Micro-hôpital
Quel meilleur moyen de se faire une idée d’un système de Santé que de demander à ceux qui y travaillent ou qui le fréquente au quotidien ce qu’ils en pensent ?
Nous avons donc été à la rencontre du système de Santé hongrois et voici les témoignages que nous avons recueillis pour vous, bien entendu seules les situations sont authentiques, la plupart des personnes interrogées ayant désiré garder l’anonymat.
Enikô, Interne
Du point de vue financier les choses vont mal, il y a de grandes disparités. Je travaille dans le 8ème arrondissement, c’est assez difficile au quotidien. Je pense qu’il existe des choses qui peuvent être faites avec peu de moyens. Instaurer un système de tutorat des étudiants plus jeunes par ceux plus expérimentés, par exemple. Nous ne pouvons pas nous former, en termes de pratiques hospitalière, dans les meilleures conditions car les médecins sont débordés. Douze externes qui débarquent et palpent un malade, ce n’est pas confortable pour le patient et pas très formateur pour l’étudiant. Il faudrait plus de contrôles préventifs, pour les cancers par exemple. Il faudrait aussi éduquer les populations, en diététique, sur les comportements à risques. Je refuse de prendre de l’argent quand des patients me le proposent, je ne veux pas partir à l’étranger mais je veux être mieux payée et avoir plus de moyens pour faire mon travail.
Ibolya, médecin de quartier
Je suis débordée, mais je pense que le gouvernement fait ce qu’il peut, il faut s’organiser. Dans mon secteur du deuxième arrondissement, il y a beaucoup de personnes âgées seules. A cet âge toute ont plus ou moins quelque chose, un petit pourcentage d’entre-elles n’ont pas toujours vraiment besoin de venir mais cela leur fait du bien psychologiquement. J’essaye de gérer les choses, mon assistante prépare en avance les ordonnances pour certains patients qui ont un traitement régulier et passent juste les chercher. Je traite le plus de patients possibles, il est vrai que certains examens demandent des semaines pour que le patient puisse avoir un rendez-vous et que les spécialistes sont débordés mais globalement, les choses se font. Il y a aussi des problèmes de remplacement et il faut parfois faire un examen d’une main et signer l’ordonnance de l’autre mais j’aime mon métier.
John, patient anglais
Globalement, je n’ai pas à me plaindre. Certains hôpitaux donnent une impression négative parce que les murs sont vétustes, les linoléums détruits par endroits. Il faut savoir où aller en cas d’urgence et trouver un médecin un dimanche après-midi n’est pas facile. En ce qui concerne l’argent au noir, globalement, en dix ans de Hongrie on ne m’en a demandé que quatre fois mais je n’ai jamais rien eu de grave ni été hospitalisé. On n’attend pas beaucoup plus ici que dans certains hôpitaux au Royaume-Uni ou en France. J’ai toujours été bien soigné mais j’aurais peur de me faire hospitaliser en Hongrie. L’ambiance, les chambres à plusieurs, le risque de devoir payer pour être sûr que l’on s’occupe de moi, tout cela me fait un peu peur.
Ivan, chef d’entreprise
Je suis médecin de formation. Tous les membres de ma famille sont médecins mais ma sœur et moi avons choisi de monter une entreprise au lieu de pratiquer. J’en ai aujourd’hui trois dont une de matériel médical en Suède. Je peux comparer les systèmes européens car je voyage beaucoup. Ce qu’il faut avant tout, c’est que les gens prennent conscience que leur corps est important, qu’il est le réceptacle de leur âme, qu’ils doivent en prendre soin, manger mieux, faire du sport régulièrement. Le rapport entre exercice privé de la médecine et exercice public est mieux organisé en France mais probablement pas applicable en Hongrie. Il y a une grande résistance au changement ici, la force de l’habitude. Les gens pensent que donner de l’argent leur assurera un meilleur traitement, c’est parfois vrai mais souvent les médecins font le maximum, argent ou pas.
Mariann, dentiste
Pour moi, tout va bien, je n’exerce que dans mon cabinet et je soigne des gens qui ont les moyens de demander ce qu’il y a de mieux y compris des interventions purement esthétiques.
Beaucoup d’étranger viennent ici et en profitent pour visiter la ville même si avec la douleur ce n’est pas idéal pour les vacances ! La différence entre le coût des soins dans leur pays et ici suffit à payer leur séjour et ils font encore des économies !
