OLAH LALA!
Et pourquoi pas, cette semaine, une petite histoire franco-hongroise assez savoureuse qui a déclenché dernièrement une véritable tempête sur les claviers de certains journalistes parisiens : L’affaire Romengo.
Le 9 mai dernier ce célèbre groupe hongrois de musique Olah, vainqueur de la Star Ac’ ici, s’apprêtait tranquillement à rentrer en avion à Budapest à la fin d’une tournée française très remarquée qui les avait notamment vus jouer à Sablé sur Sarthe (terres ô combien chères au cœur de notre actuel Premier Ministre). Authentiques guest-stars, représentants officiels d’une culture Rom qui fait parler d’elle, ils étaient bien évidemment entrés sur le territoire en invités de marque. Contre toute logique, il leur fut beaucoup plus compliqué d’en sortir. Le long litige assez tendu qu’ils eurent à Roissy avec la police de l’air & des frontières au sujet d’un liquide nettoyant de guitare suspect, car peut-être explosif, fut suivi par le refus catégorique du commandant de les accueillir à bord de son vol Air France. De plus, il semblerait que les esprits échauffés de certains passagers ainsi retardés, aient quelques peu débordés en se refusant à voyager courtoisement avec ces Gitans. Voilà bien un incident de frontière regrettable et peu à notre honneur qui s’inscrit bien cependant sur la longue liste des tribulations malheureuses des Roms d’Europe. Mais ce n’est pas tout : un ancien consul de Hongrie en France, István Kovács, entendit parler de l’affront, et publia mi-mai dans le quotidien Magyar Hírlap un papier vivement troussé en s’offrant au passage un petit parallèle assez cocasse avec le bon temps du communisme. Le magazine Courrier International repère alors l’article, le fait traduire et le vend au quotidien gratuit Matin Plus qui décide dans un brusque revirement de dernière minute, de ne pas le publier.
Et voilà bien l’affaire Romengo purement et simplement lancée !
L’information fait boule de neige car il s’avère que Matin Plus appartient majoritairement au groupe Bolloré (oui, le Bolloré grâce auquel Sarko est monté très récemment en bateau). Et là immédiatement, les suspicions de pressions venues d’en haut planent et quelques gros mots sont lâchés : censure décomplexée, liberté de la presse en danger et articles “trappés”. Bref, ça s’agite beaucoup du clavier entre le site Rue 89, Libé, Courrier & le Monde jusqu’à ce que cette arlésienne soit enfin publiée le 6 juin dans le journal incriminé et que le groupe Romengo se voit alors relayé au rayon des faits divers usagés. Olah lala, quelle histoire ! Mais qui sont en réalité ces fameux musiciens dont on a presque oublié de nous parler et auxquels on fait toute cette publicité tronquée ?
Et bien ce sont simplement des artistes extraordinaires porteurs d’une tradition orale et musicale unique en Europe. Issus d’une communauté venue en Hongrie au 19ème siècle pour fuir l’esclavage auquel ils étaient réduits en Valachie ( au sud de la Roumanie), ils ont longtemps vécu en marge de la société et jalousement veillé à la conservation de leur langue et de leurs traditions. Leurs chants, à l’origine simplement accompagnés de percussions ménagères (cuillères, pots de fer…), racontent leur vie quotidienne, leurs joies, leurs peines et prouvent bien que le rap n’est pas né d’hier : scansions de mots (pergetés) et bits de basses avec la bouche (szájbôgôzés). Le groupe Romengo en est actuellement une des formations modernes la plus connue et reconnue avec d’autres groupes comme Romano Drom, par exemple. Les voir en concert est un bonheur qui permet de découvrir qu’une certaine jeunesse branchée de Budapest est en train d’inventer une nouvelle façon de danser. D’Est en Ouest, vous voulez parier, elle va vous donner des ailes aux pieds. J’en mettrais volontiers mes chevilles à couper. Sur scène, la chanteuse/danseuse/comédienne Monika Lakatos est fantastique et cette musique du rassemblement dégage une authentique énergie partagée.
Ainsi vous le voyez, ce qui est certainement le plus triste dans cette histoire c’est que ça ne soit pas pour leur art qu’on en a tant parlé. Certes, cette affaire est bien dommage, d’autant plus que le groupe voyageait avec une petite fille de 9 ans qui doit certainement penser que la France n’est peut-être pas la terre de fraternité qu’elle se flatte d’incarner. Mais ici et maintenant, je vois bien un moyen de nous racheter : devenir zinzin de musique Olah et surtout, de continuer à danser d’un pied de nez léger.
Marie pia Garnier
* Vous pouvez lire ce fameux article qui n’en demandait certainement pas autant sur :
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