Nicolas Sarkozy : « La France a encore beaucoup à apporter au monde »

Nicolas Sarkozy : « La France a encore beaucoup à apporter au monde »

Devant les parlementaires, les ministres et le corps diplomatique, le président de la République a inauguré un nouvel évènement dans la vie politique française avec son discours de politique étrangère. Une vision classique des relations internationales centrées autour du rôle de l’Etat-nation et l’intégration de nouvelles réalités géopolitiques ont été affirmées.

Un volontarisme réaliste pour doctrine

Aux « réactions de refus, aux réflexes identitaires, aux tentations nationales ou religieuses de retour, à la violence, [et la référence à de] mythiques âges d’or » face à la globalisation, Nicolas Sarkozy oppose un dogme de politique étrangère fait de « multilatéralisme efficace fondé sur le respect par tous de règles communes et la réciprocité ».

C’est « sur fond d’inquiétude et de désillusion », que sont définis trois défis. Le premier, accréditant l’idée du choc des civilisations tout en voulant lutter contre, est celui de lutter contre « une confrontation entre l’Islam et l’Occident ». Le deuxième est celui de l’intégration dans le système international des « géants émergents que sont la Chine, l’Inde ou le Brésil ». Le troisième est celui de la lutte contre « des risques majeurs que nous sommes, dans l’Histoire de l’humanité, la première génération à identifier scientifiquement et à pouvoir traiter globalement, qu’il s’agisse du réchauffement climatique, des nouvelles pandémies ou de la pérennité des approvisionnements énergétiques ».

Pour lutter contre ces maux, le Président français entend mettre en avant la moralisation de la politique étrangère autour des termes de « détermination », « concertation » et d’« ouverture ». Une moralisation qui confine à l’universalisme avec la « promotion des valeurs de notre République ». En cela, la continuité prévaut largement avec ses prédécesseurs. Mais une nouvelle variable, endogène, est introduite : pour se faire, le Président compte s’appuyer sur « un peuple ambitieux et confiant, une société réconciliée avec elle-même et une économie performante ». Vu le nombre et le poids des dossiers dans lesquels la France se projette, cela s’avère effectivement nécessaire.

Les dossiers prioritaires

Sa nouvelle doctrine posée, Nicolas Sarkozy entend définir les dossiers prioritaires pour la diplomatie française. Le Kosovo, tout d’abord, car ce sont « les pays de l’Union qui devront assumer l’essentiel des responsabilités et des coûts et que c’est dans l’Union que se situe l’avenir à long terme de l’espace balkanique ». Le Président lance ainsi trois appels : un appel au compromis aux parties serbe et kosovare, un appel à la retenue aux partenaires russe et américain, et un appel à l’unité aux Européens.

Le second dossier est l’Afghanistan, où l’implication de la France est nettement réaffirmée. Il s’agit de donner les moyens avant tout aux Afghans de lutter eux-mêmes contre un extrémisme religieux dont les fondations culturelles ultraconservatrices du pays seront probablement difficiles à séparer. Par ailleurs, l’implication du Pakistan dans le dossier afghan indique l’investigation de la France dans une région où elle n’est pas historiquement dominante et relève d’une connaissance pointue des réalités régionales autant que d’une volonté de régler les crises dans une perspective transnationale si cela s’avère nécessaire.

Rompant avec l’héritage chiraquien de séparation des dossiers dans la région, le Proche et le Moyen-Orient sont analysés conjointement, selon la vision américaine de la région, en quatre sous-dossiers. Le premier est composé par le conflit israélo-palestinien dont le conflit inter palestinien est devenu une clef variable. Si la perspective d’un ‘Hamastan’ qui s’étendrait de la Bande de Gaza à toute la Cisjordanie est un peu poussée, c’est probablement pour amplifier le soutien apporté au Fatah de Mahmoud Abbas. La solution de deux Etats est affirmée très clairement et M. Sarkozy d’aller même jusqu’à parler de « deux Etats-nations » dans une vision nouvelle, équilibrée entre la sécurité d’Israël et du droit des Palestiniens à un Etat.

Le second dossier, le Liban, est également l’objet d’une nouveauté. Alors que les derniers gouvernements ont largement soutenu officiellement la majorité dite « anti-syrienne » de Fouad Siniora, il est désormais entendu que « la France est l’amie de tous les Libanais ». Quant à la position française face à la Syrie, elle reste inchangée, cette dernière devant nécessairement ne favoriser aucun mouvement pour remplir « les conditions d’un dialogue franco-syrien ».