J’utilise du matériel suédois et j’ai travaillé à l’étranger après mes études. De nombreux étrangers viennent étudier la dentisterie en Hongrie, non seulement les études sont moins chères mais c’est un domaine dans lequel il y a beaucoup de praticiens de grande valeur y compris en province.
Attila, ophtalmologiste
Je travaille à l’hôpital, dans mon cabinet et dans une clinique privée. Je n’accepte jamais d’argent à l’hôpital et je ne tente pas de pousser les patients à prendre un rendez-vous privé.
Parfois, dans des cas médicalement très particuliers, je vais chercher moi-même le malade dans la salle d’attente pour qu’il n’attende pas mais ce sont des cas rares des gens qui souffrent de maladies ou qui ont un historique médical hors du commun, en échange je peux utiliser leur cas, avec leur collaboration, pour former des étudiants. Chez les étrangers, il y a des technologies qui n’ont jamais été utilisées en Hongrie parce qu’elles ont été abandonnées par le reste de l’Europe avant de pouvoir être adoptées ici. En général, les patients attendent assez longtemps mais, j’ai fait une partie de ma formation en France et c’était la même chose.
Zsuzsanna, médecin
Je ne demande pas d’argent mais parfois, quand j’étais plus jeune, je me suis sentie obligée d’accepter, j’étais gênée. J’ai travaillé à l’étranger mais, autant cette expérience a été très positive pour moi d’un point de vue personnel, autant, je me suis sentie frustrée en rentrant parce que je ne pouvais pas utiliser ce que j’avais appris. Pas du fait du manque de matériel adéquat mais parce qu’à l’époque les mentalités étaient différentes et mes collègues, et surtout mon chef de service, ne voyaient pas l’utilité de ce que je proposais. Aujourd’hui, je suis presque à la retraite et les mentalités ont évolué dans mon sens, mais c’est dommage.
Béa, patiente
J’ai 27 ans, je ne vais pas souvent chez le médecin. Je vais en province, dans la ville où je suis née et où habitent mes parents même si je travaille à Budapest. Notre médecin de famille me connaît depuis que je suis toute petite. Je donne 4000 forints à mon dentiste même s’il travaille au dispensaire, ce n’est pas cher, un dentiste privé me prendrait 10000 forints pour faire la même chose, certains demandent 20000 forints pour vingt minutes de travail. C’est presque un ami, je le connais depuis plusieurs années. Il est jeune et je sais que c’est difficile pour lui. Je gagne bien ma vie, je fais beaucoup de sport, je ne fume pas et je ne bois presque jamais d’alcool, je n’ai jamais été opérée et je pense que j’aurais un peu peur. On m’a raconté des histoires terribles sur les conditions de travail dans les hôpitaux et sur les médecins qui demandent de l’argent mais je ne sais pas si c’est vrai, je ne connais qu’une personne qui ait dû changer de cardiologue après une opération car elle avait refusé de payer car elle ne pouvait pas.
János, patient
J’ai 70 ans, je bois un peu, je ne fume pas mais j’ai pas mal de petits problèmes de santé. Je connais des médecins dans tous les domaines, je propose toujours de donner quelque chose aux infirmières, aux médecins. Certains refusent d’autres acceptent. Je ne sais pas si je suis vraiment mieux traité pour cela mais tout le monde est toujours très gentil avec moi. Mon dentiste est un ami, c’est un dentiste militaire, je passe le voir pour les contrôles et on boit une bonne bouteille en jouant au bridge de temps en temps. Pour les grosses interventions je vais chez un jeune dentiste qui a un cabinet privé, j’ai les moyens et, à mon âge, les dents c’est très important psychologiquement aussi.
Barna, pneumologue
Je ne demande jamais d’argent. Je fais mon travail au dispensaire et ma femme travaille aussi.
Les patients viennent sur rendez-vous. C’est un métier très prenant sur le plan humain. Parfois, il faut annoncer de vraies mauvaises nouvelles. Les gens ont du mal à arrêter de fumer. Il y a des médicaments qui sont efficaces mais chers, il faut faire beaucoup de prévention et de suivi, les gens ne se rendent pas compte à quel point ils ruinent leur santé et celle des autres.