«Mieux, ce serait pire» Le budget 2008 en Hongrie

«Mieux, ce serait pire» Le budget 2008 en Hongrie

La formule quelque peu cynique de la résistance des intellectuels des années 80 au régime de Kádár semble toujours d’actualité lorsque l’on prend connaissance du budget 2008 : la réduction des dépenses et les réformes sont légitimées par la gravité de la situation économique, et plus celle-ci empire, plus il faut faire d’efforts.

 

Depuis déjà près d’un an et demi, la machinerie de l’Etat gronde et produit des foules de lois qui constituent désormais la base des réformes structurelles. Parallèlement, la croissance du PIB pendant le second semestre 2007 est restée en Hongrie parmi les plus modestes des pays de l’UE. Et alors qu’aucune amélioration n’est encore sensible, la population et le secteur des entreprises restent toujours aussi pessimistes face à l’avenir. La conception du budget de l’année 2008 – une des lois les plus importantes sans laquelle l’on ne peut même pas parler d’action gouvernementale responsable – reposera sans doute, tout comme pour 2007, sur le triumvirat “rectification , restriction, réforme”.

La nécessité de trouver un accord sur la question budgetaire rend la fin d’année toujours difficile pour la coalition, qui par ailleurs ne manque pas de tensions, surtout si la réforme de certains régimes de la sécurité sociale (retraite, assurance maladie) se déroule parallèlement à ces négociations. Ce n’est donc pas par hasard si les mésententes entre les partenaires de la coalition, les groupes parlementaires et le gouvernement deviennent plus aiguës à cette période. C’est la période du sprint où il faut se concentrer sur l’harmonisation des idéaux des partis et marchander les ressources dont les portefeuilles, de couleurs politiques différentes, disposeront.

Il est clair que le budget 2008 suivra les tendances de celui de 2007. Parallèlement à la réduction rigoureuse des dépenses, il compte sur une augmentation des recettes pour que le déficit budgétaire optimal (tel qu’il est dicté par Bruxelles), animal sacré du projet de Convergence mis sur un piédestal, puisse être atteint. Objectif peu fiable auquel l’UE et les investisseurs étrangers ne font plus confiance. La coalition est donc dans une situation difficile, car l’optimisation du déficit budgétaire, qui définit d’emblée le contenu politique et économique de l’année à venir, ne lui permet pas de réaliser d’autres objectifs économiques ou sociaux, tels la réduction des effectifs dans l’administration ou la baisse des impôts. Toutefois, le gouvernement a de quoi se réjouir car la Cour des Comptes et la Banque Nationale ont chacune de son côté confirmé que l’optimisation du déficit budgétaire serait réalisable.

Selon le gouvernement, l’acquis le plus retentissant du budget 2008 est que la valeur réelle des dépenses sociales directes ne diminuent pas, contrairement aux dépenses de presque tous les autres domaines. Cette position est tout à fait justifiable d’un point de vue politique et social, cependant, les libéraux ne cessent de la bouder à cause de la situation «exceptionnelle» dont les retraités (censés voter plutôt à gauche de l’échiquier politique) profitent ainsi. La valeur réelle des dépenses alouées aux retraites, allocations familiales, allocations de maternité et prestations sociales ne changera pas, tandis que la baisse des subventions limitant le prix des médicaments, du gaz et de l’énergie par exemple, se poursuivra en 2008. Bien évidemment, l’argent provenant de l’UE sera l’objet d’une attention toute particulière. Faute de pouvoir maintenir le niveau des investissements gouvernementaux des années précédentes, il est logique d’essayer de les financer en faisant appel aux fonds européens. Selon le gouvernement, ceux-ci permettraient en fin de compte d’augmenter la proportion des investissements infrastructurels par rapport aux années précédentes, sans toutefois générer des dépenses supplémentaires de la part du gouvernement qui n’aura ainsi qu’à assurer sa part obligatoire nécessaire à ce système de cofinancement.

Quels sont les domaines défavorisés ?

Les soins médicaux en général et ceux concernant la prévention en particulier. Les subventions gouvernementales destinées au développement des transports et d’autres domaines économiques (l’une des missions du ministère de l’économie et des transports, considéré comme un fief libéral) seront également restreintes, tout comme celles allouées à l’éducation nationale. Après la réduction d’effectifs de 8000 personnes dans la fonction publique cette année, on s’attend en 2008 au licenciement de 6000 autres fonctionnaires, ce qui, selon la Cour des Comptes, pourrait mettre en danger le fonctionnement de l’administration publique.

La tension est palpable, non seulement au sein de la coalition (en particulier en ce qui concerne la réforme de la santé publique), mais aussi entre le gouvernement et les groupes parlementaires, et la loyauté envers le gouvernement s’est affaiblie au Parlement. Le débat sur les lois sur l’imposition (à la base des recettes du budget), ainsi que le projet de la réforme de la loi sur la fonction publique (qui aurait quasiment eu pour résultat le gel des salaires des fonctionnaires) ont cristallisé les tensions.

La gêne et la frustration, actuellement sensibles dans la vie politique, ainsi que les conséquences supposées des réformes ont sérieusement ébranlé les intérêts communs des membres de la coalition, en particulier après les récentes manifestations (depuis le changement de régime, le pays n’avait pas connu de tels soulèvements). Or, la réaction s’est longtemps faite attendre puisque la période des réformes et des rectifications successives s’était jusqu’à présent déroulée pratiquement sans aucune protestation organisée. La « journée de la solidarité » (le 21 novembre), organisée par des syndicats et certaines ONG (parmi lesquelles l’Organisation des Familles Nombreuses) en a apporté la preuve. Cette mobilisation, qui a touché une grande partie de la population, était un signe du mécontentement contre la suppression de certaines lignes de chemin de fer secondaires d’une part, mais aussi contre la privatisation et/ou la restructuration partielle du système médical et la réduction des retraites de base qui seront introduites à partir de l’année prochaine. La plupart des manifestants étaient issus de la fonction publique (représentants de l’industrie électrique, enseignants, cheminots...).

Il reste pourtant à évaluer dans quelle mesure cette manifestation, activement épaulée par le Fidesz, a réussi à mettre en valeur et vraiment représenter des intérêts sociaux (et politiques) et dans quelle mesure le gouvernement de coalition la considérera comme un signal d’alarme. Un bémol toutefois: les grèves tétanisant la France et l’Allemagne – par rapport auxquelles la «journée de la solidarité» semble tout à fait insignifiante – tombe à pic pour le gouvernement hongrois qui est parvenu à banaliser l’importance des grèves en Hongrie. Selon lui, celles-ci n’ont été sensibles qu’en raison de la mobilisation des cheminots (et la situation est d’autant plus banalisée qu’aucune ligne secondaire ne sera finalement supprimée).

Comme le montrent très bien ces mouvements de protestation, la résistance sociale, jusque-là peu visible, montre que la population est loin d’approuver la bonne orientation des réformes et les rectifications contenues dans le budget 2008, et, ce, même si le gouvernement pense le contraire...

Pál Planicka

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