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La santé en Hongrie

 

L'annonce par le gouvernement de son plan de sauvetage de la santé est aujourd’hui en discussion avec les structures et institutions de la santé. Le Fidesz, après avoir vivement critiqué la réforme amorcée par le gouvernement MSZP, «le programme des 21 marches», doit proposer des solutions concrètes pour remédier aux carences du système de santé.

Le nouveau Plan Santé porte le nom de «Semmelweis», incontournable dans le domaine de la santé en Hongrie. Ignace Philippe Semmelweis est un hongrois célèbre, puisque cet obstétricien œuvra pour l'hygiène en découvrant le principe fondamental de l'asepsie et en démontrant l'utilité du lavage des mains dans les actes médicaux, en particulier pour les accouchements. Il a ainsi fait chuter le taux de mortalité infantile. Aujourd'hui Semmelweiss est érigé en symbole de cette réforme qui ne s'annonce pas si glorieuse et qui risque peut-être de ne pas marquer l'histoire comme l'a fait Semmelweiss lui même.

«L'état de santé» des hongrois

La Hongrie fait aujourd'hui partie, avec La République Tchèque et la Slovaquie, des pays de l'OCDE (Organisation de Coopération et Développement Economique), qui consacrent le moins de ressources à la santé (7,4% du PIB contre 11,1% pour la France) et ceux dont l'espérance de vie est en queue de peloton (73 ans pour la Hongrie, en avant-dernière position devant la Turquie). Eurostat révèle pour 2010 que les causes premières de décès en Hongrie sont liées à des cancers et maladies cardio-vasculaires. Ces statistiques montrent également que le nombre de lits pour 100 000 habitants dans le secteur hospitalier et psychiatrique a chuté considérablement entre 1998 et 2007.

Force est de constater toutefois une corrélation nette entre ces indicateurs de santé médiocres et les régions de forte concentration de Roms (Nord Est et Sud Ouest) où les niveaux d'éducation sont les plus faibles.

 Un lien existe entre les évolutions de l'espérance de vie et du PIB. Une étude réalisée par l'Institut National pour le développement de la Santé (OEFI) entre 1986 et 2004 prouve en effet que l'espérance de vie croît pour toutes les catégories, sauf celles n'ayant pas eu accès à l'école. Il est démontré par exemple que l'hygiène de vie (alimentation, sport, tabac, obésité) dépend du niveau d'éducation. La solution préconisée par cet Institut est de prendre en compte la santé dans toutes les politiques, avec un réexamen du programme national de santé. Mais fondamentalement, il faudrait consacrer plus de moyens à ce secteur.

Le système de santé hongrois

La Hongrie est dans un système de santé de type anglo-saxon ou « beveridgien », c'est-à-dire étatisé. C'est donc un système en théorie peu onéreux pour les patients (et surtout pour les contribuables) puisque la Caisse Nationale de Santé (« OEP »), avec un budget autonome en déficit, finance l’ensemble des soins dans les limites des tarifs conventionnés (qui sont cependant sous-évalués). Mais la contrepartie logique (comme au Royaume-Uni), c’est que les listes d'attente pour être soigné s'allongent en raison d'un manque chronique de professionnels de la santé dans ce pays. Par conséquent, si on veut être soigné plus vite, deux solutions s'imposent : aller dans le secteur privé ou payer des dessous-de-table («hálapénz»).

Il est cependant difficile de remédier à cette situation car les médecins sont aujourd'hui sous-payés: le salaire moyen d'un interne hospitalier est inférieur à 800 euros.

Dès lors, de nombreux médecins émigrent. En 2010, ce sont plus de 1000 médecins, 20% de plus qu'en 2009, qui ont ainsi demandé aux autorités hongroises l'obtention d'un certificat afin de pratiquer la médecine à l'étranger. Cela concerne majoritairement les généralistes, suivis des anesthésistes. Mais c'est l'ensemble du corps médical (infirmières, pharmaciens, dentistes) qui est touché par cette émigration croissante. La raison principale de ces départs est bien entendu le salaire. Le système éducatif pour le secteur médical en Hongrie est pourtant réputé et le personnel médical de bon niveau.

Miklós Szócska, le Secrétaire d’État responsbal de la santé, admet qu’il n’y a globalement pas assez de ressources nationales consacrées à la santé, mais qu’au vu de la situation économico-financière actuelle, les marges de manœuvre du gouvernement sont quasiment nulles.

Le précédent gouvernement avait initié une réforme qui instituait, d'une part, le forfait de santé non remboursable et permettait de lutter contre les paiements informels, et introduisait, d'autre part, le secteur privé dans le financement de l'assurance santé. Un référendum d'initiative populaire a été organisé par le FIDESZ avec le slogan : « voulez-vous payer pour votre santé ? ». L'échec de ce référendum a eu pour conséquence de faire éclater la coalition gouvernementale de l’époque et de compliquer ensuite sérieusement la faisabilité des projets de « réformes structurelles » dans le domaine de la santé pour ce gouvernement.

Le contenu du « Plan Semmelweis »

Pour M.Szócska la tâche est donc rude puisqu’on lui demande aujourd’hui de modifier le cadre du système de santé, son financement, le développement des compétences, d’améliorer la qualité des soins et de stopper l’émigration des médecins, sans toucher au système d’assurance maladie en vigueur, ni lui accorder davantage de ressources. Il faudra ainsi qu’il rehausse le niveau du pays sur la moyenne de l’OCDE. Pas de raison en effet de rester en queue de peloton.

La solution principale repose sur des changements « structurels » et la «régionalisation» de la santé. Des directions régionales géreront un budget autonome, sous la direction de l’Etat et coordonneront les différents établissements de santé, ainsi que les médecins généralistes et spécialistes. Elles devront définir leur politique d’accès aux soins, de prévention de la santé et créer plus de visibilité et de coordination sur les parcours de santé (transfert de patients dans des établissements qui peuvent assurer les soins). Cela signifiera probablement un regroupement des compétences et la suppression d’établissements, même si ce n’est pour l’instant pas le souhait du gouvernement.

Ce Plan prévoit également la création d’une base de données informatique sur la santé pour tout le pays. Un signe de transparence !

Surtout, et pour rester cohérent (au vu des critiques formulées sous le gouvernement MSZP), le gouvernement Fidesz maintient le principe du financement public exclusif pour les hôpitaux (même si des financements privés peuvent être tolérés dans le cas des soins non-hospitaliers).

Le secteur pharmaceutique sera intégré à la réforme puisqu’il devra encourager désormais la prescription de médicaments génériques afin de réduire les coûts des remboursements de santé.

Enfin, le gouvernement souhaite donner une importance accrue aux soins de santé primaire et à la médecine générale.

Mais comment le gouvernement va-t-il financer ces propositions ? That is the question. Selon les informations du Secrétariat d’Etat à la Santé, il y aurait quelques milliards de HUF dans la Caisse Nationale de Santé (OEP) pour la transformation des capacités des hôpitaux et on attend encore et toujours des fonds européens. L’annonce des financements accordés à cette réforme devrait bientôt nous en dire plus sur la capacité (ou non) du gouvernement à modifier le système de santé.

 

Gwenaëlle Thomas

Sources : Eric Trottmann, conseiller pour les affaires sociales auprès des ambassades de France en Hongrie, Slovaquie et République Tchèque ; National Institut for Strategic Health Research (ESKI)

 

 

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