A notre santé !

A notre santé !

L’article 152 du traité CE prévoit qu’un «niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques et actions de la Communauté». A l’heure où, même en France, de graves problèmes se posent quant aux possibilités d’accueil des patients et quant à la qualité des soins qui leur sont administrés, cette affirmation à tout du voeu pieux à l’échelle de l’Union.

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Une grande diversité de situations et un problème de compétence

Depuis les deux derniers élargissements de l’Union européenne, la notion d’Europe de la Santé recouvre une grande variété de réalités de la plus sordide à la plus futuriste. S’il n’y a pas d’antagonismes entre la politique communautaire et les diverses politiques nationales, il serait néanmoins nécessaire de bien répartir les tâches. Compte tenu des différences en matières d’attribution des compétences ( par exemple en ce qui concerne les compétences régionales) le ministre de la santé n’est pas toujours l’autorité compétente, ce qui ne facilite pas les choses. L’organisation des systèmes publics de soins reflète par ailleurs une vision culturelle de la société, la présence de différentes cultures implique donc des systèmes différents. Et, bien entendu, il existe une différence dans la situation économique des pays concernés. Pour illustrer ces différences, il suffit de dire que la part de la protection sociale dans le PIB est, par exemple, deux fois plus élevée en France qu’en Lituanie. Mais, en gros, le dilemme est partout le même : soit, assurer la maîtrise des coûts au détriment de la qualité des soins, soit, à l’inverse, imposer la qualité des soins au détriment de l'équilibre budgétaire. La mise à disposition des soins est une prérogative chère aux Etats et dans l’Union actuelle la tendance serait plutôt à la création d’une médecine à deux vitesses.

8 % des Polonais n’ont pas de couverture sociale et ce n’est pas un exemple isolé. Dans un autre ordre d’idée, l’absurdité du référendum hongrois du 9 mars montre bien à quel point la notion de systémique est inconnue du grand public. En ce qui concerne les Etats plus favorisés et un peu mieux organisés, on tâtonne toujours. L’institution en France du nouveau système de rationalisation de la gestion hospitalière à tendance à pousser les malades dehors, le système suédois à les faire se déplacer vers des régions plus performantes, et si l’on ajoute le tourisme médical, le casse-tête est complexe à souhait. Sachant qu’en la matière il est impossible d’imposer des normes générales, la Commission n’a que la possibilité de favoriser la coopération.

Livre blanc et plan d’action 2008-2013

L’année 2008 marquant la fin du dernier plan d’action européen en matière de santé, une nouvelle stratégie a été mise au point en octobre 2007. Un livre blanc qui prend acte des difficultés de mise en œuvre du plan précédent et détaille les stratégies à mettre en œuvre à moyen terme. Réaffirmant que «la prospérité de l’Union européenne dépend dans une large mesure de l’état de santé de ses citoyens» ( ayons ici une pensée émue pour Jacques Chabannes, seigneur de La Palice et, lui aussi, injustement considéré comme un naïf par la postérité) le livre blanc retient quatre grands principes : la solidarité, la participation des citoyens à l’élaboration des politiques, la nécessité de réduire les inégalités en matière de santé et l’intégration des questions de santé dans toutes les politiques en mettant en vigueur de nouveaux partenariats, par exemple avec les ONG, l’industrie, le monde universitaire et les médias. Ce document fixe aussi dix-huit actions concrètes à mettre en œuvre dans les deux années à venir. On note, par exemple, l’optimisation de la collecte et du traitement des informations en matière de santé avec la création d’indicateurs communautaires et le développement des études d’impact. L’accent devrait aussi être mis sur la santé des personnes âgées et des jeunes et la lutte contre les fléaux que sont l’alcoolisme et le tabagisme. Des structures vont être mises en place pour mieux gérer la coopération entre les Etats membres en ce qui concerne les alertes en matière de pandémies, le dépistage des cancers, les transplantations d’organes et l’accent va être mis sur la nécessité d’une plus grande harmonisation des politiques de santé, le but étant de parvenir à offrir à tous « des services de santé sûrs, de qualité et performants ».

La carte européenne d’assurance maladie électronique et le dossier médical européen

Ces deux projets éminemment symboliques ne semblent pas près d’aboutir du fait de problèmes techniques et juridiques. En ce qui concerne la CEAM électronique, le consortium chargé du projet netc@rds peine à mettre au point une "station de travail" capable de lire différentes cartes à puce et/ou de transférer les données depuis un serveur distant. Compte tenu des diversités de situations et des difficultés que rencontrent déjà les pays tentant de mettre au point des outils modernes en matière d’assurance maladie, la France en est un excellent exemple, ce n’est pas étonnant. Il reste que ces deux projets symbolisent bien les contradictions de l’Union à 27 : il faut moderniser le système pour mieux le rationaliser alors que dans le même temps, dans certains pays (je ne vise personne, je ne veux pas de problèmes !) on doit apporter sa nourriture et ses médicaments lorsque l’on est hospitalisé et verser un bakchich à l’infirmière si l’on veut un verre d’eau… Albert Einstein disait «un problème sans solution est un problème mal posé». Il semble que l’on n’ait pas fini de poser celui-ci…

Xavier Glangeaud

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