Nouveau pacte au sein de la coalition

Nouveau pacte au sein de la coalition

Les événements politiques de ces derniers mois, la popularité croissante du parti d’opposition Fidesz et l’affaiblissement de la position du premier ministre Ferenc Gyurcsány ont amené la coalition socialiste-libérale de gauche au pouvoir à donner un nouveau souffle aux réformes qui sont au coeur même de la politique du gouvernement. Un nouveau document concernant ces réformes a été signé entre les partis de la coalition le 1er juillet dernier. Ce texte ne comporte dans son ensemble aucune nouveauté, les enjeux de ce nouveau traité entre les partis au pouvoir se trouvent donc ailleurs.

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Le premier ministre, qui occupe en même temps la présidence du parti socialiste, a signé, avec le chef du parti libéral (SzDSz) János Kóka, ministre de l’économie, un nouveau traité de coalition. Ce traité définit le programme des réformes que le gouvernement souhaite mener à bien jusqu’à la fin du cycle parlementaire (2010). Le programme ne témoigne d’aucune différence structurelle par rapport au plan de convergence, approuvé par Bruxelles à l’automne dernier, qui trace les grandes lignes de la politique économique que la Hongrie devrait suivre dans les années à venir. Seul l’ordre des mesures a été quelque peu modifié.

Le nouveau traité se compose de quatre parties : la croissance économique, l’équité, la transparence et la santé. La croissance économique devrait prendre un essor grâce à la réduction des dépenses de l’Etat et à l’augmentation des impôts. Par équité, il faut entendre les mesures d’ordre social et éducatif : emploi, égalité des chances, frais scolaires, programmes de formation professionnelle. En ce qui concerne les mesures visant à améliorer la transparence des institutions et de la politique, nous pouvons noter quelques nouveaux points : le règlement, par exemple, des dossiers concernant les agents secrets du régime précédent qui, de même qu’en Pologne, reviennent régulièrement à occuper l’opinion publique, ou encore quelques clauses impliquant des questions écologiques. La partie consacrée à la santé publique est le fruit d’un compromis qui achève plusieurs semaines de débat entre les partenaires de la coalition. Il s’agit notamment du projet de garder les caisses d’assurance maladie dans le domaine public et non privé, ce qui sied plutôt aux socialistes qu’aux libéraux qui auraient laissé une plus grande place à la libre concurrence entre groupes privés. Les clauses écologiques reflètent plutôt la volonté des libéraux, les points concernant l’équité dévoilent davantage des perspectives socialistes, mais, en somme, le contenu de ce nouveau traité n’apporte pas de modifications dignes de ce nom dans la politique menée par la coalition depuis l’investiture du gouvernement en 2006.

Pourquoi donc y avait-il besoin de signer un nouveau traité en cours de route ? Ferenc Gyurcsány et le SzDSz restent fermement engagés sur le chemin des réformes, qu’il ne s’agit pas de ralentir ou de redéfinir aujourd’hui. C’est plutôt une confirmation de la détermination du gouvernement que révèle ce document. Il se trouve que le groupe parlementaire socialiste semble enclin à ralentir les réformes, certainement en calculant d’ores et déjà les chances électorales des socialistes en 2010. Lorsqu’on pense au fait que jusqu’à présent le rythme des élections aura systématiquement saboté la chance de réformes à la fois courageuses et nécessaires, ce «doute» croissant au sein de la majorité ne témoigne pas vraiment d’un sens aigu des responsabilités politiques.

Les réformes n’ont pas d’alternative : c’est ce que communique par ce nouvel accord le premier ministre et son partenaire libéral vers les électeurs, mais aussi vers la majorité de gauche supposée les soutenir. Le traité est une sorte de déclaration, un message ouvert qui souligne la volonté de Gyurcsány de ne pas dévier sa politique au cours de son mandat.

La coalition gouvernementale n’a pas vécu ses plus beaux moments au cours de ces derniers mois. Gyurcsány s’est en quelque sorte retrouvé entre deux feux : d’un côté, la popularité du premier ministre n’a cessé de baisser au sein de la population ; de l’autre, le groupe parlementaire socialiste, craignant à moyen terme cette chute dans les sondages, s’est montré de moins en moins convaincu des mesures qui misent sur des résultats à plus long terme (mesures dont la logique veut qu’un bien-être croissant suive une période relativement courte d’austérité et donc d’impopularité).

En guise de réponse, le premier ministre a effectué une légère concentration du pouvoir en limitant la sphère d’influence du groupe parlementaire et du parti lorsqu’il a été élu à la tête de ce dernier en février 2007. Le groupe et les membres du parti pèsent désormais moins sur les décisions du gouvernement. Au bout d’un an, Gyurcsány a également remanié son gouvernement. En même temps, ce remaniement s’est contenté d’interchanger quelques ministres, sans se séparer de qui que ce soit. Le «remaniement» est supposé donner un nouvel élan à l’activité politique de la coalition au pouvoir; par la même occasion, en tant que modification plutôt limitée, il satisfait l’arrière-pays socialiste de Gyurcsány que des changements plus profonds auraient probablement irrités, ce qui aurait eu pour conséquence d’envenimer les relations entre le parti et son président.

Il faut noter toutefois que malgré les critiques formulées du côté du parti socialiste, il reste dans l’intérêt de ce dernier de garder Gyurcsány à la tête du gouvernement. De façon contradictoire, les socialistes doutent du succès des réformes tout en espérant, à défaut d’alternative, que ces réformes porteront leurs fruits à temps et augmenteront à partir de 2009 le niveau de vie des citoyens. Pour le dire autrement, la position du parti vis-à-vis du premier ministre est : «ni avec, ni sans lui».

Le texte signé le 1er juillet dernier reflète la logique politique du moment où les intérêts et les perspectives oscillent entre les calculs électoraux et le rôle modernisateur de l’équipe gouvernementale actuelle. La question est aujourd’hui de savoir jusqu’à quand le parti socialiste «aura besoin» de Gyurcsány et si son rôle politique surmontera l’éternel cycle des promesses électorales qui se sont avérées irresponsables jusqu’à aujourd’hui. Sachant que les réformes d’aujourd’hui suivent une victoire électorale également apportée par des promesses intenables, on peut se demander si le «réformisme éclairé» de l’actuel premier ministre est un rôle politique tenable.

Pál Planicka

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