Moholy-Nagy, le peintre réinterprété
La nouvelle exposition de l’œuvre de László Moholy-Nagy au château de Buda présente les diverses étapes du style du peintre.
La nature et la technique sont les termes clés qui décrivent le mieux les débuts artistiques du peintre hongrois, entre 1916 et 1923. Connu et respecté des « gens du métier », il a influencé les peintres de son époque par sa mentalité novatrice et par l’intérêt qu’il a porté pour les médias. En effet, son souci principal avait été d’apprendre à ses disciples d’user de tous leurs cinq sens. Cela peut être aussi considéré comme la conception fondamentale de l’art de Moholy-Nagy.
L’idée d’une exposition sur les débuts de l’artiste a été donnée par un tableau à double face : en effet, la peinture Architecture I, une œuvre datant de la première époque de Moholy-Nagy avait été trouvée sous la surface d’un tableau plus récent. On a soigneusement supprimé la surface d’où une œuvre « à moitié » dadaïste est apparue. Cette dernière a attiré l’attention de la critique sur la quête du style et de la conceptualisation de Moholy-Nagy au début des années 20. C’est vers 1922 qu’il a trouvé son style abstrait, bien développé ; n’empêche que cela ne devrait pas reléguer ses débuts au second plan.
A l’été 1922, il a écrit une série d’articles pour faire connaître ses principes d’art et de pédagogie, ainsi que son idée utopique : il croyait définitivement en l’avènement d’une société juste. Moholy-Nagy a imaginé l’homme au centre de la vie, et l’art comme la manière et la condition pour la réalisation de soi, de son talent. Il était aussi l’adepte de l’idée de tectologie qui dit que le monde est la synthèse des énergies et non pas celle de la matière.
L’exposition met donc l’accent sur le développement de l’art de Moholy-Nagy. On peut non seulement y voir ses premières cartes postales dessinées au Front en 1918, présentant des thèmes militaires mais aussi ses portraits, ses gravures de lino, ses tableaux d’avant-garde. De plus, les organisateurs de l’exposition n’ont pas omis de donner un aperçu du milieu culturel et spiri-tuel au sein duquel vivait le peintre en exposant aussi certaines œuvres de ses contemporains qui l’avaient influencé, par exemple des artistes hongrois comme Lajos Tihanyi, Lajos Kassák, Sándor Bortnyik et Béla Uitz. En plus de ses propres tableaux et ceux de ses contemporains, on peut aussi jeter un coup d’œil aux journaux artistiques hongrois et allemands de l’époque (MA qui signifie « Aujourd’hui », Jelenkor « L’époque actuelle », Der Sturm) pour lesquels il a écrit bon nombre d’articles concernant l’art, avec ses propres illustrations. Enfin, sont exposés le modèle du « système constructif kinétique » (inventé en 1928 par Moholy-Nagy), une tentative de court métrage, et pour finir, l’adaptation datant de 2006 de l’ébauche du scénario de La dynamique d’une ville (1921-1925).
Même si Moholy-Nagy a été longtemps interprété comme un artiste qui touche principalement à des thèmes modernes, tels que l’industrialisation et qui travaille avec la précision d’un ingénieur, il a toujours préféré les idées et la perception à la technique. On a tendance à oublier qu’il était en même temps peintre et poète, ce qui a joué un grand rôle dans son ars poetica (c’est notamment Lajos Kassák, lui-même peintre et poète qui l’a « aidé » à donner forme à ses idées poétiques et artistiques lors de leur collaboration dans le journal Jelenkor). L’exposition présente de manière détaillée et de façon très intéressante la synthèse de l’esthétique et de la pédagogie, la réa-lisation d’un équilibre entre la nature et la technique qui s’opère dans l’œuvre du jeune peintre au cours de ses années d’apprentissage.
Tímea Ocskai
L’exposition de la Galerie Nationale Hongroise est ouverte tous les jours de 10h à 18h, à l’exception du lundi.
Pour davantage d’informations, consulter le site www.mng.hu
- 6 vues