Nouveau député, nouveaux défis
Rencontre avec Pierre-Yves Le Borgn’
Après une campagne digne d’un marathon, sur des distances hors-normes comparées à celles d’une circonscription «normale» métropolitaine, Pierre-Yves Le Borgn’, candidat socialiste aux législatives sur la 7ème circonscription incluant la Hongrie, a remporté l’élection le 17 juin dernier contre Ronan Le Gleut, candidat UMP. Il a fait ses premiers pas au Palais Bourbon avec beaucoup d’émotion. Il étrenne également cette situation inédite dans la vie politique française puisque, c’est la première fois que des députés sont élus pour représenter les Français de l’étranger.
JFB : Que s’est-il passé pour vous depuis votre victoire aux élections législatives du 17 juin ? Comment avez-vous vécu vos débuts en tant que député ?
Pierre-Yves Le Borgn’ : A vrai dire, le lendemain de l’élection, je n’ai pas souhaité me précipiter à Paris et tomber dans le barnum de la presse. J’ai donc patienté jusqu’au jeudi pour me rendre au Palais Bourbon. En sortant du métro, j’ai ressenti mon premier grand moment d’émotion, marchant vers l’Assemblée nationale, que je voyais en face de moi, j’ai réalisé alors pleinement ce qui m’arrivait. Je me suis rendue dans la tente dédiée aux nouveaux députés où j’ai été accueilli par des huissiers qui m’ont remis la mallette traditionnelle avec écharpe et cocarde. J’ai été pris en photo également dans l’hémicycle. Cet instant, assis sur un banc, face à la tribune, fut mon deuxième grand moment d’émotion de la journée, un instant où j’ai pensé aux grands hommes qui ont siégé dans cette assemblée, Jaurès, Blum, Mendès France, Mitterrand, et à ma famille bien sûr. C’est le 26 juin que j’ai siégé pour la première fois, afin d’élire le nouveau Président de l’Assemblée nationale.
JFB : Comment organisez-vous votre temps désormais, entre votre circonscription et votre présence à Paris, sur les bancs de l’Assemblée nationale ? Avez-vous une permanence parlementaire dans votre circonscription ?
P-Y LB. : J’ai installé fin septembre une permanence à Cologne avec deux collaborateurs, Gabriel Richard-Molard et Cyril Mallet, qui se partagent les dossiers des seize pays de la circonscription, la gestion du site Internet et l’élaboration de ma newsletter. Dorothée Bellage suit à Paris mon activité législative et gère mon agenda. Je suis à Paris du mardi au jeudi et dans ma permanence de Cologne le vendredi. Le choix d’un lieu pour tenir une permanence n’est pas simple quand le territoire qui constitue la circonscription est aussi étendu. Mais Cologne s’est imposé, pour des raisons pratiques bien entendu, liées notamment au fait que la ligne ferroviaire Paris-Cologne soit directe. Mais ce Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a aussi une valeur symbolique pour moi car c’est le premier endroit d’Allemagne où je me suis rendu ado, puis dans le cadre de mes activités professionnelles.
JFB : Avez-vous l’intention de programmer des déplacements sur cette grande circonscription ?
PY LB. : Bien entendu. J’avais parcouru presque tous les pays de la 7ème circonscription pendant ma campagne, mais ce furent des visites éclair. Je peux désormais prendre plus de temps pour rencontrer nos compatriotes dans chaque pays. Mes premiers déplacements ont été programmés pour les 6 prochains mois. A l’occasion de chacune de ces visites, je tiendrai une permanence au Consulat de France ou à l’Ambassade, ainsi qu’une réunion publique dans la soirée. Les compatriotes seront bien entendu informés un mois en amont des dates de ces voyages. Je souhaite me rendre en Hongrie au début du printemps 2013.
JFB : L’élection de parlementaires pour représenter les Français de l’étranger est-il une spécificité française ?
P-Y LB. : Non, cela existe déjà en Italie, depuis 2000, où 12 députés et 6 sénateurs sont élus à cet effet. Au Portugal également, qui est le précurseur en la matière, puisque depuis 1974, les expatriés portugais sont représentés au sein de leur Parlement. Les Espagnols et les Roumains y songent désormais. Hors Union européenne, l’Algérie et la Tunisie notamment utilisent ce type de représentation parlementaire.
JFB : Et au Palais Bourbon ? Les députés des Français de l’étranger forment-ils un groupe à part ?
P-Y LB. : Nous avons forcément des points communs, dans le respect cependant d’appartenances politiques différentes. Tout reste à établir pour ce qui nous concerne. Je me considère comme un député de France, au même titre que les autres députés. Je vote la loi et le budget comme les autres et fais partie de la communauté nationale. D’ailleurs l’Assemblée nationale, c’est un peu comme un village !
