Mouvements anti- et altermondialistes en Hongrie

Mouvements anti- et altermondialistes en Hongrie

Comparés aux mouvements anti- et altermondialistes en Europe Occidentale, les représentations authentiques de ces courrants de pensée sont plutot faibles en Hongrie. En même temps, nous pouvons aisément identifier des attaques contre l’ouverture du marché sur la palette politique hongroise. Face au liberalisme représenté par la coalition de gauche dans le pays, la droite magyare s’est progressivement approprié les discours qui proposent de soi-disant « alternatives » au capitalisme sauvage qui est apparu avec le changement de régime, discours que nombre d’électeurs trouvent a leur goût, car ils restent déçus des résultats du changement.

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Il semble effectivement que les craintes vis-a-vis des mécanismes du marché revêtent plutôt des formes nationales, voire nationalisantes. Les causes de ce phénomene sont a chercher dans la façon dont le clivage gauche-droite s’est faconé a partir des années 1990. Suite à la chute du régime précédent, de même que dans d’autres pays de la région, nous avons pu assister en Hongrie a une renaissance de la politique de droite. Le probleme est que cette renaissance a signifié un retour à certains antécédents: renaître c’est renouer, se doter de références passées. Les traditions que la droite hongroise a pu recueillir et faire siennes se sont avérées désuettes et assez intempestives : le systeme autoritaire de l’entre deux-guerres a en effet éveillé chez un certain nombre de gens une nostalgie peu fondée. C’est entre autres pour cela que la nouvelle droite s’est laissé radicaliser pour ainsi dire contre le régime précédent, le socialisme, qui pourtant avait cessé d’exister apres 1990.

Nous pouvons parler d’une double nostalgie : la droite radicale, dont la représentation politique s’étend du Fidesz, grand parti actuel d’opposition jusqu’a l’extrême-droite, communique sa vision de l’avenir contre les perspectives de la coalition de gauche au pouvoir et en meme temps joue sur les réflexes populaires hérités précisément du régime précédent. Lorsque les membres radicaux du Fidesz traitent les socialistes et libéraux de « traitres de la nation », ils jouent sur ce double registre qui consiste à assimiler la gauche libérale d’aujourd’hui aux collaborateurs d’antan (les communistes hongrois) et, parallèlement, et à montrer la politique de gauche comme un pouvoir financier qui « pactise » avec le monde de l’argent. Cette facon de communiquer vise précisément les citoyens que le changement de régime a déçu, ceux qui jusqu’a présent n’ont pas eu l’opportunité de tirer profit des nouveaux mécanismes socio-économiques.

Ce qui en résulte, c’est que la critique du systeme qui, en Occident, s’opère a partir de la gauche et de l’extreme-gauche n’a pas su se développer en Hongrie. Pour ainsi dire, le libéralisme est en crise depuis presque vingt ans déja, puisque le régime socialiste stigmatise la gauche hongroise dans un rôle qui n’a pas grand-chose a voir avec la gauche au sens européen du terme.

En Hongrie, le libéralisme se situe a gauche. C’est la coalition « gauche libérale », telle que l’on l’appelle, qui cherche a réaliser des réformes qui sont prises en charge par des partis de droite en Europe Occidentale. Par conséquent, le prestige des valeurs de gauche est plutot douteux dans le pays. C’est ainsi que János Kóka, ministre de l’économie démissionaire et chef du parti libéral (de gauche) a pu dire à Paris, en juin dernier, que les réformes souhaitées par le nouveau président francais et les efforts de la coalition hongroise témoignent de beaucoup de points communs.

Bref, à gauche, il n’y a pas d’espace pour une critique du système. Le parti communiste, qui seul « défend » le pays contre le « mal capitaliste », a recueilli 0,5% des voix aux législatives de 2006. La représentation d’ATTAC en Hongrie se situe également dans cet espace réduit, marginalisé. Il existe une ONG, Védegylet (« cercle de défense »), de tendance écologiste, et il est a noter que le président de la république, László Sólyom, homme de droite, s’est manifesté aux cotés de cette association. Au nom de la société civile, le président, élu par le parlement mais qui se veut soi-disant exempt de politique et « proche des gens », a défilé, avec Védegylet, contre la construction d’un local de l’OTAN a Zengő, un pic proche de la ville de Pécs. Ici, c’est une forme « présidentielle », donc on ne peut plus centrale, qui s’est donnée des allures antiglobalistes, en défendant le local contre un réseau international.

Les jeunes, quant a eux, nient en partie l’aphorisme attribué a Clémenceau, selon lequel « tout homme qui n'a pas été anarchiste à vingt ans est un imbécile, mais c'en est un autre s'il l'est encore à quarante ». L’antimondialisme en Hongrie, comme le montre l’exemple du président Sólyom et de cette droite qui oscille entre une nostalgie douteuse et des perspectives anti-gauche libérale, se fait plutot vieux par-ici. La façon dont s’opère la mise en cause ou le rejet du système capitaliste en cours revêt des formes nationales, nationalistes. On se reconnait dans les symboles de la nation, on défend cette dernière contre l’ouverture et les jeunes qui s’adonnent a des critiques semblables à l’altermondialisme occidental ne viennent pas de gauche, mais bien de droite.

A gauche, on prône l’ouverture, certes. Mais les rapports politiques directs que permettent les mouvements occidentaux n’ont pas cours en Hongrie. L’antimondialisme est une façon de faire de la politique sur le terrain, de découvrir des rapports, des moyens et des styles de communications plus directs qui dénotent de la politique officielle. En Hongrie, cette « jeunesse de pensée » n’est pas dignement représentée. Si elle ne l’est pas, on ne peut pas s’y reconnaître et on ne peut pas la quitter non plus au bout d’un certain âge.

Pál Planicka

 

 

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