèle au Casse-noisette en passant par Sylvia et la Fille mal gardée, soit, sur l´ensemble des deux salles, une trentaine d´opéras, une quinzaine de ballets et trois œuvres religieuses. Néanmoins, les programmateurs ont avant tout voulu sortir des sentiers battus pour aller au-devant du public avec des œuvres pour la plupart totalement inédites, les lui faire découvrir et apprécier, notamment prises dans le répertoire hongrois. Une initiative courageuse à saluer.

Par ailleurs, cette saison bénéficiera à nouveau de la contribution de nombreux artistes venus de l´étranger : chanteurs (sur scène ou en récital), metteurs-en-scène. Chefs et chorégraphes. Ne pouvant les nommer tous, nous nous bornerons à en citer quelques-uns: le ténor allemand Peter Seiffert (Tannhäuser), le baryton-basse uruguayen Erwin Schrott - qui, dans les Noces, tiendra alternativement les deux rôles du comte et de Figaro - ou encore le baryton allemand Michael Volle et son épouse mezzosoprano Gabriela Scherer, la basse italienne Ferruccio Furlanetto, les chefs Daniele Callegari, Francesco Lanzillotta et Oliver von Dohnányi. 

Enfin, ne l´oublions pas, l´équipe de l´Opéra se produit également à l´étranger, principalement dans les provinces voisines, telle la Transylvanie où réside une forte minorité hongroise. Mais également dans des lieux prestigieux tels que le Lincoln Center. Au total 56 spectacles qui seront donnés dans 44 villes réparties sur 7 pays.

Pour en revenir à Budapest, à noter une série de spectacles spécialement conçus à l´attention des jeunes collégiens (L´Enlèvement au Sérail, János Hunyadi). Et, le 4 juin, un événement destiné à commémorer le centenaire du traité de Trianon, date déclarée Journée de la Solidarité nationale, avec entre autres une représentation du Roi Etienne et Psalmus hungaricus de Kodály qui sera donné en concert.

En tout plus de 460 spectacles et concerts, dont un peu plus de 400 à Budapest, répartis sur deux salles. La salle du Théâtre Erkel, tout d´abord. Salle de 2 400 places construite à la fin des années 1910, réouverte en 2013 après rénovation. Où étaient jusqu´à présent données toutes les représentations en raison de la fermeture pour travaux de la salle de l´avenue Andrássy. A quoi s´ajoute désormais un nouvel espace qui vient tout juste d´ouvrir ses portes : l´Atelier Eiffel. Il s´agit d´un ancien atelier-remise de locomotives, totalement restauré et réaménagé. Outre son rôle d´entrepôt, de montage et de lieu de répétitions, ce nouvel espace multifonctionnel, placé sous le signe de la convivialité, est destiné à favoriser les échanges avec le public sous diverses formes. Il contient également un amphithéâtre de 400 places (salle Bánffy). Une sorte d´opéra de poche, donc, plus spécialement dédié aux répertoires baroque et préclassique, ainsi qu´à des créations contemporaines. En guise d´inauguration y sera donné L’Oca del Cairo ossia Lo sposo deluso, d´après deux opéras inachevés de Mozart (1).

Comme l´on voit, une saison 2019-2020 qui s´annonce riche et variée et nous promet de beaux moments, notamment par la découverte d´œuvres rarement ou jamais jouées. Et encore n´en avons-nous donné ici qu´un aperçu. Seul regret : cette fermeture de la belle salle de l´avenue Andrássy, sans cesse prolongée (il est vrai, pour une refonte de fond en comble de tout le bâtiment, infrastructures et installations). Mais bon, qui sait ? Peut-être en verrons le bout plus tôt que prévu ? Dans le monde de l´opéra, les prodiges sont après tout chose courante.

Pierre Waline

(1): dont nous rendrons compte dans ces colonnes.

Photos : Magyar Állami Opera

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