JFB : Vous êtes membre de la commission des lois, en charge notamment de la veille européenne. Vous êtes rapporteur pour avis du projet de loi de ratification du régime matrimonial franco-allemand ? Vous êtes enfin Président du groupe d’amitié parlementaire entre la France et l’Allemagne, comment s’organisent concrètement ces tâches ?
P-Y LB. : Je découvre au jour le jour le travail de député, avec beaucoup de sujets et priorités dès cette première année de mandat. En tant que député des Français de l’étranger, j’ai une certaine légitimité sur des sujets d’envergure européenne. C’est le cas de tout ce qui touche la relation franco-allemande, fondamentale pour l’Union européenne, et qui doit s’orienter sur une communauté de projets. Cette année 2013 célébrera d’ailleurs le 50ème anniversaire du Traité de l’Elysée et l’amitié franco-allemande. Je suis rapporteur pour avis sur la ratification du régime matrimonial franco-allemand et défendrai mon rapport en séance à la mi-novembre. Le droit de la famille dans des situations de binationalité est souvent malmené, et de sérieux progrès doivent dès lors être réalisés en la matière vers plus de sécurité juridique. Il faudra ensuite poursuivre le travail législatif sur les questions d’enlèvements d’enfants par un des parents, de tutelle sur les personnes âgées, de droit européen des successions (...). Il existe en effet un vide juridique sur nombre de ces sujets qui touchent nos ressortissants français. Au cœur aussi de mes missions actuelles, la dématérialisation des actes pour les consulats, qui sont des procédures innovantes et plus rapides, mais qui ne doivent pas exclure ceux qui n’ont toujours pas d’accès à internet, les personnes âgées en particulier. Je reste plus que jamais attaché au service public consulaire de proximité.
JFB : Vous travaillez en relation avec le gouvernement, et notamment Hélène Conway, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger ?
P-Y LB : Oui, je suis en contact très fréquent avec Hélène Conway, notamment sur le dossier très sensible des enlèvements d’enfants comme aussi sur l’aide à la scolarité dans les lycées français. Je suis intervenu également auprès du cabinet d’Aurélie Filipetti ainsi que de Pierre Lescure concernant l’accès en ligne depuis l’étranger aux programmes des chaînes de France Télévisions. Ne plus avoir accès à France 2 et France 3 sur un bouquet de distribution locale est un handicap lorsque le géolocalisage empêche l’accès à ces programmes en ligne. Nous essayons donc d’attirer l’attention de France Télévisions sur ce point, et de développer une politique de défense culturelle et de rayonnement de la Francophonie. Il s’agit là d’un sujet très important.
JFB : Que pensez-vous du débat parlementaire très animé que nous avons pu suivre sur la ratification du TSCG (Traité sur la Stabilité, la Coopération et la Gouvernance ) ? Quelle est votre position ?
P-Y LB. : J’ai voté la ratification de ce Traité avec conviction. Mon intervention en session sur ce point a certainement été l’une des moins polémiques car j’ai souhaité resituer ce débat dans le cadre d’une étape nouvelle de la marche vers une Fédération d’Etats nations. L’Europe connaît aujourd’hui un contexte exceptionnel marqué par la récession. Il faut dès lors et de manière urgente envisager une Union européenne à cercles concentriques, apporter une réponse fédéraliste à l’inachèvement de la monnaie unique si on ne veut pas que la zone Euro éclate. L’élargissement ne doit pas être un frein au mécanisme d’intégration, en particulier pour ceux qui veulent s’intégrer davantage. Il faut de toute évidence associer gouvernements, Parlement européen et Parlements nationaux dans le contrôle démocratique de la gouvernance économique. Les Etats doivent partager leur souveraineté dans les domaines économiques, budgétaires, et fiscaux. Il est désormais de notre devoir de faire «une Europe par la preuve» ensemble.
JFB : Considérez-vous qu’en tant que député des Français de l’Etranger sur une circonscription européenne, vous avez un rôle à jouer pour défendre les valeurs de l’UE à l’Assemblée nationale et au sein même du PS ?
P-Y LB. : Mon expérience professionnelle à l’étranger et aussi en tant que Premier Secrétaire Fédéral de la FFE (Fédération socialiste des Français de l’étranger) du Parti Socialiste, m’ont permis de vivre le brassage de la gauche européenne dans toute sa diversité. Je peux témoigner de cette expérience il est vrai, aussi et malheureusement des échecs de certaines politiques de gauche, comme en Espagne, avec Zapatero. Ces constats doivent nous servir de leçon et nous permettre de trouver un juste équilibre dans la mise en œuvre des politiques nationales, sans jamais nous éloigner de l’esprit européen.
Il est possible de contacter Pierre-Yves Le Borgn’ aux coordonnées suivantes :
A Paris : +33 (0) 1 40 63 06 12
A Cologne : +49 (0) 221 29 93 06 08
Mail: pyleborgn@assemblee-nationale.fr
Gwenaëlle Thomas
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