En ce qui concerne l’Irak, la prudence est de mise : « La France était et demeure hostile à cette guerre. Que l’Histoire nous ait donné raison ne nous dispense pas d’en mesurer les conséquences. » Les principes de résolutions énoncés, fondés sur la « réconciliation nationale » restent peu probables à court terme, et la formulation diplomatique d’un « horizon clair concernant le retrait des troupes étrangères » ne suggère pas la nécessité de la coalition de se retirer particulièrement rapidement.

Quatrième dossier, le nucléaire iranien, est particulièrement mis en avant. Il s’agit d’« échapper à une alternative catastrophique : la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran ». Et le Président Sarkozy semble y attacher une importance de premier ordre puisque « cette quatrième crise est sans doute la plus grave qui pèse aujourd’hui sur l’ordre international ». Mais les exemples de la Libye et de la progression de la question nord-coréenne montrent la capacité de la communauté internationale à désamorcer les programmes nucléaires sensibles.

L’Europe constitue visiblement la condition sine qua non de la puissance française : « il n’y a pas de France forte sans l’Europe comme il n’y a pas d’Europe forte sans la France ». Après l’idée de ‘traité simplifié’ finalement imposée sur celle du sauvetage du projet moribond de Constitution, il est désormais question de la création « par les 27 [d’]un comité de dix à douze sages de très haut niveau […] pour réfléchir à cette question simple mais essentielle : « quelle Europe en 2020-2030 et pour quelles missions ? » ». Ce travail est censé répondre également à la répartition du couple approfondissement-élargissement à propos de laquelle M. Sarkozy a mis de l’eau dans son vin, puisque la question turque est laissée à l’appréciation des résultats de réformes d’Ankara.

L’accent est également mis sur l’Europe de la défense, affirmant la « complémentarité entre l’OTAN et l’Union » tout en regrettant le « déficit de capacité en Europe ». Il est donc prévu de lancer une nouvelle « stratégie européenne de sécurité » au niveau communautaire, et un « Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale » au niveau étatique. Il s’agit par là de se doter en Europe « de toute la palette des instruments d’intervention dans les crises : militaires, humanitaires, financières ».

Les autres organisations internationales sont également évoquées. Le Conseil de Sécurité de l’ONU s’élargirait, selon le Président Sarkozy, « avec comme nouveaux membres permanents l’Allemagne, le Japon, l’Inde, le Brésil et une juste représentation de l’Afrique ». Le FMI devrait également se réformer, et le G8, qui « doit devenir le G13 » avec la Chine, l’Inde, le Brésil, le Mexique et l’Afrique du Sud, devrait devenir une institution et prolonger les rencontres officielles.

L’évocation de Jean Monnet soutient par la suite l’idée d’une Union de la Méditerranée autour de quatre axes : « environnement et développement durable ; dialogue des cultures; croissance économique et développement social ; espace de sécurité méditerranéen ».

Mais la nouvelle politique étrangère française n’oublie pas les acteurs globaux, avec lesquels on ne transige visiblement pas. Les Etats-Unis tout d’abord, qui « n’ont pas su résister à la tentation du recours unilatéral à la force », la Russie ensuite, qui « impose son retour sur la scène mondiale en jouant avec une certaine brutalité de ses atouts », ou encore la Chine « en stratégie de contrôle » qui use de « politiques de puissance ».

Quant à l’Afrique, elle « restera une priorité essentielle », tant dans l’aide financière que dans la coopération politique. Une nouveauté consiste dans le fait que le continent noir, souvent objet de misérabilisme, est responsabilisé et que ses chances dans la globalisation sont avancées. Les conflits sont ainsi minimisés au profit du dynamisme « des forces vives du continent et notamment de sa jeunesse ». Quant à la crise du Darfour, la solution politique, concept revenant comme un leitmotiv, est défendue, et se trouve être le point de départ d’une conférence du Conseil de Sécurité sur « la paix et la sécurité en Afrique » présidé par la France.
Ce programme chargé de politique étrangère de l’Hexagone est motivé par un Président qui exprime explicitement sa « très haute idée de la France et de son rôle dans le monde d’aujourd’hui ». S’il s’avère efficace, l’ambitieux activisme de la France permettra donc peut-être la création de ce « système multilatéral et juste » qui s’inscrit dans une continuité diplomatique française jusqu’ici fort appréciée.

Péter Kovacs

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