Métro : Attention travaux !
Métro : Attention travaux
Avec quelles ressources Budapest financera-t-elle la construction de la nouvelle ligne de métro, dont la réalisation reste fortement contestée par les spécialistes ? La question reste sans réponse.
La semaine dernière, Gábor Demszky, maire de Budapest, est arrivé sans casque sur le chantier de la future station de la place Etele pour y donner une conférence de presse visant à dissiper les inquiétudes planant autour de la question des investissements. Ce geste était certainement censé souligner que le maire était prêt à prendre des risques, tandis que toute son équipe, dont son adjoint, Miklós Hagyó, membre du Parti Socialiste (MSzP), s’était équipée du couvre-chef protecteur. Le comportement du numéro un de la capitale laissait penser que le maire voyait “la lumière au bout du tunnel”. Tunnel dans lequel la circulation effective du métro ne débutera, selon les prévisions, qu’avec un an de retard, c'est-à-dire au plus tôt à l’automne 2010. Mais à en juger par l’état actuel des choses, non seulement le délai d’exécution ne pourra pas être respecté, mais le budget originellement prévu non plus. Comme le maire de Budapest l’a expliqué, dès le début de son allocution, le changement du contenu technique du projet augmenterait les frais de 43,1 milliards de forints, et les autres investissements, consécutifs à ce changement, de 49,7 milliards. Quant à la seconde phase de la réalisation, même si la ville a réussi à économiser 1,8 milliard de forints sur l’acquisition des rames, d'autres aspects demanderont quant à eux 34,8 milliards de forints de plus. En somme, les frais de la construction de la ligne 4 atteindront 484 milliards de forints, soit 164 milliards de plus que les 320 milliards fixés dans la loi sur le métro.
Fonds de cohésion
Le maire de Budapest est convaincu que la nouvelle ligne sera réalisée, cependant il n’a pas su dire qui prendra finalement part au financement du projet, et dans quelle proportion. Selon la loi, 79% des frais sont imputables à l’Etat et 21% à la capitale. Or, déjà l’année dernière, il était clair que l’Etat ne désirait ni ne pouvait attribuer d'avantage d'argent au métro. L’Agence Nationale de Développement (AND) a donc entamé des négociations avec Bruxelles pour que le pays accède à un soutien financier non restituable, issu des fonds de cohésion. «A partir de cette année, pour la première fois, on peut financer des programmes de transport public à l’aide de ce fonds», rappelle Dávid Vitézy, porte-parole de l’Association des Transports urbains et périurbains (ATVB) et membre du comité de surveillance de la compagnie des Transports Publics de Budapest (BKV). Cependant, selon l’ATVB, l’Union européenne favorise d'avantage les “petits” travaux de développement local, plutôt que les projets grandioses. Ainsi, à la place Etele, Demszky n’a pas pu dire exactement quel financement accorderait Bruxelles, les négociations entre l’AND et les spécialistes de l’Union étant encore en cours. De ce fait, il a également refusé de réagir aux nouvelles récentes, selon lesquelles on ne pouvait guère songer à une subvention provenant des fonds communautaires pour la construction du deuxième tronçon liant la place Baross à la place Bosnyák. Faute de subventions venant de Bruxelles la capitale pourrait se trouver en difficulté puisque le programme de convergence du gouvernement n’envisage pas le recours à un crédit supplémentaire. Mais, face à ce problème, le maire de Budapest a tout simplement fait la sourde oreille.
Gordon Bajnai, commissaire du gouvernement chargé de la politique de développement, a confié au Figyelô que le gouvernement avait renégocié avec la ville de Budapest les principes du financement de la construction du métro. Négociations durant lesquelles les deux parties se sont plus ou moins entendues. Parallèlement, la ville avait ordonné une supervision du projet, dont les résultats ont été publiés à l’Assemblée le 29 mars. L’accord définitif entre le gouvernement et la ville de Budapest ne sera possible qu’après l’examen de ces documents, et ce n’est qu’ultérieurement que le projet mis à jour pourra être de nouveau envoyé à Bruxelles.
Le commissaire chargé de la politique de développement a en effet souligné qu’il n’y avait pas encore de réponse officielle de la part de la Commission européenne. «Nous en sommes seulement au stade des entretiens et consultations, l’Union ne nous a pas encore fait savoir par écrit sa prise de position détaillée et officielle.» Selon un avis préalable, Bruxelles financerait les parties du projet qui sont bien préparées, transparentes et pour lesquelles des analyses et des autorisations officielles sont accessibles, bref, dont le financement ne présente aucune difficulté et aucun risque. «Sur ce point, nous avons un désaccord avec l’UE, explique Bajnai, car je souhaiterais qu’elle participe à un projet global, et non seulement à certains éléments isolés, de façon à assurer les ressources financières nécessaires au tunnel et aux rails par exemple, et non pas seulement aux escalators et aux stations…»
La construction de la nouvelle ligne de métro a alimenté le débat dès ses débuts, c’est-à-dire il y a vingt ans. Selon les spécialistes, sa conception d’alors n’est plus réalisable aujourd’hui (Figyelô, n°11, 2007). Pourtant, Gábor Demszky compte sur au moins 200 000 passagers par jour sur le premier tronçon de la ligne 4, tandis qu’il en envisage 600 000 après l’ouverture de la deuxième partie, soit le nombre actuel de voyageurs sur la ligne 3 reliant Kôbánya à Újpest. Mais ni les experts extérieurs ni même le comité d’exploitation de la ville à l’Assemblée municipale n’ont eu la possibilité d’intervenir dans le processus de conception et d’élaboration de la ligne 4. Ce comité a pourtant abordé la question du nouveau métro à plusieurs reprises, mais le responsable du Bureau du Projet du Métro (DBR), László Gulyás, n’a aucunement pris en considération son avis. Par ailleurs, la direction de la société des transports de Budapest aurait plusieurs fois cherché à réviser le fonctionnement de cet organisme, dépendant pourtant officiellement de cette même société, sans succès. Selon certains, Gulyás aurait été placé à ce poste par le maire de Budapest en personne, poste dont il a été destitué par le même Gábor Demszky lors du débat provoqué par les problèmes de financement de la ligne, reconnaissant par là même ses responsabilités quant à la mauvaise tournure prise par les travaux de préparation et face aux frais excessifs en jeu. Nous aurions bien voulu interroger László Gulyás à ce propos, mais il n’a, jusqu’à présent, pas répondu à notre requête. Quoi qu’il en soit, après avoir quitté ce poste qu’il avait occupé pendant dix ans, Gulyás continue de travailler au sein du même organisme en qualité d’expert. Le nouveau directeur chargé du projet est Árpád Balogh, auparavant chef de département dans la Société des Chemins de Fer de Hongrie (MÁV).
Le départ des foreuses.
Malgré les circonstances, les foreuses ont entamé leur percée depuis la place Etele début avril, creusant leur tunnel à raison de 10 à 15 mètres par jour. Le maire de Budapest explique ce décalage d’un an par la lenteur de l’administration qui attribue les permis et à cause des tergiversations relatives aux questions de propriété. Demszky a par ailleurs annoncé avec un plaisir certain que le gouvernement avait classé l’investissement “d’utilité publique”, ce qui faciliterait à l’avenir les démarches administratives relatives au deuxième tronçon, pourvu qu’il trouve les ressources nécessaires à l’exécution de ce projet qui reste très contesté par les spécialistes.
Les recommandations de Bruxelles
La Commission européenne estime que le projet du métro budapestois est important et est prête à le soutenir, sans toutefois être d’accord pour placer la quasi-totalité de l’enveloppe disponible dans ce seul projet. «Si rien ne change, tout le contenu de l’enveloppe censé développer le transport public, et en particulier celui des banlieues, sera absorbé par cet investissement», a expliqué au Figyelô Ana-Paula Laissy. La porte-parole du commissaire chargé de la politique régionale a ainsi souligné que la Commission songeait à participer à d’autres projets de transports publics. Selon les documents envoyés à Bruxelles, les frais de la construction du métro ont été estimés à 1,6 milliard d’euros par le gouvernement. (Pourtant, selon le site de l’AND le montant total du projet s’élèverait à 1,3 milliard d’euros - selon le taux moyen en cours en 2006 -, sur un budget total de 2,6 milliards d’euros consacré au développement des transports publics de la ville et des banlieues.) Bruxelles a signalé aux autorités hongroises son souhait de voir ces dernières trouver d’autres moyens de financement car la Commission, pour les raisons citées plus haut, diminuera finalement le montant des subventions demandées pour le projet de la ligne 4. L’Union a notamment suggéré d’inviter des investisseurs privés à participer à participer au projet pour, par exemple, assurer l’aménagement des stations. La Commission a également rappelé que les négociations étant toujours en cours, il ne restait alors que quatre mois pour arriver à un accord définitif.
Richárd Hlavay,
Hajnalka Cseke.
Traduit par Zsófi Molnár
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